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CHAPITRE VIII.

ESPAGNE. Ouverture de l'assemblée des Cortès.

gente. Conspiration ultrà-libérale à Madrid.

Discours de la reine ré

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naires des deux Chambres.-Adresses des Chambres en réponse au discours du trône. Déclaration des droits politiques. Exclusion de don Carlos et de ses descendans du trône d'Espagne. Réglement de la dette étrangère.-Exclusion de M. Burgos de la Chambre des procérès.— Mina Suite des opérations militaires dans les provinces insurgées. : est nommé au commandement de l'armée du Nord. Nomination d'un nouveau ministre de la guerre. Troubles dans les provinces du midi. Cholera. Suite des travaux des Chambres: Objets divers. Projet de loi sur la milice urbaine. - Projet de loi pour une levée de 25,000 hommes. Pétition pour la reconnaissance des anciennes colonies espagnoles en Amérique. Budget pour 1835. Discussion de la liste civile. - Etat des choses dans les provinces insurgées.

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Malgré la présence du choléra, le ministère n'avait pas varié un moment sur la nécessité inexorable d'ouvrir les Cortès au terme fixé précédemment, et, le 24 juillet, la reine régente, déterminée par les conseils de M. Martinez de la Rosa, interprète de tous ses collègues, revint à Madrid pour présider à cette solennité, qui se fit au palais de Buen-Retiro. Arrivée dans la salle des séances, la régente, au devant de laquelle des députations étaient allées, suivant le cérémonial prescrit, prit place sur un siége à la gauche du trône, qui resta inoccupé en l'absence de la jeune reine Isabelle, et dit ces paroles: «Illustres procerès du royaume, MM. les curadores du royaume, asseyez-vous »; puis elle reçut des mains du président du conseil des ministres le discours qu'elle devait prononcer. (Voyez l'Appendice.)

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« Unir étroitement, disait-elle au début de ce discours, le trône de mon auguste fille aux droits de la nation, en donnant pour base cominune à ce trône et à ces droits les antiques institutions qui ont élevé ces royaumes à un si baut degré de prospérité et de gloire, tel est le noble but que je me suis proposé, but dont il n'est pas de témoignage plus éclatant et plus solennel que votre présence dans cette enceinte. >>

La régente exprimait ensuite sa douleur de ce que cet acte auguste s'accomplissait au milieu des ravages du choléra; elle se trouvait encore plus affligée, s'il était possible, des odieux attentats qui en avaient suivi l'invasion dans la capitale, et que les lois châtieraient. Il lui était également pénible que le premier objet grave à présenter à la délibération des Cortès fût la conduite d'un prince mal conseillé qui, depuis la mort de son frère, le roi Ferdinand, avait tenté, par la guerre civile, d'arracher le sceptre à la légitime héritière.

Après avoir rappelé la conclusion du traité du 22 avril, la régente se félicitait des dispositions amicales dont le roi des Français et le roi d'Angleterre ne cessaient de lui donner des témoignages, ainsi que de la bonne harmonie qui subsistait entre l'Espagne et le Portugal. Diverses autres puissances avaient renouvelé explicitement leurs relations politiques avec le gouvernement espagnol, depuis l'avénement d'Isabelle II, et, de son côté, la reine régente avait reconnu quelques nouveaux états, autant pour suivre les règles d'une saine politique, que pour ne pas mettre d'entraves et causer de préjudice à la navigation et au commerce de l'Espagne.

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« Il eût été à désirer, ajoutait S. M., que tous les gouvernemens eussent répondu aux dispositions bienveillantes du cabinet espagnol; mais, bien qu'aucun d'eux n'ait montré ni l'intention ni le désir de se mêler de nos affaires intérieures, quelques uns ont différé jusqu'à présent de reconnaitre mon auguste fille comme reine d'Espagne. Les lois de la monarchie l'ont élevée au trône, la volonté manifeste de la nation l'y soutient ; la raison ct le temps ne peuvent manquer de faire rendre hommage au principe conservateur de la légitimité. »

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Le tableau de la situation intérieure du royaume était loin d'être aussi flatteur que le patriotisme des Cortès l'aurait désiré.

« Mais, poursuivait la régente, malgré les obstacles qu'ont opposés le soulèvement de quelques provinces et l'agitation de quelques autres, la pénurie du trésor, et le fléau qui désole une grande partie du royaume, on est parvenu, dans cette situation si critique, à diminuer les maux, et en même temps à opérer des réformes salutaires, à effectuer dans un court délai la réunion des Cortès, à vaincre partout les bandes des factieux, à augmenter l'armée, à accroître dans un royaume voisin la renommée de nos armes, et pour satisfaire à tous ces besoins, l'un plus important

et plus urgent que l'autre, la fermeté et l'enthousiasme de la nation nous ont dispensés de demander aux populations des sacrifices graves. »

La reine Christine indiquait ensuite les importantes questions de finances dont les Cortès auraient à s'occuper, telles que, le nouvel emprunt à contracter; la nécessité d'arriver, à l'aide d'une sage et sévère économie, à balancer les revenus et les dépenses de la nation; une régularisation de toute la dette étrangère compatible avec les moyens actuels de l'Espagne et basée sur la franchise et la bonne foi qui étaient la règle de son gouvernement; l'amélioration de la dette intérieure et son extinction progressive, facilitée par les ressources qui pourraient lui être successivement appliquées avec une prudente retenue et après un profond examen.

« Le statut royal, disait la reine en terminant, a posé les fondemens : c'est maintenant à vous, illustres procerès et messieurs les procuradorès du royaume, à concourir à ce que l'édifice s'élève avec cette régularité et cet ensemble qui sont des gages de stabilité et de force.

>> Quant à moi, vous me trouverez toujours prête à faire tout ce qui pourra tourner au bien et à l'avantage de l'Espagne. Déjà, dans le peu de jours où, par la volonté de mon auguste époux, j'ai exercé le pouvoir suprême, j'ai manifesté que mes intentions et mes désirs sont d'effacer par l'oubli les traces des maux passés; de faire actuellement les réformes possibles et de préparer, avec voslumières, d'autres améliorations pour l'avenir. Quels que soient les obstacles que je rencontre dans cette tâche difficile, j'espère les surmonter avec l'aide du ciel, le secours de vos efforts et l'appui de la nation. Pour regarder comme miens propres le bonheur et la gloire du peuple espagnol, il me suffira de me rappeler que je suis mère d'Isabelle II, et que Charles III fut mon aïeul.

Après la lecture de ce discours, la prestation des sèrmens eut lieu, tant de la part de la reine régente que de celle des procerès et des procuradorès, entre les mains du patriarche des Indes, suivant un cérémonial arrêté d'avance par le gouvernement, et dans lequel on remarquait un soin tout particulier à ménager la susceptibilité de la seconde branche de la législature.

Le jour même de l'ouverture des Cortès, on découvrit une conspiration ultrà-libérale, par suite de laquelle furent arrêtés le général Palafox, récemment créé duc de Sarragosse et grand d'Espagne, en mémoire de la belle défense de cette ville; Romero Alpuente, chef du parti radical

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aux Cortès de 1823; le général Juan Van Halen, ancien aide de-camp de Mina; Alexandre O'Donnel, frère du feu comte de l'Abisbal; le général Llanos, etc. Le complot devait s'exécuter, disait-on, dans la salle même où se célébrait la séance royale; il avait pour but le rétablissement de la constitution de 1812, la seule légitime suivant le système des conjurés. Cet événement, qui n'avait au fond aucune gravité, la présence du choléra et la nouvelle de l'arrivée de don Carlos en Navarre, avaient jeté un voile de tristesse sur la solennité du 24 juillet, et comprimé l'explosion spontanée de la satisfaction qu'on éprouvait généralement de l'installation des Cortès.

Les premières séances des deux Chambres furent consacrées aux opérations préparatoires ordinaires : la vérification des pouvoirs, l'élection des secrétaires, la nomination des commissions chargées de rédiger l'adresse en réponse au discours du trône. La Chambre des procuradorès eut de plus à proposer cinq candidats au choix de la régente, pour la présidence et la vice-présidence. Après divers ballottages, la liste définitive des candidats fut arrêtée comme il suit : MM. le comte d'Almodovar 65 voix, Lasanta 56, Medrano 55, Aranda 38, et Santa-Fé 38, sur 72 votans. Le président choisi par la reine fut le comte d'Almodovar, et le vice-président don Diego Medrano.

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Le 2 août, la Chambre des procerès, réunie sous la présidence du duc de Baylen (général Castagnon), mit en dis-cussion le projet d'adresse rédigé par sa commission. Ce projet était entièrement conforme aux vues du gouvernement, et ne se faisait remarquer que par l'énergie avec laquelle il flétrissait les attentats du 17 juillet. Il fut adopté tel qu'il avait été soumis à la Chambre, à quelques mots près, qui furent supprimés ou changés, sans avoir donné lieu à des débats fort animés.

La manière dont était conçu le projet d'adresse arrêté par la commission de l'autre Chambre annonçait pour le minis

tère une lutte plus difficile. Dans ce projet, la Chambre commençait par déclarer qu'elle avait éprouvé le plus vif plaisir à entendre sortir de la bouche de la reine des vœux et des principes dont l'exécution suffirait pour assurer la prospérité de l'Espagne; prospérité à laquelle l'appelait un concours d'heureuses circonstances, « mais que s'obstinèrent à éloigner d'elle pendant long-temps les vices d'une législation absurde». La Chambre ne s'élevait pas avec moins de vigueur contre l'insurrection carliste, que n'avaient fait les procerès contre le massacre des moines. Elle réclamait la main puissante d'un gouvernement énergique, pour réprimer le parti rebelle. La douceur et la clémence essayées en vain, avaient eu un résultat trop fâcheux pour qu'on n'y renonçât pas. Les malveillans s'encourageaient par l'impunité. « A celui qui ferme son cœur et ses oreilles au cri pénétrant de la patrie, il n'y a plus, disait-elle, à présenter que le glaive inexorable de la loi. » Si quelques gouvernemens avaient ajourné la reconnaissance de la reine Isabelle, les procuradorès ne pensaient pas que cela dût apporter le moindre obstacle à la marche des réformes salutaires qui se préparaient, ni au bonheur, ni à la gloire qu'elles devaient produire. Ils disaient que le tableau de la situation intérieure était plus sombre encore que ne l'avait présenté le discours du trône. Les longues années d'un système cruel, d'une administration aveugle, d'une terrible réaction contre les principes de toute bonne organisation sociale, avaient conduit l'Espagne au plus triste état d'abaissément et de misère. Enfin, la Chambre, en réponse à l'invitation que la reine avait adressée aux Cortès de concourir au couronnement de l'édifice dont le statut royal avait posé les bases, réclamait positivement la protection de tous les droits sociaux, la liberté de la presse, l'égalité devant la loi, la liberté individuelle, l'indépendance des tribunaux, la responsabilité des agens du pouvoir et l'établissement du jury.

3 août. Après M. Lopez, membre de la commission de

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