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l'intention du gouvernement était de proposer, dans la session prochaine, des lois complémentaires de la loi qui avait organisé ce régime, et cette déclaration termina la discussion du budget de la marine et des colonies.

Budget de l'instruction publique.

Ce budget, réduit à ses proportions ordinaires, excédait l'allocation faite pour 1834, de 767,633 francs, dont la plus forte partie était affectée à des créations nouvelles. Mais la commission, qui reprochait au gouvernement, par l'organe de M. Gillon, son rapporteur (28 avril), de n'avoir pas encore présenté, malgré des engagemens formels et au mépris des promesses de la Charte, une loi' organique de l'enseignement, n'avait pas trouvé le moment opportun pour des créations partielles ; aussi avait-elle diminué de 577,000fr. le budget de l'instruction, qui restait fixé à 8,144,000 francs (1).

Le rapporteur signalait avec satisfaction la progression ferme et rapide qu'avait suivie l'instruction primaire depuis 1830. En 1831, le nombre total des écoles s'élevait à 30,796, et 13,998 communes en étaient dépourvues; en 1833, on comptait 45,119 écoles, et le nombre des communes qui en manquaient se réduisait à 9,568. L'accroissement dans le nombre des élèves était également considérable; de 1832 à 1833, il avait augmenté de 450,446. Malgré ces heureux résultats, la situation générale n'en était pas moins fâcheuse; un quart des communes attendait encore des écoles, et les trois cinquièmes de la population totale de vingt ans ne savaient pas même lire!

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Le budget de l'université portait en recettes 3,629,994 fr., et en dépenses 3,627,528 fr., sur lesquels la commission proposait une réduction de 69,500 francs. Quoique le mouve

(1) Il faut ajouter à ce chiffre 3,200,000 fr. formés des centimes spéciaux votés par les communes.

ment dans cette partie supérieure de l'enseignement fût en général ascendant, cependant le progrès n'était pas aussi marqué que dans la partie élémentaire. En résumé, il n'y avait guère de fraction de ce budget dans laquelle un examen attentif ne découvrit la nécessité d'une réforme.

8, 9, 10 mai. Ce fut aussi sur cette nécessité qu'insista M. Bellaigue, en ouvrant la discussion. Il trouvait dans l'instruction publique plus qué dans aucune autre partie de l'administration, des abus graves, des vices radicaux, des désordres matériels, financiers et moraux. La question de l'instruction publique était, selon M. de Lamartine, d'une gravité immense, d'une portée infinie, et il ne comprenait pas les réductions proposées. «Nous lui disputons des cen times, s'écriait-il, et c'est elle qui nous donnera la vie ou la mort. » Retraçant le tableau du pays, et mesurant la force toute puissante et universelle de la presse, l'orateur pensait qu'il fallait agir promptement et énergiquement pour conjurer les dangers de la situation, qu'il fallait ouvrir une vaste carrière à l'intelligence, et il reprochait à la révolution de juillet de ne l'avoir pas fait.

« Messieurs, songez-y! disait l'orateur, notre presse à nous, c'est de la pensée! La presse du peuple, c'est de l'action! Quelle digue opposerezvous? quel gouvernement résistera, quelles baïonnettes ne s'émousseront pas? Une fois que tout sera livré à la critique, à la discussion de tous une fois que les gouvernemens seront au concours, il n'y aura plus d'espoir, plus de salut que dans la lumière et la raison de tous! plus de salut que dans la parole et dans l'enseignement! Occupez-vous done de cet imminent avenir! Brisez le moule étroit de vos institutions enseignantes, ou plutôt élargissez-le, complétez-le! Donnez un corps et une âme à la civilisation de notre époque, faites un grand ministre, un ministre principal de l'intelligence et de la pensée publique! Vous n'avez pas d'autre moyen de prévenir les menaces du temps et de garantir la société de ce débordement de forces intellectuelles sans emploi, autre danger, danger imminent de notre état actuel. »

Le ministre de l'instruction publique repoussa les reproches adressés par le préopinant à la révolution de juillet. Il invoqua tout ce qui avait été fait depuis 1830, pour l'instruction beaucoup restait à faire sans doute, mais la réforme dans une matière aussi grave, aussi difficile, ne pou

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vait pas s'improviser. Il niait d'ailleurs que tout fût à changer, à créer; il niait que cet entier bouleversement de l'enseignement fût une des promesses de la Charte, et ajoutait que, dans son opinion, les institutions actuelles, en matière d'instruction, étaient de bonnes bases, qui n'avaient besoin que d'être modifiées pour produire d'excellens résultats. Après avoir développé ses vues et rappelé ses actes, après avoir justifié les innovations introduites dans son bugdet, le ministre continuait ainsi :

« En l'étudiant avec soin, j'ai cherché quelles étaient les améliorations évidentes, importantes, qui pouvaient être introduites dans les différens services, et je suis arrivé à ce résultat, qu'avec une augmentation de 7 à 800,000 fr. j'introduirais dans le service de l'instruction primaire, de l'instruction secondaire, de l'instruction supérieure, de tous les établissemens scientifiques et littéraires qui honorent la France; j'introduirais, dis-je, dans toutes les parties du budget de l'instruction publique des améliorations importantes, et par le résultat, et par leur utilité pratique, et par leur effet moral sur les esprits. J'ai reconnu qu'avec une somme de 7 à 800,000 fr. on pourrait faire dire à la France, (j'irai plus loin) à l'Europe, que le gouvernement de juillet avait réellement à cœur le progrès des lumières, le développement des intelligences, l'honneur de toutes les sciences. (' (Très-bien.) »

M. Teulon répondit que les innovations proposées pouvaient être bonnes, mais qu'il ne convenait pas de créer partiellement lorsqu'une loi générale était attendue. M. Vatout, d'accord avec le ministre sur quelques points, le combattit sur d'autres. M. Valette-des-Hermeaux, enfin, s'associa au vou de M. de Lamartine, en faveur de la liberté de l'enseignement, promise par la Charte.

La discussion des articles ne présenta qu'un médiocre intérêt. La première contestation s'établit sur une réduction de 240,000 francs, que la commission proposait d'opérer en n'autorisant la faculté pas que demandait le ministre, de créer des inspecteurs des écoles primaires. Combattue par MM. Jouffroy, Renouard et Coulmann, qui soutinrent que la création d'inspecteurs des écoles primaires était le complément nécessaire de l'institution de ces écoles, la réduction fut rejetée le rapporteur l'avait appuyée, en établissant que, puisque la loi de l'instruction primaire avait voulu

que cette instruction restât tout entière entre les mains de l'autorité municipale, c'était aller contre cette loi que de soumettre les écoles primaires à un autre contrôle.

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Le ministre, auquel se réunirent MM. Réalier-Dumas, Prunelle et Mauguin, obtint encore, malgré la commission; le maintien d'une allocation demandée pour la création de plusieurs chaires dans les facultés de droit, et particulièrement d'une chaire de droit constitutionnel. Cette victoire du ministre se renouvela plusieurs fois, la Chambrese montrant moins rigoureuse que ne l'avait été la commission. Plusieurs réductions rencontrèrent même une opposition si générale, que le rapporteur, obligé de défendre seul ses conclusions, reprocha à quelques commissaires d'avoir déserté leur opinion. Les votes furent rendus dans cet esprit jusqu'à la fin, et le ministre fit encore rejeter une réduction de 120,000 fr. que la commission proposait sur un crédit de 491,600 fr., ouvert pour souscriptions, encouragemens, indemnités et secours aux sciences et aux lettres. Le débat à ce sujet avait été assez vif, et même il avait pris un moment une couleur politique, M. Garnier-Pagès s'étant emparé de quelques paroles du ministre, pour représenter le crédit comme un moyen donné au gouvernement d'enlever des écrivains à l'opposition, en les engageant dans d'autres travaux par l'appât du gain.

Le vote des crédits demandés par le ministre de l'instruction publique terminait la discussion du budget des dépenses pour l'exercice 1835. Ce budget, en y comprenant le budget particulier de la Chambre, fixé à 649,000 francs, demeurait arrêté à la somme de 1,009,008,531 francs. Le scrutin secret auquel il fut procédé sur l'ensemble de la loi des finances, donna en sa faveur une majorité de 241 voix contre 70 oppo

sans.

Le projet de budget, présenté par le gouvernement avec le chiffre de 1,030,090,547 fr., n'avait donc subi, en apparence, qu'une réduction de 21 millions; mais comme nous

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́avons vu la Chambre, conformément à la proposition de sa commission des finances, porter au budget environ 18 millions qui eussent été soldés à d'autres titres, la réduction réelle était d'environ 38 millions, et portait pour plus de 34 millions sur les services des ministères. Malgré cette réduction, le budget de 1835 excédait encore de 23,509,562 fr. celui de 1834, fixé à 985,468,969 francs, et il n'ayait pas atteint son total définitif, car au moment même où elle votait la nouvelle loi des dépenses, déjà la Chambre des députés était saisie de demandes supplémentaires sur le même exercice, qui devaient annuler en partie les économics qu'elle avait opérées.

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