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Abordant ensuite la question d'Alger, et favorable à la conservation de cette colonie, l'orateur exprimait le vœu qu'elle fût placée sous un régime d'ordonnances royales, et que toutes les dépenses relatives à ce chapitre fussent l'objet d'un budget spécial. M. le marquis de Barbé-Marbois se prononçait, au contraire, avec énergie contre la conservation d'Alger. Il traça un rapide tableau des désastres et des malheurs qui avaient suivi en tout temps les essais de colonisation tentés par les Français, et s'étonnait que, après avoir dépensé inutilement plus de trois milliards pour établir des colonies, on vînt encore demander des sommes nouvelles à consacrer au même usage. M. le duc Decazes ajouta quelques mots au sujet d'une pétition dans laquelle la Chambre de commerce d'Alger manifestait des inquiétudes sur la résolution du gouvernement relativement à la régence. La commission d'Afrique, dont l'orateur était l'organe, n'avait pas trouvé que ces inquiétudes fussent fondées, tout démontrant que le gouvernement voulait la conservation et l'organisation de la conquête. M. le comte de Montlosier blàma l'expression de colonie employée pour désigner Alger; c'est aux idées que réveillait ce mot qu'on devait attribuer, selon lui, tout le mal qui avait été fait.

Après cette courte discussion, tant sur le budget que sur la question d'Alger, la Chambre procéda au scrutin sur l'ensemble du projet, et l'adopta à une majorité considérable (111 voix contre 8).

La Chambre poursuivait ses travaux avec une activité qui semblait aller jusqu'à la précipitation; les votes s'y succédaient rapidement : dans la séance du 22 mai elle adopta le projet de loi relatif aux crédits additionnels, demandés par le ministre de la guerre sur les exercices 1834 et 1835, le projet de loi contre les détenteurs d'armes et de munitions de guerre, et enfin le projet relatif à l'ouverture d'un crédit pour les fêtes de juillet: ces trois projets furent votés purement et simplement presque sans discussion.

Le premier, adopté à la majorité de 103 voix contre 10, avait donné occasion à la commission d'examen, dont M. le marquis de la Place présenta le rapport (21 mai), d'exprimer le vœu qu'au moment où l'instruction élémentaire était en progrès, les jeunes soldats appelés sous les drapeaux participassent au bienfait de l'enseignement; la commission désirait qu'à l'avenir une allocation spéciale eût place au budget pour cet usage. La discussion fut remplie par quelques observations critiques de M. le vicomte Dubouchage, sur le système militaire en général, et en particulier sur l'inutilité des crédits demandés.

Le même membre prit seul la parole pour repousser le projet de loi relatif aux détenteurs d'armes, que la commission d'examen, ainsi que le constata M. le comte Siméon dans son rapport (21 mai), avait accueilli comme une loi impérieusement réclamée par les circonstances. M. Dubouchage blåma la faculté attribuée aux tribunaux correctionnels de mettre sous la surveillance de la haute police; il attaqua surtout la peine infamante des travaux forcés, portée par le projet contre ceux qui, dans des mouvemens insurrectionnels, se seraient emparés d'armes et de munitions : c'était là une action mauvaise, illégale, mais elle n'entraînerait pas aux yeux du public une véritable flétrissure. « Vous aurez beau faire une loi, ajoutait l'orateur, pour dire que c'est une action infamante, l'opinion publique ne la ratifiera pas. » Ces observations n'empêchèrent point une majorité de 103 voix contre 10 d'adopter le projet.

Quant aux 200,000 francs demandés pour les fêtes de juillet, ils furent accordés, par 90 votans contre 14, sans débat aucun.

23 mai. Dans la séance suivante le projet de loi relatif à la perception des droits sur la navigation de la Basse-Seine et de ses affluens, le projet de loi tendant à autoriser la ville de Metz à s'imposer extraordinairement, et enfin le projet de loi relatif à la caisse de vétérance appelèrent l'attention

de la Chambre. Le premier de ces trois projets ne donna lieu à aucune discussion, mais il n'en fut pas de même des deux

autres.

Le projet du gouvernement pour autoriser la ville de Metz à s'imposer extraordinairement, faisait, comme nous l'avons vu, frapper l'impôt sur les seuls contribuables domiciliés dans la ville au moment où avaient été commis les dégâts qu'il s'agissait de réparer, et inscrits au rôle des contributions personnelles; la Chambre des députés, au contraire, avait décidé que tous les contribuables actuellement portés au rôle des contributions directes seraient soumis à l'impôt extraordinaire. En apportant le projet de loi à la Chambre des pairs, le ministre de l'intérieur avait donné à entendre que le gouvernement persistait dans son opinion; toutefois il s'en était rapporté à la sagesse de la Chambre. La commission s'était déclarée pour l'adoption de l'amendement introduit par la Chambre des députés (22 mai); mais M. le comté Roy, discutant le texte et l'esprit de la loi de vendémiaire an IV, proposa d'en revenir au projet primitif. Combattu par M. le chevalier Allent et par M. le baron Malouet, rapporteur de la commission, qui invoquait l'adoption pure et simple pour ne pas ajourner l'effet de la loi, l'amendement fut écarté après deux épreuves, et le projet, tel que l'avait modifié la Chambre élective, obtint une majorité de 89 voix contre 37, au scrutin secret.

Le projet de loi relatif à la caisse de vétérance plaçait encore la Chambre entre la pensée du gouvernement et la disposition que lui avait substituée la Chambre des députés. Cette disposition, défavorable aux pensionnaires de la caisse de vétérance, et contraire aux principes adoptés pour la liquidation de l'ancienne liste civile, n'avait pas été présentée à la Chambre des pairs sans que le président du conseil eût laissé voir que le gouvernement n'y donnait point son assentiment (25 avril). Après une étude approfondie de la question, la commission d'examen, invoquant des considéra

tions de justice, d'humanité et de générosité nationales, concluait unanimement au rejet du projet de loi, qu'elle avait accueilli avec un étonnement douloureux, suivant le rapport de M. le baron Malouet (20 mai). Si la commission avait hésité, c'est seulement parce que le rejet du projet allait encore prolonger les angoisses et les anxiétés des pensionnaires. Attaqué dans la Chambre par M. le baron Mounier, comme entaché d'une rigueur excessive, et par M. le duc de Bassano, qui rappelait que plusieurs des pensionnaires de la caisse de vétérance étaient des fonctionnaires publics du temps de l'empire, comme fondé sur le principe inique de la non-rémunération des services, le projet de loi ne trouva pas de défenseurs, et fut rejeté à une très-forte majorité (89 voix contre 14).

24 mai. Il ne restait plus maintenant qu'un seul objet soumis aux délibérations de la Chambre, le budget des recettes pour 1835. Ce budget n'avait été présenté que le 21 mai, cependant la commission d'examen put communiquer, dès le 23, le résultat de son travail, par l'organe de M. le comte de Saint-Cricq. Tout en regrettant, à l'exemple de la commission de le Chambre des députés, le défaut actuel d'équilibre entre les dépenses et les recettes, elle déclarait que d'importantes améliorations s'étaient opérées dans la fortune publique, et que l'avenir s'offrait avec des gages de sécurité et de prospérité. Dans la discussion du projet, la Chambre entendit seulement des observations générales de M. le vicomte Dubouchage sur la nécessité de rétablir la balance entre les dépenses et les recettes, et un discours savamment développé de M. le comte Roy, où était approfondie la question si vaste du système des douanes: elle adopta ensuite le projet, à la majorité de 125 voix contre 6. C'est le dernier acte qu'elle nous offre à consigner ici.

La session avait été laborieuse, car, indépendamment des discussions dont nous venons de présenter le résumé, plusieurs matières importantes avaient été ébauchées, une mul

titude de projets de loi d'intérêt local avaient été votés, et enfin les Chambres avaient eu à statuer sur diverses propositions émanées de quelques uns de leurs membres, et sur un grand nombre de pétitions.

Parmi les travaux achevés par l'une des Chambres et non terminés par l'autre, se placent un projet de loi sur l'organisation du conseil d'état, un autre sur la répression des crimes que les Français pourraient commettre dans le Levant, et une proposition relative aux effets de la séparation de corps, qui passèrent de la Chambre des pairs à la Chambre élective où les deux derniers objets seulement allèrent jusqu'au rapport; deux projets de loi sur les états-majors des armées de terre et de mer, discutés complétement dans la Chambre des députés, mais non présentés à l'autre Chambre; un projet de loi sur les attributions municipales, et des propositions tendant au rétablissement du divorce et à l'abolition des majorats, qui, après avoir reçu la sanction de la Chambre élective, attendirent vainement celle des pairs. La Chambre des députés avait, en outre, entendu des rapports sur des projets de loi et des propositions d'un haut intérêt, dont elle avait eu communication la première : les projets concernaient l'organisation d'une réserve pour l'armée de terre, les patentes, les douanes, la responsabilité des ministres; les propositions étaient relatives au desséchement des marais, aux chemins vicinaux et cantonnaux, aux caisses d'épargne. La clôture de la session laissa toutes ces questions sans solution; nous verrons quelques unes d'entre elles arriver en temps utile dans la session prochaine, tandis que les autres seront encore ajournées. Une proposition renouvelée de la session précédente, au sujet des sommes prêtées par le gouvernement en 1830 aux imprimeurs et aux libraires, avait été définitivement rejetée dans celle-ci (17 mai).

Plusieurs propositions, sur la vente des biens de majorats qui devaient faire retour à l'état, sur la rentrée en France des membres de la famille impériale, sur l'incompatibilité

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