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BK 843 •G58

Godard, Leon Nicolas

General Library

3-23-45

LES

PRINCIPES DE 89

ET LA

DOCTRINE CATHOLIQUE

I

BUT DE CET OPUSCULE

Les adversaires de l'Église ont coutume de la combattre en lui attribuant des doctrines qui ne sont pas les siennes, et en jetant la confusion dans les idées au moyen d'expressions vagues et mal définies.

Cette manœuvre suppose, dans ceux qui l'emploient, une conscience fort large ou une connaissance insuffisante des matières qu'ils traitent; mais elle trompe aisément les esprits sans défiance ou

peu éclairés et plaît à ceux qui haïssent et redoutent la vérité religieuse.

Jamais, peut-être, elle n'a été pratiquée en France avec plus d'audace et de succès qu'aujourd'hui. Elle se révèle particulièrement dans les déclamations et les écrits de toute espèce où l'on exalte les principes de 89, le progrès de notre époque, par opposition aux doctrines bien différentes, dit-on, qui présidèrent antérieurement au développement de la civilisation.

Sans cesse on parle des principes de 89, et l'on a soin de n'en pas préciser la formule, le sens ni la portée. On dit et l'on répète qu'ils constituent un droit nouveau, qu'ils sont la condamnation de la société ancienne et le fondement inébranlable de la société moderne; on ajoute, sans prendre soin d'en administrer la preuve, que l'Église les rejette et ne peut en aucune façon les accepter. Alors on tire ou on laisse tirer cette conclusion, que les catholiques fidèles à leur foi sont nécessairement hostiles au gouvernement, qui proclame ces principes, et à leur propre pays, qui les admet.

La manœuvre, on l'espère, donnera le change à l'opinion publique; les peuples se détacheront peu à peu de l'Église; ils finiront par la considérer comme une ennemie, et le pouvoir lui-même croira veiller à son propre salut, en dirigeant contre elle des mesures persécutrices.

Pour déjouer cette manœuvre, du moins auprès

des hommes qui ne souhaitent pas d'être abusés, il serait utile, croyons-nous, de rechercher, d'une part, ce que sont les principes de 89, et, ces principes une fois définis, de montrer, d'autre part, que, loin d'être repoussés par l'Église en tout état de société, ils ont été, au contraire, enseignés par les théologiens catholiques avant ceux qui les prônent comme s'ils en étaient les révélateurs.

Or tel est le but que nous voudrions atteindre en examinant l'un après l'autre ces principes, à la lumière des enseignements que nous donnent les docteurs de l'Église catholique, apostolique et romaine.

En résultera-t-il que l'Église et la Révolution seraient d'accord au fond? Nullement. Car il sera démontré, nous l'espérons, que la Révolution ne tire pas les conséquences logiques et nécessaires des principes de 89, tels qu'ils doivent être entendus, mais qu'elle force, altère ou détruit ces principes; qu'elle lève les bornes qu'ils posent, et qu'elle exclut, comme incompatibles avec eux, des lois qu'ils nous laissent libres d'admettre comme se conciliant avec le droit naturel dont ils sont l'expression.

Ce qui résultera de cette sincère étude, c'est que le problème de l'accord entre l'autorité et la liberté, du progrès dans l'ordre et le respect de tous les droits, est insoluble pour la Révolution et peut être résolu par la doctrine chrétienne, con

formément aux principes bien entendus de 89.

Nous blâmera-t-on d'agiter devant le public ces questions ardues et délicates, qui semblaient devoir rester enfermées dans le domaine de l'École ? N'est-il pas à craindre que leur solution, si sage qu'elle puisse être, ne soit pas comprise de tous et que de mauvais esprits ne cherchent à en abuser? Il y a là un péril, nous en convenons; mais ce n'est pas nous qui le faisons naître ; nous essayons plutôt de le conjurer.

On sait avec quelle persistance et par quels tristes moyens la presse révolutionnaire surprend la bonne foi du peuple, en lui mettant chaque jour sous les yeux, avec les solutions les plus fausses, ces difficiles problèmes de l'histoire et du gouvernement des sociétés humaines. N'est-il pas à propos d'opposer à l'erreur la solution nette et vraie de ces graves questions, dont l'opinion publique est saisie depuis longtemps, et qui retentissent au fond des plus humbles hameaux, dans les ateliers, partout? Ne perdons pas de vue que nous vivons, en principe, sous l'empire du suffrage universel et que la constitution de 1852, encore en vigueur sur ce point, porte, article 1er:

<«<< La constitution reconnaît, confirme et garantit les grands principes proclamés en 1789 et qui sont la base du droit public des Français.

Il est donc utile que chacun sache à quoi s'en tenir sur ces principes. Le silence de notre côté

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