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qu'à des phrases qui ressemblaient au moins autant à des leçons qu'à des remercîmens.

Le ministère, au surplus, ne reconnaissait pas que l'adresse lui fût hostile, et ne souscrivait nullement aux argumens qu'on en tirait contre lui; du moins la réponse du roi à cette adresse, réponse que l'on doit toujours supposer inspirée par lè cabinet, ne dénotait-elle aucun déplaisir : loin de là, elle prenait dans une acception favorable les phrases ambiguës, et quant aux passages qui s'exprimaient d'une manière plus explicite, elle les passait complétement sous silence. C'est ainsi qu'aucune allusion n'était faite au paragraphe sur la nécessité de ramener l'équilibre entres les dépenses et les

recettes.

<< Vous continuerez, disait le roi, de prêter à mon gouvernement ce concours loyal et patriotique qu'il a trouvé depuis quatre ans dans les Chambres qui vous ont précédés, et il soutiendra courageusement cette politique libérale et modérée qui, comme vous le dites, est toute conforme aux vœux et aux intérêts de la France. >>

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Des cris de vive le roi ayant accueilli la réponse de S. M., qui exprima combien elle était sensible à ces témoignages d'affection, le président de la Chambre déclara que cette affection était le sentiment dominant de l'adresse.

Aucune nuance ne distinguait cette réponse du roi à l'adresse des députés, de celle qu'il avait déjà faite (11 août) à l'adresse de la Chambre des pairs.

Ainsi se termina ce premier acte de la session : une ordonnance du 16 août, communiquée le même jour aux deux Chambres, les prorogea au 29 décembre suivant.

CHAPITRE XI.

ÉTAT du pays.-Session des conseils généraux de département.-Emploi de l'armée aux travaux publics.-Rapport du ministre de la guerre au roi sur l'avancement.-Enquête commerciale.-Voyage de la famille royale à Fontainebleau.-Question de l'amnistie.-Le maréchal Gérard donne sa démission de président du conseil et de ministre de la guerre. -Dissolution du ministère.-Nomination d'un nouveau ministère.Convocation des Chambres pour le 1er décembre. · Dissolution du nouveau ministère.-Rentrée au pouvoir des anciens ministres sous la présidence du maréchal Mortier.-Colonies. — État des choses à Alger. -Expédition contre les Hadjoutes.-Organisation administrative des possessions françaises dans le nord de l'Afrique.-État des choses à Oran.-Convention entre le gouverneur d'Oran et Abd-el-Kader, bey de Mascara.-État des choses à Bone.-Hostilités avec les Arabes.Événemens au Sénégal et à la Martinique.-Conseils coloniaux.

Si les incidens parlementaires dont nous venons de parler étaient de nature à susciter des embarras au ministère, les partis semblaient devoir désormais s'abstenir de troubler violemment le repos du pays. Depuis les événemens du mois d'avril, en effet, aucune de ces tentatives, aucune de ces manifestations qui s'étaient multipliées pendant la dernière année avec un caractère hostile à l'ordre établi, ne vint menacer la sécurité publique. Vaincu dans son dernier appel à la force ouverte, désorganisé par les lois contre les crieurs publics et contre les associations, privé de ses chefs incarcérés sous prévention de complot et d'attentat, le parti républicain ne révéla plus son existence par aucun indice matériel. Le parti légitimiste n'avait pas moins complétement abandonné le champ de bataille, et s'il était rentré dans l'arène parlementaire, il paraissait avoir renoncé à recommencer la Vendée. Cependant, sur plusieurs points des départemens du Morbihan, d'Ille-et-Vilaine et de Maine-et-Loire, quelques réfractaires continuaient encore les brigandages de la chouannerie, et

même, par suite de l'influence que les événemens extérieurs exercèrent toujours sur l'Ouest, leur nombre s'accrut et leur audace redoubla, vers la fin de l'année, lorsque la guerre civile se fut allumée en Espagne, et qu'un ministère tory eut repris la direction des affaires en Angleterre. Ces misérables essais de perturbation, ces coups de fusil échangés avec la gendarmerie, des attaques contre les caisses pupliques, des dévastations de propriétés et des violences contre les personnes, n'avaient aucune importance politique.

Tout au reste était calme pendant la période que nous parcourons, et ni l'administration ni le gouvernement ne nous offrent guère à raconter d'événemens d'un haut intérêt historique.

La session des conseils-généraux, qui eut lieu, pour la première fois, dans le cours du mois de juillet, depuis la promulgation de la loi du 22 juin 1833, n'avait nullement justifié les inquiétudes que leur nouveau mode de nomination avait fait naître; d'un autre côté, l'incertitude qui régnait encore sur leur action et sur leurs attributions ne leur avait pas permis de réaliser toutes les espérances qu'ils avaient excitées. On ne put donc, jusqu'à un certain point, les juger qué d'après les voeux qu'ils exprimèrent; ils y firent preuve, en général, de prudence et de lumières, et s'il y eut divergence et confusion, peut-être, dans les opinions émises sur des matières politiques, il y eut accord de bonnes intentions et de vues judicieuses sur les questions sociales et administratives. Le point capital de l'instruction primaire avait été particulièrement bien compris, et le ministre de l'instruction publique dut voir que l'appui et les sympathies du pays ne lui manqueraient pas dans ses heureux efforts pour étendre l'éducation du peuple.

En résumé, de bons résultats pouvaient être attendus des renseignemens que ces représentans éclairés des intérêts locaux fourniraient à l'administration centrale; et déjà, sans doute, le vœu émis par les conseils-généraux de plusieurs dé

partemens de l'Ouest vint contribuer à la solution favorable qui fut enfin donnée à la question, depuis long temps agitée, de l'emploi des troupes aux travaux des routes. Les ministres de la guerre et de l'intérieur, de concert avec la direction des ponts et chaussées et l'autorité locale, arrêtèrent, au mois de septembre, des réglemens et des mesures préparatoires pour faire exécuter, par les soldats, les routes stratégiques dont l'ouverture avait été décidée en 1833, dans la Vendée.

La possibilité, acceptée en principe par le ministre de la guerre, d'employer les troupes à de grands ouvrages d'utilité publique, annonçait de sa part l'intention de dédommager le pays des charges qu'entraînait l'entretien permanent d'un effectif considérable. Une intention analogue ressortait encore formellement d'un rapport que le même ministre fit au roi dans le mois de septembre, afin de régler l'avancement par ordonnance, tout en se renfermant dans les limites des lois. Ce rapport, d'un intérêt d'ailleurs tout spécial, était une déclaration contre les crédits supplémentaires, dont le trop fréquent usage avait soulevé tant de plaintes contre la dernière administration de la guerre. « Le même désir d'économie qui anime les Chambres, disait le maréchal Gérard, dirige le gouvernement; c'est pour lui une question d'honneur et d'intérêt... La première règle que j'ai tracée, et que j'ai imposée comme une loi à tous les services qui dépendent de mon département, c'est de s'abstenir désormais de sortir des crédits votés, indépendamment des efforts qui seront faits pour éviter même de les épuiser quand il sera possible. » Cette exposi tion de principes avait été accueillie avec une faveur générale.

Un autre ministre, celui du commerce, tentait de louables efforts pour répondre à ce qu'on était en droit d'attendre de lui, d'après les doctrines qu'on lui avait vu professer avec beaucoup d'habileté, avant son arrivée au pouvoir. Déjà

M. Duchâtel avait signalé son activité par plusieurs ordonnances relatives aux douanes, lorsqu'il adressa, vers le 20 septembre, aux chambres de commerce et aux chambres consultatives des arts et métiers, une circulaire dans laquelle il leur demandait des renseignemens positifs et des documens pour préparer la nouvelle loi des douanes qui devait être présentée à la prochaine session. Il annonçait que la principale question sur laquelle il réclamerait des lumières, était celle des prohibitions à remplacer par des droits, et il déclarait qu'il serait procédé, à cet égard, au moyen d'enquêtes qu'on ouvrirait devant le conseil supérieur de commerce: il s'efforçait, au surplus, de rassurer contre toute crainte d'un changement brusque et absolu dans la législation. Cette invitation faite au commerce, à l'industrie et à l'agriculture d'exposer leur situation et de produire leurs vœux et leurs besoins, ne pouvait pas manquer de causer une grande sensation. Les intérêts matériels s'émurent et s'alarmèrent; les chambres de commerce lancèrent des manifestes qui étaient loin de répondre aux idées libérales et progressives généralement attribuées au ministre, et l'enquête commencée au mois d'octobre se poursuivit pendant le reste de l'année au milieu de l'agitation et de l'anxiété du monde commercial et industriel. Cette mesure, basée cependant sur des principes dignes d'éloges, n'obtint pas, à beaucoup près, l'assentiment général, et ses résultats furent peu satisfaisans: à travers des déclarations contradictoires, et des vœux opposés, les intérêts personnels ne s'effacèrent presque jamais pour faire place à des vues d'ensemble et à un esprit éclairé de nationalité.

Le mois de septembre avait vu aussi s'accomplir un voyage de la famille royale à Fontainebleau, où la royauté sortie de la révolution de juillet déploya sous les yeux du corps diplomatique un éclat et une pompe jusqu'alors inusités. Le bruit de ces fêtes, qui tendaient à rappeler par leur composition et leur étiquette celles de la cour impériale et de la restauration, retentissait encore lorsqu'il survint tout à coup, et sans qu'au

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