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encore nettement tracées. La nomination de M. Persil, qui s'était mis en évidence d'une manière toute particulière par ses doctrines, ses actes et ses paroles, annonça que la difficulté avait été résolue d'une façon toute contraire. Au reste, si les négociations se fussent prolongées quelques jours encore, , la France eût été surprise sans ministère par les événemens les plus graves qu'elle dût voir s'accomplir dans le cours de

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Troubles à Lyon et sur divers points de la France. —Procès des Mutuel. listes. — Insurrection à Lyon. — Troubles dans différentes villes. — Insurrection à Saint-Etienne et à Paris. - Communication des ministres aux Chambres sur ces événemens. - Démarche des Chambres auprès du roi. — Manifestations de l'opinion publique. — Ordonnance royale qui défère à la cour des pairs le jugement des dernières insurrections. — Mesures diverses prises par le gouvernement. - Résumé de la situation.

Nous avons eu occasion de mentionner quelques désordres qui, dans la seconde moitié du mois de février, menacèrent la tranquillité publique sur plusieurs points de la France et à Paris. Ces désordres n'étaient malheureusement que les préludes de troubles beaucoup plus sérieux. Les espérances conçues par le pays, et maintes fois exprimées du haut de la tribune, que la France était enfin délivrée des émeutes, devaient être cruellement déçues, et nous avons encore à raconter des commotions sanglantes, pareilles à celles qui éclatèrent en novembre 1831. Alors, comme aujourd'hui, les causes premières des événemens furent à peu près les

mêmes.

Une diminution faite dans le prix de la main-d'œuvre, par quelques fabricans de Lyon, avait excité un vif mécontentement parmi les ouvriers : ils en référèrent à une association dite des Mutuellistes, que les chefs d'ateliers avaient formée pour défendre les intérêts généraux de la classe ouvrière. Cette association, dont les ramifications étaient nombreuses et l'autorité presque souveraine, décréta que, du 14 février jusqu'à nouvel ordre, tous les travaux de fabrication seraient suspendus. Comme cette résolution n'avait passé qu'à une faible majorité (1297 voix contre 1044), et que les mutuellistes prévoyaient une certaine résistance à leur arrêté, des menaces de violence furent exprimées contre les

ouvriers qui continueraient à travailler malgré l'interdiction. Dans la matinée du 14; les vingt mille métiers de Lyon et des faubourgs cessèrent de battre, la violence ayant été effectivement employée envers un petit nombre d'ouvriers

récalcitrans.

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En présence des souvenirs qu'avaient laissés les événemens de 1831, ces mesures, dont les résultats devaient être de condamner d'abord les ouvriers à l'inaction, et par suite, de les faire tomber dans la détresse, inspirèrent les plus vives alarmes à la population lyonnaise; les émigrations se multiplièrent, les négocians firent sortir leurs marchandises de la ville; on s'attendait à quelque scène désastreuse. Ces craintes semblaient d'autant plus fondées que, si la crise était encore purement industrielle, les associations républicaines, en intervenant dans la confestation, et en èx-ploitant l'oisiveté et la misère des ouvriers, pourraient, d'un moment à l'autre, donner à la question un caractère politique. Ces appréhensions ne se réaliserent point; quoique inoccupés pendant plusieurs jours, les ouvriers ne portèrent aucune grave atteinte à la tranquillité publique, et les manœuvres des associations républicaines ne parvinrent à produire que quelques agitations auxquelles ils restèrent pour la plupart étrangers. Le but des mutuellistes › était d'obtenir une augmentation de salaire; les fabricans persistèrent à la refuser comme les ressources moins bornées des fabricans leur permettaient d'attendre plus long-temps, force fut aux ouvriers de se soumettre; l'interdiction fat donc levée, et les travaux reprirent, après dix jours environ -de suspension. L'autorité, pendant toute cette période difhcile, s'était abstenue de prendre parti dans la querelle entre les fabricans et les ouvriers; elle s'était seulement mise sur ses gardes, et n'avait recouru à la force active que lorsque violence avait été faite à ceux qui voulaient continuer le travail, ou lorsque l'ordre matériel avait été troublé dans - les rues et sur les places.

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ment les rues, les places et les passages à coups de mitraille, tandis que les boulets, les obus, dirigés contre les maisons, et les petards attachés à leur base les renversaient et les incendiaient. Aucun habitant ne pouvait sortir de chez lui, ni se montrer à une fenêtre, sans être aussitôt assailli par une grêle de balles; blessé malade ou manquant de vivres, il fallait également se passer des secours les plus nécessaires. Tel fut le sort de Lyon pendant cinq mortelles journées.

Malgré l'ardeur et l'énergie déployées par les troupes, l'insurrection conserva son terrain le 9; et le lendemain, elle envahit des quartiers qui, restés calmes la veille, entrerent alors en état de révolte ouverte. Quoique plus meurtrière et plus désastreuse que la première, cette seconde journée s'écoula aussi sans amener de résultat remarquable. Si le courage des troupes allait s'échauffant dans l'action, et s'exaltant par les pertes qu'elles éprouvaient, la contenance des insurgés ne paraissait pas affaiblie nonobstant les brèches faites dans leurs rangs et la malheureuse cité, dont quelques parties étaient déjà ruinées par l'artillerie et l'incendie, devait s'attendre à de nouveaux ravages.

+ Moins animé que les deux jours précédens, le combat de -la troisième journée n'avait encore donné à l'autorité que ¿ des avantages peu importans ; mais la prolongation de la lutte sétait toute défavorable aux insurgés, qui ne pouvaient pas se -recrater, et dont les approvisionnemeds s'épuisaient; aussi la quatrième journée fut-elle décisive contre eux et pour le triomphe de la force publique. L'insurrection, dont Ja défense se ralentissait, fut attaquée et vaincue dans son foyer primitif et dans ses positions les plus fortes; cependant deux jours s'écoulèrent encore avant que la révolte fût Tentièrement comprimée par l'occupation de tous les points -on elle s'était montrée,

Nous ne nous sommes pas arrêtés sur les détails de cette lutte funéste, nous ne nous arrêterons pas davantage sur les -infortunes de tous genres dontelle fut la cause; on comprend

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ce qu'elles purent être dans une ville transformée pendant cinq journées en champ de bataille, et livrée à toutes les fureurs de la guerre. Ces journées de Lyon, de quelque côté qu'on les considère, furent des calamités nationales : elles doivent être notées comme telles dans l'histoire. -Cette déplorable collision fut, en résumé, le produît d'une crise industrielle exploitée par le parti républicain, dont l'autorité attendit tranquillement l'attaque, parce qu'elle avait préparé tous les moyens d'une victoire si entière, que désormais elle n'aurait plus de chance pareille à courir. Le mouvement qui avait eu un caractère mixte dans ses préliminaires, devint tout politique dès qu'il eut aboutì à une insurrection armée, et, bien que les ouvriers espéras sent surtout du succès l'amélioration de leur sort, les chefs en attendaient une révolution. Les troubles qui, au signal donné par les Lyonnais, éclatèrent simultanément dans diverses villes, dont la position industrielle et commer-ciale était autre que celle de Lyon, prouvent assez qu'il faut chercher ailleurs que dans des embarras de fabriqué la cause de la douloureuse catastrophe: A Marseille, à Perpignan,'à Vienne, à Auxerre à Poitiers, à Châlons, la tranquillité publique fut troublée par quelques démonstrations sans resultat. Un mouvement préparé par un certain nombre de sous-officiers de lapgarnison de Lunéville menaçait d'être plus sérieux à Grenoble, à Arbois, les désordres offrirefit aussi plus de gràvité à Saint-Etienne, enfin ; l'insurrection prit un moment (at avril) les symptômes alarmans de celle de Lyon. Toutes ces tentatives, d'une importarice secondaire pour la plupart, eurent une couleur républicaine; partout elles furent réprimées avec énergie et promptitudel Mais c'était dans la capitale que le contre-coup de la révolte de Lyon devait se faire le plus vivement ressentir, & ubuntu os

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Paris apprit avec une grande anxiété que la seconde ville de France était de nouveau en proie à l'insurrection, et des bruits alarmans circulèrent bientôt sur le maintien de la

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