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entre la qualité de député et celle d'intéressé dans un marché pour fournitures contracté avec le gouvernement, dont le nombre de bureaux voulu par le réglement, de la Chambre élective avait autorisé la lecture en séance publique, n'avaient pas été prises en considération. Quelques autres n'avaient pas même été admises à la lecture; la plus importante de ces dernières, souscrite par 115 députés, tendait à une réduction de l'impôt sur le sel. Enfin la Chambre des députés avait encore été saisie d'un projet de loi sur l'administration des salines, et du projet de réglement des comptes de l'exercice 1832, qui, ni l'un ni l'autre, ne furent l'objet d'un rapport. Par ce réglement, présenté le 10 mars, la recette applicable à l'exercice 1832 était arrêtée à 1,149,340,204 francs, et la dépense à 1,175,536,285 francs.

En général, les pétitions n'avaient pas soulevé de longs débats. La discussion solennelle que semblaient devoir amener les pétitions relatives à la réforme électorale, s'engagea deux fois dans la Chambre des députés, et deux fois les circonstances la firent avorter. La première fois, la Chambre était encore tout émue de l'altercation survenue entre M. Cabet et le ministre de l'intérieur (voyez p. 90); la seconde fois, les événemens d'avril préoccupaient tous les esprits, et ne permettaient guère de discuter des questions de principe. Des pétitions , par lesquelles plusieurs villes demandaient le maintien de leurs évêchés, qui auraient dû être supprimés, pour rentrer dans les conditions de la loi de l'an X, comme le voulait une disposition législative de l'année dernière, eurent ceci de remarquable, qu'elles conduisirent la Chambre à prendre deux résolutions contradictoires. Le 15 mars, le renvoi de ces pétitions au ministre de l'intérieur, proposé par la commission, appuyé par MM. Madier de Montjau, Charles Dupin et Boissy d'Anglas, combattu par MM. Salverte et Odilon-Barrot, avait été rejeté le 26 avril, au contraire, le renvoi au ministre des cultes, que proposait encore la commission, et que soutenaient MM. Du

pin aîné et de Lamartine, fut prononcé, malgré l'opposition de MM. Luneau, Eschassériaux et Odilon-Barrot. Nous ne trouvons guère à noter, parmi les autres pétitions, que diverses demandes, d'origine commune, tendant, les unes à l'abrogation de la loi qui bannit la famille impériale, et les autres à la translation des cendres de Napoléon sous la colonne de la place Vendôme. Les premières furent écartées par l'ordre du jour qu'avaient invoqué, au nom de la raison d'état, le ministre de la guerre, M. Hervé et M. Viennet, quelques efforts qu'eussent faits MM. Sapey, Limperani, Lévêque de Pouilly, Salverte et le général Bertrand, pour obtenir le renvoi au conseil des ministres. Ce renvoi fut prononcé à l'égard des pétitions relatives aux cendres de l'empereur. Il faut signaler enfin une pétition, dans laquelle un ancien officier demandait que les fortifications d'Huningue fussent relevées, et dont le renvoi au président du conseil fut ordonné, sur les observations de MM. Koechlin, Larabit et Clausel, bien que la commission eût conclu à l'ordre du jour.

Au nombre des projets de loi adoptés par les Chambres, auxquels nous devons encore une mention, quoiqu'ils ne présentassent ni intérêt général, ni caractère politique, figurent un projet de loi qui relevait la ville de Paris de la déchéance qu'elle avait encourue de la loi de 1828, sur les embellissemens qu'elle s'était engagée à faire aux Champs-Elysées, et à la place de la Concorde, et qui réduisait la somme destinée à cet usage; un projet qui ouvrait au ministre de P'instruction publique un crédit pour l'achèvement des constructions dépendantes de l'Ecole de Médecine, et d'autres projets de même nature, pour la construction de deux ponts, sur la Vilaine dans le Morbihan,' et sur la Dordogne à Cubzac.

C'est dans cet état que la session fut close, le 24 mai, par une ordonnance royale, communiquée le même jour aux deux Chambres, en la forme accoutumée.

Considérés comme indices de la situation respectivé des

pouvoirs les uns à l'égard des autres, les travaux de cette session montraient que les termes des relations parlementaires n'avaient guère changé depuis la précédente. Ainsi qu'en 1833, la Chambre dés pairs, par ses paroles et par ses actes, avait fait preuve d'un accord inaltérable avec le gouvernement. De son côté, la Chambre élective avait gardé son indépendance; on peut dire même que cette indépendance s'était plus nettement dessinée, et qu'elle autorisait jusqu'à un certain point cette thèse, que nous avons vu soutenir, à savoir, que la majorité ne marchait pas complétement avec le ministère. Outre divers échecs essuyés dans des rencontres partielles, et sa défaite signalée dans la discussion solennelle du traité américain, le ministère avait dû disputer vivement les victoires qu'il avait remportées, et le chiffré de la minorité avait été parfois imposant. Une question surtout, à propos de laquelle la grande majorité désavouait le système en vigueur, c'était celle des finances. Au total, quoique maître encore du terrain, le ministère en avait cependant assez perdu, pour donner à croire que peut-être il eut dû se retirer, sans les troubles graves qui, en absorbant toute l'attention, avaient empêché les hostilités contre lui d'être aussi formidables qu'elles l'auraient été dans une situation calme et régulière.

Quant aux Chambres, toutes les fois que celle des pairs avait eu à se prononcer entre la Chambre élective et le gouvernement, c'est à ce dernier qu'elle s'était ralliée; de sorte que les deux Chambres s'étaient plutôt éloignées que rapprochées l'une de l'autre. On a vu, en effet, dans plusieurs circonstances, la Chambre inamovible avouer hautement son désaccord avec la Chambre des députés, et le constater par des votes, ou au moins par son refus implicite de se prononcer sur divers projets qu'elle laissa en arrière, et qui étaient de nature, dans leur ensemble ou dans quelques unes de leurs dispositions, à ne pas recevoir un favorable accueil au palais du Luxembourg.

CHAPITRE X,

Dissolution de la Chambre des députés.

Ordonnance qui nomme un ministre de la marine. — Mort du général Lafayette. — Élections géné❤ rales de la garde nationale. — Ordonnance rendue en matière de douanes. -Exposition des produits de l'industrie nationale. Situation du pays au moment des élections pour la Chambre des députés. — Résultat des élections. Convocation des Chambres pour le 31 juillet. - Nomination d'un nouveau président du conseil des ministres. Ouverture de la session de 1835. · Discours du roi. Incidens sur la prestation du serment et la présidence d'âge dans la Chambre élective. - Vérification des pouvoirs des députés. - Composition du bureau définitif de la Chambre élective. Discours de son président en montant au fauteuil. — Travaux préparatoires de la Chambre des pairs. — Discussion et vote de l'adresse dans cette Chambre-Discussion et vote de l'adresse dans la Chambre des députés. Présentation des adresses au roi. Prorogation des Chambres.

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Le lendemain même de la clôture de la session, parut une ordonnance royale qui prononçait la dissolution de la Chambre des députés, convoquait pour le 21 juin les colléges électoraux, et fixait au 20 août l'ouverture de la session de 1835. Comme le terme légal du mandat législatif des députés était arrivé, la perspective des prochaines élections générales préoccupait déjà depuis long-temps l'opinion publique, et déjà la presse avait commencé à agiter les questions de choses et de personnes qui s'y rattachaient. Elles furent, pendant tout le mois de juin, le seul aliment de la politique, à laquelle elles rendirent un nouvel intérêt ; toutefois, bien que l'esprit des élections dût se ressentir de l'influence des troubles du mois d'avril, tout annonçait que cette crise solennelle des gouvernemens représentatifs s'accomplirait avec la plus parfaite régularité, et dans le calme le plus complet.

Peu de faits importans étaient survenus dans l'intervalle écoulé entre ces troubles et la clôture des Chambres. Le

cabinet avait reçu un nouveau membre dans son sein: sur le refus du baron Roussin, ambassadeur à Constantinople, auquel le portefeuille de la marine avait été assigné, lors des derniers changemens ministériels, le vice-amiral comte Jacob fut appelé, par une ordonnance du 19 mai, à la tête de ce département. Mais cette nomination n'avait aucune signification particulière, aussi passa-t-elle inaperçue au milieu de la sensation produite par la mort du général Lafayette, arrivée le lendemain (voyez la Chronique).

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La popularité universelle de cet illustre vétéran de la liberté, la position qu'il occupait entre les partis, les grands souvenirs groupés autour de son nom, élevaient cette mort au rang des événemens publics. Il se mêlait, en outre, une certaine anxiété à l'émotion douloureuse causée par sa perte. Depuis les funérailles du général Lamarque, les solennités funèbres n'étaient pas vues sans quelque appréhension; heureusement, ces inquiétudes ne furent pas justifiées. D'ailleurs, il y avait pour le moment dans la masse de la population une telle lassitude de toute agitation, une telle in différence en matière politique, que la mort du général Lafayette, qui, quelques années plus tôt, aurait si profondément ému la France entière, ne pouvait, dans les circonstances actuelles, obtenir cette éclatante manifestation de regrets qui avait honoré les restes du général Foy et de Manuel. C'est ce qu'indiquait suffisamment ce mot caractéristique de la situation, qui fut alors dans un grand nombre de bouches: « Le général Lafayette meurt mal à propos. »

Les élections générales des officiers de la garde nationale, qui se firent au mois de mai, constituèrent le fait le plus remarquable de cette époque, sous le rapport politique. Ces élections, qui amenaient une masse imposante de citoyens à prononcer un jugement implicite sur la marche du gouvernement, se passèrent avec le plus grand ordre et le plus grand calme, et donnèrent, presque partout, l'avantage

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