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ticle 13 sur l'égalité proportionnelle de la contribution.

Mais on comprend que la constitution, soit qu'elle résulte des traditions et des coutumes, soit qu'elle naisse de la discussion des assemblées délibérantes, peut appliquer ces principes de bien des manières. Les citoyens ont parfaitement le droit de considérer la contribution dans le sens le plus général et d'y faire rentrer toute obligation, tout sacrifice personnel ayant pour objet le bien de la société politique. Si les nobles sont tenus de se rendre aux ordres du roi et de faire la guerre à leurs frais, la nation ne saurait-elle les décharger d'une partie de la contribution pécuniaire commune, sans violer le principe de l'égalité proportionnelle? La nation peut certainement.

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Il appartient de même à la constitution de déterminer le mode selon lequel les citoyens prennent part à la fixation et à l'emploi de l'impôt. Leurs droits sont certains, fussent-ils remis tout entiers, quant à l'exercice, aux mains du souverain. L'histoire montre qu'en France, avant 89, ils ne furent jamais absorbés à ce point. Les taxes passagères et à plus forte raison l'impôt régulier et permanent ne s'établirent que du consentement des états, représentant la nation. Les ordonnances des rois reconnaissent qu'au fond la contribution n'est pas payée en vertu d'un droit inhérent à la couronne, quoi qu'on en ait pu dire, mais qu'elle est une

136 LES PRINCIPES DE 89 ET LA DOCTRINE CATHOLIQUE.

offrande des citoyens: Nobis gratiose concesserunt; un subside octroyé.

Cela résultera encore de ce que nous devons dire, en son lieu, du principe de la propriété, comme souveraine et indépendante de l'État.

En y réfléchissant un peu, on voit que les articles 13 et 14 de la Déclaration n'offrent pas de principes premiers, mais de simples déductions des premières maximes du droit naturel mises en tête de cette Déclaration. Ils portent sur des objets dont l'enseignement religieux ou théologique n'a pas s'occuper directement. Les questions qu'ils soulèvent ont une solution radicale dans les principes admis précédemment et surtout aux sixième et huitième paragraphes.

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Saint Thomas s'exprime ainsi : « Les princes peuvent pécher de deux manières en recevant le tribut : d'abord, si ce n'est pas pour procurer le bien du peuple et s'ils n'ont d'autre vue que de dépouiller les sujets de ce qu'ils possèdent; ensuite, s'ils prennent par la violence plus qu'il n'est statué par la loi, qui est un pacte entre le roi et le peuple, ou si leur exigence excède la faculté du peuple1. >>

1 Dupliciter peccare possunt principes accipiendo tributa. Primo quidem si utilitatem populi non procurent, sed solum ad diripiendum eorum bona intendant... Alio modo ex eo quod violenter diripiunt supra statutam legem, quæ est quasi quoddam pactum inter regem et populum, et supra populi facultatem. In Epist. ad Rom. Expositio, lect. I.

XIV

DU CONTROLE DES ADMINISTRATIONS.

« ART. 15. La société a droit de demander compte à tout agent public de son administration. >>

Ici encore on ne découvre rien qui intéresse directement le dogme ou la morale catholique; et le droit mentionné dérive de la souveraineté du peuple. Que pouvons-nous dire, sinon approuver, avec saint Thomas, toute mesure ou institution qui a naturellement pour fin de prévenir les abus et la tyrannie? Ces moyens sont abandonnés au libre jugement des hommes: Pendet ergo tota hæc res ex humano consilio et arbitrio1.

Il est évident que, dans toute administration et à tous les degrés, le fonctionnaire peut être obligé à rendre compte de sa gestion au supérieur immé

1 § 8, p. 76.

138 LES PRINCIPES DE 89 ET LA DOCTRINE CATHOLIQUE.

diat, qui représente alors la société, et ainsi jusqu'au souverain. Mais le droit naturel ne précise rien sur la manière dont la société demandera compte à ce dernier, et l'Assemblée constituante évita de rien définir à cet égard dans la Déclaration : Pendet ergo tota hæc res ex humano consilio et arbitrio.

XV

DE LA CONSTITUTION NATIONALE.

ART. 16. Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée n'a pas de constitution. >>

L'on est parfaitement libre de l'entendre comme on voudra. Nous ne sachions pas qu'une décision de l'Église condamne en aucune manière cette définition d'une constitution politique. Il serait donc inutile, pour notre but, d'entrer dans les discussions qui se sont élevées sur la question de savoir si la France avait ou n'avait pas de constitution sous l'ancienne monarchie. Si l'on entend par constitution une rédaction en corps de lois et en un seul contexte, qui détermine la forme du gouvernement, les droits politiques des citoyens et la garantie de ces droits, enfin la séparation et les rapports des pouvoirs législatif et exécutif, on doit dire que la

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