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1834, à reporter les traitemens de la cour de cassation au taux de 1804. La commission, dont M. Chasles avait présenté le rapport dans la séance du 27 mars, ne niait point la convenance de cette augmentation; mais elle pensait qu'en présence du déficit, il fallait ajourner à un temps meilleur une mesure à laquelle elle adhérait d'ailleurs pleinement en principe. C'était la seule réduction qu'elle avait trouvé à opérer, et le budget de la justice (non compris le chapitre des cultes et le budget annexe de l'imprimerie royale) ainsi amendé, et diminué, en outre, de deux articles dont l'ajournement et non le refus avait été proposé, restait fixé à la somme de 18,410,670 francs.

9 et 10 avril. La discussion générale fut ouverte par M. Teulon, qui développa des observations critiques sur l'organisation judiciaire : elle ne répondait point, selon lui, aux besoins des justiciables sous le rapport de la célérité de l'administration de la justice. « Elle offre, disait l'orateur, une disproportion choquante et affligeante entre le personnel de quelques cours royales et les procès qu'elles sont appelées à juger; ce personnel étant insuffisant dans quelques cours qui ont un arriéré immense à combler, et présentant dans d'autres un luxe de conseillers qui serait inutile s'il n'était avant tout ruineux. » Le ministre de la justice avait promis de porter remède à une aussi fâcheuse situation, «< mais, ajoutait l'orateur, quand on s'occupe tant de lois contre la presse populaire et contre le droit d'association, on n'a pas de temps à donner à autre chose. » M. Teulon signalait ensuite d'importantes améliorations à introduire dans l'organisation des justices de paix, et s'élevait contre la modicité des appointemens attribués aux magistrats de cette classe : s'il y avait lieu à augmenter les traitemens dans l'ordre judiciaire, c'était sur les traitemens des juges de première instance et des juges de paix, et non sur les traitemens de la haute magistrature que cette augmentation devait porter. MM. Réalier-Dumas et Auguis, que la Chambre entendit

encore dans la discussion générale, ne traitèrent que des questions toutes spéciales : le premier insistait sur l'urgence d'une réforme dans la législation des hypothèques, des saisies-immobilières et des faillites; le second réclamait la jonction au ministère de la justice, de la magistrature coloniale, qui, réunie au département de la marine, se trouvait dans un scandaleux état de désordre.

Le premier débat qui s'engagea au sujet des chapitres, fut relatif au conseil d'état. L'ordonnance constitutive du conseil d'état (ordonnance du 15 novembre 1828) fixait le nombre des conseillers à 24; le budget de la justice n'affectait de traitemens que pour 20 membres, parce qu'ordinairement quatre conseillers étaient rétribués à d'autres titres; or, dans la situation actuelle, trois conseillers seulement recevaient un salaire en raison d'autres fonctions; il en résultait qu'un membre du conseil d'état restait sans appointemens: M. Sapey proposa donc d'augmenter l'allocation demandée pour ce service, de 12,000 francs, montant du traitement d'un conseiller. Il s'ensuivit un débat assez inté l'insistance le ministre mit à défendre la proressant par que position, et qui ne fut pas nettement tranché à son avanla Chambre n'alloua l'augmentation qu'à une seconde

tage:

épreuve.

La délibération sur les autres chapitres n'amena aucun incident remarquable, le ministre de la justice n'ayant pas combattu la réduction proposée par la commission sur la somme demandée pour les traitemens de la cour de cas

sation.

Le budget des cultes, rattaché récemment à celui de la justice, et le budget de l'imprimerie royale, dépendant aussi du même département, furent ensuite adoptés, l'un et l'autre, sans contestation: Le premier, diminué de 30,000 fr., sur la proposition de la commission, s'élevait à la somme totale de 34,259,000 francs; le second, qui n'avait subi aucune réduction, présentait un chiffre de 1,890,900 fr.: le Ann. hist. pour 1834.

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crédit total ouvert au ministre de la justice et des cultes était donc de 54,572,570 francs.

Budget de la guerre.

La discussion des budgets, qui jusqu'alors avait été assez froide et toute financière, prit une grande vivacité et un haut intérêt lorsqu'elle arriva à celui du département de la guerre. C'était là, en effet, un point capital, non seulement à cause de l'énormité des sommes qu'absorbait ce service, mais encore en raison des questions qui semblaient devoir surgir dans le cours des débats.

Le projet de budget de la guerre pour 1835, présentait un excédant de 37,137,753 francs sur le budget de 1834 (1); il s'élevait à la somme de 257,449,000 francs. Cette augmentation avait été motivée par la nécessité de porter l'effectif de l'armée de 286,041 hommes à 316,409, et de 56,765 chevaux à 65,445. Indépendamment des 316,409 hommes actifs, 25,370 hommes devaient être organisés en réserve, en cas d'adoption d'une loi sur la réserve (2); sinon ces 25,370 homme sgrossiraient l'armée actiye, qui offrirait ainsi un effectif de 341,779 hommes.

C'était sur ce budget que la commission, en vertu des deux principes qu'elle avait posés, avait opéré les réductions les plus considérables. La plupart avaient été consenties par le ministre de la guerre, qui rabattit plus de 24 millions sur ses demandes primitives. Néanmoins l'équilibre ne se trouvant pas rétabli entre les deux budgets, la commission avait été plus loin encore, et ne s'était arrêtée qu'aux dernières limites au-delà desquelles l'économie aurait nui au service.

(1) Non compris les crédits supplémentaires et extraordinaires qui furent successivement alloués pour ce dernier exercice pendant la session.

(2) Présentée le 10 janvier, cette loi sur la réserve fut profondément amendée par la commission d'examen, dont' M. Garraube présenta le rapport le ai mars: elle n'arriva pas à la discussion.

Le rapport que M. Passy présenta, dans la séance du 9 avril, était clair et substantiel, abondant en faits et en documens de détail, riche en vues générales et en considérations élevées; aussi la Chambre l'écouta-t-elle avec attention: mais son intérêt fut plus particulièrement excité par les développemens donnés à la question d'Alger, et par l'opinion émise sur ce point si important.

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Après avoir établi que les dépenses nécessitées par l'occu-! pation de la régence d'Alger s'élevaient à la somme annuelle d'au moins 30 millions, tandis que les revenus atteignaient à peine 1,500,000 francs, M. Passy recherchait, dans une discussion approfondie, si la France recueillerait un jour l'équivalent de ses sacrifices actuels. Ce n'était qu'à deux con ditions que ce résultat, pouvait être obtenu par la civilisation de la population indigène, ou par la colonisation, Or, le naturel, le caractère, les moeurs, les habitudes, toute la coni dition morale et physique des peuplades, africaines les, ren¬: daient rebelles à la civilisation, et d'un autre côté leur nom bre, leur force, et leur génie guerrier empêchaient qu'on pût (lors même qu'on se résoudrait à la détestable nécessité d'une guerre d'extermination) les détruire et les déposséder de leur terre natale, pour les remplacer par des colons,

françaises

Ainsi, messieurs, disait le rapporteur, tout nous fait craindre qu'il ne faille attendre ni du succès des projets de civilisation intérieure, ni de la transplantation de colons tirés de l'Europe, aucun des avantages dont nous avons besoin pour compenser les charges de l'occupation d'Afrique. D'autres systour du seul port d'Alger, dont on ferait le centre unique de ont été conçus. On a proposé de concentrer les forces la colonisation; on a proposé encore de les confiner dans les murailles des villes de la côte sans les mettre en contact avec les populations des campagnes. Certes, moins d'argent serait dépensé; mais, dans l'un de ses sys tèmes ce serait la colonisation, avec toutes ses difficultés, ces violences et dans l'autre, tout annonce que nous achèterions à trop haut prix, et le peu de commerce que permettrait l'indigence de populations à demi nomades, et le faible avantage de posséder quelques ports de plus dans la

Méditerranée.

» A Alger, nous avons accompli une grande et honorable tâche. La piraterie a pris fin; la Méditerranée est débarrassée des forbans qui la sillonnaient en tous sens; l'Afrique a appris à connaître et à redouter la supériorité des armes de l'Europe; notre devoir maintenant, c'est d'assurer les fruits de la victoire, c'est d'empêcher qu'ils soient jamais compromis ou perdus. Maîtres des villes de la côte, libre à nous d'en régler le sort ; mais,

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dans cette œuvre, ne consultons que les intérêts vrais, directs, permanens de la France; n'allons pas surtout nous croire engagés à réaliser l'impossible, à poursuivre à grands frais un système de conquête et de colonisation auquel manque toute garantie, toute certitude de succès.

» Nous ne l'ignorons pas : cette opinion aura des contradicteurs; elle en a trouvé dans le sein de la commission; peut-être même nous accusera-ton de méconnaître toute l'étendue des ressources, toute la portée du génie national; mais plus les nations sont enclines à se laisser éblouir et entrainer par les apparences de gloire et de grandeurfque montrent à leurs yeux les conquêtes et les acquisitions territoriales, plus il importe de leur rappeler des vérités dont l'oubli en a précipité plus d'une dans des entreprises dont la réussite même est devenue pour elles une source d'appauvrissement et de faiblesse. Pour nous, dans le système suivi à Alger, nous n'éprouvons jusqu'ici que deux résultats qui semblent assurés; l'un, c'est la continuation des charges dont la France est grevée; l'autre, c'est la nécessité périlleuse de rester privés désormais de forces militaires dont, en cas de guerre, nous aurions besoin pour défendre notre propre territoire. »>

Aussitôt après la lecture de ce rapport, qui fut suivie d'une vive agitation, plusieurs voix demandèrent que tous les documens que le gouvernement pouvait avoir sur cette matière, fussent communiqués à la Chambre. Membre de la commission, M. Piscatory, pour mettre la Chambre en garde contre une première impression, déclara que la partie du rapport relative à Alger avait été repoussée par une minorité considérable, et que la commission, dans le but de s'éclairer, ayant demandé au ministère les pièces qu'il avait entre les mains et particulièrement le rapport de la commission d'Afrique (1), n'en avait reçu qu'un refus positif. M. Passy prit la parole pour défendre son rapport: il avait, quant à lui, pleine connaissance de cause, et la commission, lorsqu'elle s'était ralliée à son opinion, avait des lumières auxquelles les documens réclamés ne pouvaient rien ajouter. Suivant le ministre des affaires étrangères, le gouvernement n'avait pas été pourvu de détails complets; pressé de s'expliquer plus nettement, il ajouta qu'il était possible que dans les pièces en question il se trouvât des actes d'administrateurs qui fussent incriminés, et qu'il était convenable de lais

(1) Vers la fin de l'année dernière, le gouvernement avait envoyé en Afrique une commission d'enquête, et à son retour, une autre commission avait été nommée pour examiner les documens recueillis.

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