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ne se trompent réellement. Elle les excuse devant Dieu, si on la suppose invincible, ce dont Dieu sera juge; mais la vérité n'en subsiste pas moins avec tous ses droits. La persécution cesserait d'être un crime: elle resterait une erreur, un malheur, une preuve de l'infirmité humaine.

Éclaircissons notre pensée par un exemple.

Je suppose que je vous dois cent francs, mais je suis persuadé que je ne vous les dois pas. Vous assurez que je vous les dois, et moi j'affirme le contraire. Chaque jour, de pareils exemples se présentent devant les tribunaux où deux plaideurs qui paraissent au juge également convaincus, également de bonne foi, se contredisent sur le même point. Eh bien, si je suis le plus fort et que j'abuse de ma force pour ne pas vous donner les cent francs que vous me réclamez, ou si le juge que nous invoquons se trompe et prononce en ma faveur, est-ce que la bonne foi du juge et la mienne feront que je que je ne doive pas les cent francs? Est-ce que, malgré tout, votre droit à cette somme ne subsiste pas dans sa plénitude? Or le rôle que j'aurais joué ici et le rôle du juge sont précisément celui du pouvoir civil qui refuserait la liberté à l'Église, même après un examen qu'il croirait

suffisant.

Il est temps de clore ce chapitre nous avons démontré et au delà que la doctrine catholique ne condamne pas la liberté des opinions religieuses,

116 LES PRINCIPES DE 89 ET LA DOCTRINE CATHOLIQUE. entendue selon l'article 10 de la Déclaration. Ce

que nous avons dit doit suffire aux hommes sérieux et de bonne foi; pour les autres, nous n'en dirions jamais assez.

ΧΙ

DE LA LIBERTÉ DE LA PRESSE.

<«< ART. XI. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Ce principe a son application principale dans la liberté de la presse, et, au dire de nos adversaires, c'est encore une liberté que nos doctrines condamnent par opposition à celles de 89. Mais la liberté de la presse peut s'entendre et s'appliquer de bien des manières. On s'en fera une idée par la différence des termes qui la proclament dans nos constitutions successives. On verra ensuite que les catholiques l'admettent avec les réserves de la Déclaration, c'est-à-dire au sens de 89.

Constitution de 1791, titre : La constitution garantit comme droit naturel et civil « la liberté à tout homme de parler, d'écrire, d'imprimer et publier ses pensées, sans que ses écrits puissent être soumis à aucune censure ni inspection avant leur publication. »

Déclaration des droits de l'homme, décrétée par la Convention en mai et juin 1793: « Art. 6. Tout homme est libre de manifester sa pensée et ses opinions.-Art. 7. La liberté de la presse et de tout autre moyen de publier ses pensées ne peut être interdite, suspendue ni limitée. »>

La déclaration des droits mise en tête de la constitution de 1795 ne dit mot de la liberté de la parole et de la presse. Les législateurs de cette époque ne la considéraient-ils plus comme de droit naturel? C'est seulement au titre XIV de l'acte constitutionnel, art. 353, qu'on lit : « Nul ne peut être empêché de dire, écrire, imprimer et publier sa pensée. Les écrits ne peuvent être soumis à aucune censure avant leur publication. Nul ne peut être responsable de ce qu'il a écrit ou publié que dans les cas prévus par la loi. »

La constitution consulaire de 1799 n'est accompagnée d'aucune déclaration de droits, et l'on y chercherait vainement la liberté de la presse, pas plus que celle des cultes.

Le principe de la liberté de la presse est supposé par la constitution impériale ou sénatus-consulte

organique du 18 mai 1804, 28 floréal an XII. «Art. 64. Une commission de sept membres nommés par le sénat et choisis dans son sein est chargée de veiller à la liberté de la presse. Ne sont point compris dans son attribution les ouvrages qui s'impriment et se distribuent par abonnement et à des époques périodiques. Cette commission est appelée commission sénatoriale de la liberté de la presse.Art. 65. Les auteurs, imprimeurs ou libraires, qui se croient fondés à se plaindre d'empêchements mis à l'impression ou à la circulation d'un ouvrage peuvent recourir directement et par voie de pétition à la commission sénatoriale de la liberté de la presse.-Art. 66. Lorsque la commission estime que les empêchements ne sont pas justifiés par l'intérêt de l'État, elle invite le ministre qui a donné l'ordre à le révoquer. Art. 67. Si, après trois invitations consécutives, renouvelées dans l'espace d'un mois, les empêchements subsistent, la commission demande une assemblée du sénat, qui est convoqué par le président et qui rend, s'il y a lieu, la déclaration suivante: «Il y a de fortes présomptions que << la liberté de la presse a été violée. » On procède ensuite conformément à la disposition de l'article 112, titre XIII, de la haute cour impériale. Art. 112. Le corps législatif dénonce pareillement les ministres ou agents de l'autorité, lorsqu'il y a eu de la part du sénat déclaration de violation de la liberté de la presse.» Ce mécanisme se complète

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