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et selon les formes qu'elle à prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis : mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instant; il se rend coupable par la résistance.

« ART. 8. La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée.

« ART. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

« ART. 10. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi.

« ART. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

« ART. 12. La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

«< ART. 13. Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable; elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

« ART. 14. Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.

« ART. 15. La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.

« ART. 16. Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution.

<< ART. 17. La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »

Nous ne connaissons pas de principes autres que ceux-là que l'on puisse appeler principes de 89: s'il en est, qu'on nous les révèle.

En les rattachant à cette date, nous ne voulons pas dire qu'ils aient été inconnus auparavant; on verra le contraire. Mais nous acceptons la dénomination sous laquelle nos adversaires les désignent,

parce qu'il est vrai qu'ils ont été alors proclamés solennellement et introduits expressément dans le corps du droit public français.

Il ne s'agit pas d'examiner les circonstances au milieu desquelles ce fait s'est accompli, s'il était bon de mettre une déclaration de principes en tête des lois1, ni s'il convenait de procéder, par la brusque application de ces principes, au changement violent de l'ancien ordre de choses. Nous les prenons tels qu'ils sont, sans même nous occuper de la forme ou de la rédaction, qui a subi de nombreuses critiques. Nous les considérons comme la base actuelle de la société française et nous interrogeons les théologiens, au point de vue de l'orthodoxie catholique, sur ceux d'entre ces principes qui ont rapport aux doctrines religieuses; tels sont ceux qui proclament la liberté et l'égalité naturelles, le droit de résistance à l'oppression, la souveraineté du peuple, la liberté civile, l'égalité devant la loi, la liberté des opinions religieuses, la liberté de la presse, l'inviolabilité de la propriété. Nous interrogeons, parmi les théologiens, S. Thomas, Bellarmin, Suarez, c'est-à-dire les docteurs dans lesquels on entend toute l'École.

Loin de déclarer que l'Église ne peut subsister, garder ses conditions essentielles de vie, au sein d'une société fondée sur ces principes, ils nous assu

1 Senèque prétend: Nihil videri frigidius, nihil ineptius quam legem cum prologo. Epist. 94.

rent, au contraire, qu'elle y peut respirer el se mouvoir sans antagonisme.

Si quelques voix s'élèvent sur certains points. contre l'opinion commune des théologiens, ce ne sera pas celles des docteurs dits ultramontains ; mais plutôt celle d'une école relativement moderne, qui ne fait pas autorité pour nous en ces matières, et à laquelle nos adversaires, dans une ignorance pour le moins surprenante, nous envoient demander des leçons de patriotisme et de libéralisme!

Nous savons qu'à la Constituante, parmi les hommes qui ont imaginé et proclamé les principes dits de 89, un grand nombre agissaient en haine de l'Église et en hostilité avec la doctrine révélée de Dieu. Il est historiquement certain que ceux-là voulaient, au moyen de ces principes, remplacer une société fondée sur la foi par un ordre social tout humain; et le fond de leur pensée peut se traduire par ce cri des Juifs contre le Sauveur des hommes: Nolumus hunc regnare super nos!

Mais, par une permission divine, la parole de ces ennemis de l'Église n'a pas été aussi mauvaise que leur pensée ni que leurs intentions. La déclaration des droits de l'homme a, dans toutes ses parties, un sens catholique admis par une multitude d'esprits droits et qui veulent rapprocher les cœurs sans faire fléchir les principes immuables du vrai et du bien. C'est un terrain commun sur

14 LES PRINCIPES DE 89 ET LA DOCTRINE CATHOLIQUE.

lequel on peut s'entendre, nous en sommes entièrement convaincu. L'appel que nous adressons, dans ce but, à nos concitoyens, ne saurait donc être une pierre de scandale jetée au milieu des discussions de ce temps.

Mais entrons dans le vif de notre sujet.

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