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1835 par un crédit extraordinaire en rentes, ou réalisable par des aliénations de forêts. Nous vous demandons à ce titre une somme de 70 millions.

>> Ce n'est pas sans regret, messieurs, que nous vous proposons de recourir de nouveau à l'emprunt; nous serions heureux de pouvoir vous annoncer que vos travaux de la dernière session ont porté tous leurs fruits. Mais si près encore des événemens qui ont exigé le déploiement de toutes nos ressources, on hésite à affaiblir brusquement les services qui font la force et la sécurité du pays. Vous le concevrez, messieurs, la volonté la plus ferme d'alléger les charges publiques, qui nous est commune à tous, devait reculer devant la responsabilité d'une pareille mesure. Rappelez-vous, d'ailleurs, la proportion décroissante des subsides depuis 1830; les dépenses, qui s'élevaient à 1 milliard 214 millions en 1831, à 1 milliard 181 miilions en 1832, à 1 milliard 162 millions en 1833, sont ramenées à 1 milliard 64 millions pour 1835; il est donc certain que nous marchons dans la voie des améliorations. >>

I

La commission chargée d'examiner le budget, avait été composée d'une manière remarquable. Cette fois, la Chambre, dans le choix de ses commissaires, semblait avoir cherché les capacités spéciales, indépendamment des opinions politiques, et quoique le plus grand nombre des 36 membres de la commission générale du budget appartînt à la majorité, cependant l'opposition y comptait MM. Odilon - Barrot, Salverte, Eschassériaux, Auguis, etc. Ces nominations, qui annonçaient dans l'assemblée une volonté forte d'économie, et qui garantissaient un travail sévèrement élaboré, parurent causer quelque inquiétude au ministère. Il se rendit en masse au sein de la commission, et déclara que s'il était prêt à transiger sur des questions administratives, il serait inflexible sur les questions gouvernementales et politiques, et que des votes négatifs, touchant certaines parties du budget, entraineraient la retraite du cabinet. Malgré cette déclaration comminatoire, qu'elle trouva insolite, la commission ne se montra point disposée à fléchir : les principes qu'elle posa, en se mettant à l'oeuvre, étaient de ramener le budget de 1835 au chiffre fixé pour 1834, et de rejeter les dépenses qui ne seraient qu'utiles; les dépenses indispensables et urgentes devant seules être admises en présence du déficit.

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Budget de l'intérieur.

19 mars. Procédant d'après ces principes rigoureux, la commission, dont M. Duvergier de Hauranne présenta le rapport, avait trouvé à retrancher 2,036,347 fr. sur le chiffre total du budget de l'intérieur. Cette réduction rendait ce budget inférieur de 120,347 fr. à celui de 1834, tandis que, d'après le projet primitif, il offrait au contraire, une augmentation de 1,916,000 fr. sur le dernier exercice. On a vu que, sur cette augmentation, 1,234,500 fr. avaient été affectés au seul chapitre des dépenses secrètes: toute cette allocation était refusée par la commission, qui avait maintenu ce chapitre au taux de 1,265,500. D'après l'usage établi depuis la révolution de 1830, les dépenses de la police avaient toujours été divisées en deux portions: les fonds portés au budget pour dépenses ordinaires, les fonds alloués par des lois spéciales pour dépenses extraordinaires. Cette division était sage. «Si ces allocations exceptionnelles, disait le rapporteur, venaient séplacer au budget à côté des autres, il y aurait danger que le ministère, dégagé de la nécessité toujours assez pénible de demander un supplément de crédit par une loi spéciale, ne s'habituât à regarder comme fixe ce qui, par sa nature, n'est que temporaire; il y aurait danger que l'état ne se trouvât à toujours grevé d'une charge nouvelle. » Les circonstances extraordinaires ne pouvaient pas être prévues: allouer d'avance des fonds, c'était en justifier d'avance l'emploi, en tout état de choses. Il ne fallait donc pas admettre la confusion faite par le projet, entre les dépenses ordinaires et les dépenses extraordinaires de police; il fallait donc n'accorder de fonds que pour les premières, et attendre, avant de voter les secondes, que les cas exceptionnels fussent venus les rendre nécessaires. C'était par un motif analogue que la commission ne proposait pour secours aux condamnés politiques, que 80,000 fr. au lieu de 300,000. Si les 80,000 fr. étaient insuffisans, il y serait pourvu par une loi spéciale.'"

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7 et 8 Avril. Objet du premier rapport que la Chambre des députés eût entendu sur le budget général des dépenses pour 1835, le budget du ministère de l'intérieur fut mis le premier en discussion. Depuis la révolution de juillet les attributions de plusieurs ministères avaient été bouleversées trois ou quatre fois par ordonnance, et cela, à ce qu'il semblait sans motif d'utilité publique. M. Taillandier s'éleva contre les perturbations qui résultaient de ce défaut de fixité, et appela de tous ses vœux une loi qui vînt mettre fin à ces mutations, opérées, pour les convenances des ministres, au détriment du service. MM. Odilon-Barrot et Charles Dupin, s'emparant de cette question incidente, abondèrent dans l'opinion de M. Taillandier.

Le ministre de l'intérieur répondit que ces mutations ne se faisaient nullement selon les convenances et les voeux des ministres, mais selon les rapports des choses entre elles, et les besoins du service.

<«< Je ferai seulement remarquer, disait-il, qu'il y a des ministères pour lesquels il n'y a jamais eu de changemens, que les changemens n'ont eu lieu que pour ceux des ministères dont les frontières ne pouvaient être exactement limitées ; qu'il y en a plusieurs qui ont existé avant que les attributions pussent être exactement déterminées. Je citerai le ministère des finances, qui n'a fini par arriver à une délimitation exacte, régulière, et qui, j'espère, ne changera pas, que depuis très-peu d'années. Ce n'est que par le temps et l'expérience qu'on finit par déterminer quelles sont les meilleures distributions à faire. »

Directeur des lignes télégraphiques, M. Foy présenta quelques observations contre une partie des réductions proposées sur ce chapitre, et démontra l'utilité de l'établissement d'une ligne nouvelle de Dijon à Besançon. Le rapporteur, s'en référant au principe qu'il avait posé dans son rapport comme ayant dirigé la commission, ne contesta pas l'utilité de la ligne télégraphique réclamée ; il nia seulement que l'établissement en fût indispensable. Le général Demarçay trouvait que, dans un temps de paix et de calme, les lignes télégraphiques, exclusivement employées au service du gouvernement, étaient trop multipliées; mais il en

serait autrement si on les mettait à la disposition du commerce et de l'industrie : c'est ainsi que la poste aux lettres, inventée pour un service privé, avait été étendue avec un immense avantage à tous les besoins de la société. L'orateur ne doutait pas qu'il n'en fût prochainement de même pour les lignes télégraphiques.

Le ministre de l'intérieur déclara qu'il n'était pas possible de désarmer le gouvernement, au profit des particuliers, d'un de ses plus puissans instrumens, d'un de ses moyens les plus efficaces, qui rapprochait les agens du chef, et permettait de les diriger convenablement malgré leur éloigne

ment.

« Le télégraphe, ajoutait-il, est un moyen très-puissant pour le gouvernement, puisqu'il donne à l'autorité seule le moyen de devancer les partis; c'est le plus grand avantage que nous ayons; les perturbateurs ne peuvent aller aussi vite que ceux qui sont chargés de maintenir l'ordre. Voilà l'un des grands bienfaits du télégraphe, c'est pourquoi il est souvent attaqué. Je suis bien loin de dire cela pour l'honorable général Demarçay, il est incapable d'avoir appuyé sur cette pensée les observations qu'il vient de présenter. »

Le ministre n'admettait pas d'ailleurs la similitude établie entre la poste et les télégraphes: la poste gardait les secrets des particuliers; par la voie télégraphique, au contraire, toute une administration serait nécessairement mise dans la confidence. A l'appui de ces considérations, M. Fulchiron ajouta que, tant que les télégraphes ne seraient pas aussi absolument, aussi universellement que la poste, au service de tous, les mettre à la disposition des particuliers, ce serait créer pour certaines localités des avantages énormes, au détriment des autres: le général Demarçay n'en persista pas moins dans son vœu et dans sa prédiction. Après cette digression, la Chambre adopta, non sans quelque hésitation, les réductions proposées par la commission sur l'article des télégraphes.

Le chapitre qui fixait les dépenses du personnel des gardes nationales ramena une discussion que chaque budget voyait naître. M. Auguis voulait qu'une somme de 50,000 fr.,

allouée à titre d'indemnité au commandant de la garde nationale du département de la Seine, fût portée, comme dépense municipale, au budget de ce département, et non au budget général de la France; mais cet amendement, appuyé et combattu par les mêmes raisons que les années précédentes, fut encore rejeté.

Le chapitre relatif aux secours accordés aux condamnés politiques fut assez vivement débattu. Nous avons vu la commission, s'appuyant d'une objection de forme, proposer sur ce chapitre une forte réduction. MM. Emmanuel Poulle, Madier de Montjau et Teste la combattirent. Ils insistèrent sur le fond même de la question, beaucoup plus que sur la forme; sur la position malheureuse des condamnés, à qui M. Madier de Montjau appliquait la désignation de « proscrits et de persécutés pour cause politique sous la restauration » ; sur l'intérêt qu'ils devaient inspirer, sur les bons effets produits par les mesures adoptées jusqu'alors en leur faveur, sur les motifs politiques qui engageaient à persévérer dans la même voie. Le rapporteur en revint aux raisons préjudicielles qu'il avait déjà exposées; mais ces considérations d'ordre ne déterminèrent point la Chambre : elle accorda tout le crédit de 300,000 fr., demandé par le projet. Ce fut le seul vote rendu contre les conclusions de la commission; toutes les autres diminutions qu'elle avait opérées, et auxquelles le ministère ne s'était d'ailleurs point opposé, furent maintenues.

Comme le chapitre des cultes était détaché du ministère de l'intérieur, le vote sur les secours aux condamnés termina la dicussion du budget de ce département. Le changement dans les attributions empêchait que le chiffre définitif ne fût dès à présent arrêté; nous pouvons dire seulement que, le total des réductions adoptées sur les parties débattues s'élevant à 1,636,347 fr, le budget restait fixé à 5,938,753 fr.: il devait s'augmenter encore des allocations pour les travaux publics.

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