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avec les obstacles ou les facilités qu'y mettent les situations respectives des provinces.

2o La géographie considérée par rapport à la richesse respective des différentes contrées, aux denrées différentes qu'elles produisent, aux branches de commerce qui naissent de ces variétés, à la circulation des marchandises, d'abord en général sur le globe ou de climat à climat, puis de peuple à peuple, et enfin de province à province.

3o La géographie considérée par rapport aux facilités plus ou moins grandes des communications par terre, par mer et par rivières. Des effets de cette communication sur les conquêtes, sur les ligues, sur les intérêts respectifs des États, sur les craintes qu'ils peuvent inspirer. De ses effets sur les différentes branches de commerce relativement à la nature des denrées plus ou moins faciles à transporter, plus ou moins précieuses, sous un volume et un poids plus ou moins grands.

4 La géographie considérée par rapport aux différents gouvernements, aux différents caractères des peuples, à leur génie, à leur valeur, à leur industrie; séparer ce qui appartient là-dedans aux causes morales : examiner si les causes physiques y ont part, et comment.

5o Le résultat de tous ces principes et leur application, 1o aux intérêts des princes, aux rapports des parties du monde, à ceux des États de l'Europe dans leur situation présente, à leur puissance, à leur commerce, à leurs intérêts faux ou vrais, à leurs vues, à leurs espérances bien ou mal fondées, aux différents systèmes de politique embrassés successivement par chaque cour, au système de l'équilibre, aux révolutions ou possibles, ou vraisemblables. 2o L'application de ces principes à la politique intérieure ; à la situation des capitales, à la division des provinces, à la distribution de l'autorité dans ses différents départements, aux diverses branches de productions et de commerces que l'on voudrait favoriser, à l'établissement des ports de mer, des canaux, des chemins, des points de réunion, des capitales, des provinces, des tribunaux, des gouvernements municipaux, de celui même des communautés; à la balance de la capitale et des provinces, des villes et des campagnes, des provinces et des villes entre elles; 3o au rapport de la nature du gouvernement à l'étendue des États, aux projets soit de république générale, soit de monarchie universelle.

Il me semble que toutes ces idées développées formeraient ce que j'appelle la géographie politique.

On peut faire une division plus générale encore, et comprendre tout ce qui regarde le rapport de la géographie politique sous deux articles. La diversité des productions et la facilité des communications; ce sont là, en effet, le deux éléments variables d'après lesquels il faut résoudre tous les problèmes de la géographie politique. Il faudrait cependant y ajouter encore la

gable, et à des essais de rédaction très-soignés. Il n'aurait jamais pris tant de peine s'il ne se fût agi que de sa propre gloire.

Aucun de ceux qui ont eu l'honneur et le bonheur d'avoir part à son intimité n'a jamais su ce qu'on devait le plus admirer, de son cœur ou de son esprit.

Ces médailles de sa jeunesse auront de l'intérêt pour tout le monde. On ne sera point surpris que celui qui, au séminaire, avait conçu de si vastes plans d'ouvrages sur des sujets si importants, et qui avait déjà rassemblé sur eux tant de matériaux, coordonné tant d'idées, ait été depuis un grand philosophe, un administrateur plein de lumières, un ministre de premier ordre. (Note de Dupont de Nemours.)

division des États, qui dépend en partie de ces deux principes, mais qui tient aussi en partie aux événements fortuits qui se sont succédé dans la suite des temps.

On peut ranger tout ce qui regarde la géographie politique sous deux divisions la géographie politique théorique, et la géographie positive ou historique.

La première n'est guère que le rapport de l'art du gouvernement à la géographie physique; comme la terre est le théâtre de toutes les actions humaines, cet objet renfermerait presque tout l'art de gouvernement, et pour ne l'y pas insérer tout entier, il faudrait souvent faire violence à la suite des idées. Mais si on y fait entrer tout, pourquoi déguiser un traité complet de gouvernement sous ce nom étranger de géographie politique? Ne vaut-il pas mieux présenter la partie sous le nom du tout, que le tout sous le nom de la partie, quelque principale qu'elle puisse être?

La géographie politique positive ne renferme que deux parties, le présent et le passé. L'état actuel du monde politique, les différentes forces des nations, leurs bornes, leur étendue, leurs qualités physiques, morales et politiques c'est-à-dire, la quantité d'hommes, les richesses de chaque État, le caractère de ses habitants, la facilité ou les obstacles que met à leur agrandissement la nature de leur gouvernement, le commerce des différentes nations, leurs prétentions respectives, leurs intérêts faux ou vrais, le chemin qu'ils suivent à présent, et la direction de leurs mouvements vers un progrès plus grand encore ou vers leur décadence; voilà la vraie géographie politique, à prendre le mot de géographie sous le sens dans lequel il est pris ordinairement, d'une description actuelle de la terre. Mais la géographie, par là même qu'elle est le tableau du présent, varie sans cesse; et puisque tout ce qui est passé a été présent, l'histoire, qui est le récit du passé, doit être une suite de ces tableaux de l'histoire du monde pris dans chaque moment.

Si l'on comprend dans la géographie l'état des nations, comme paraît l'exiger le titre de géographie politique, il y a bien peu à ajouter à la géographie des différentes époques pour en faire l'histoire universelle, tout au plus les noms et les actions de quelques hommes. En un mot, l'histoire et la géographie placent les hommes dans leurs différentes distances; l'une exprime les distances de l'espace, l'autre celles du temps. La description nue des terrains, d'un côté, la suite sèche et numérale des années, de l'autre, sont comme la toile où il faut placer les objets. La géographie ordinaire et la chronologie en déterminent les situations; l'histoire et la géographie politique les peignent de leurs propres couleurs. La géographie politique est, si j'ose ainsi parler, la coupe de l'histoire. Il en est des différentes suites d'événements qui forment l'histoire de chaque pays par rapport à celle du monde, comme des fibres qui forment le tissu d'un arbre depuis sa racine jusqu'à son sommet; elles varient sans cesse entre elles, et chaque point de la hauteur, si on y fait une section transversale, présentera la figure qui lui est propre, en sorte que l'arbre entier n'est que la suite de ces tranches variées. Voilà l'histoire universelle. Chaque moment a son espèce de géographie politique, et ce nom convient spécialement à la description du moment présent où se termine nécessairement le cours des différentes suites d'événements. Je vois encore que, par rapport à cet objet, le nom de géographje politique serait un déguisement de l'histoire universelle. Ne vaut-il pas

mieux ranger les choses sous leur vrai titre, et donner 1° une histoire universelle raisonnée; 2o une géographie politique qui en serait la suite; 3o un traité du gouvernement, qui renfermerait ce que j'appelle la théorie de la géographie politique ?

Esquisse d'un plan de géographie politique.

L'idée générale du globe terrestre considéré comme habitable; de la diversité des terrains et de leur fertilité; des plaines, des vallées, de leurs divisions et des bornes naturelles qui les ont occasionnées; des communications plus ou moins faciles entre certaines limites; des obstacles plus ou moins insurmontables qu'y met la nature; ruisseaux, rivières, fleuves, mers, coteaux, montagnes, chaînes de montagnes, finages, cantons, territoires, provinces, régions, grands continents. Description géographique du globe sous ce point de vue, ou mappemonde, telle que pourrait la dresser un habitant de la lune avec de bons télescopes.

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Deuxième point de vue du globe, considéré par zones et par climats : par rapport à la différente action du soleil, aux différentes lois que suivent les variations du froid et du chaud. Effets généraux et non contestés de ces lois sur la terre considérée en tant qu'habitable. Idée générale de la manière dont les hommes ont pu être épars sur la surface du globe, en supposant qu'ils soient partis d'un centre unique, ou en admettant qu'ils ont été, dès l'origine, répandus en plusieurs lieux : les deux hypothèses doivent produire à peu près les mêmes effets. Vue des habitants du globe ainsi dispersés, et des nations isolées par leur ignorance au milieu des nations. Rapport du nombre d'hommes dans un espace donné aux productions de cet espace. Considérations générales sur la population des États, sur les progrès passés et futurs du genre humain. Rapport de ces productions à la manière de vivre des hommes. Premier état où l'on doit supposer à cet égard les habitants du globe. Pour expliquer ce que nous voyons, un philosophe doit remonter jusqu'à cet état de barbarie au delà duquel le genre humain n'aurait pu subsister. Supposition des hommes distribués par familles vivant de ce que le hasard leur offre, fruits, insectes, animaux.

Première mappemonde politique, ou division du monde habité par rapport aux différentes espèces d'hommes: blancs, noirs, rouges, Lapons, Celtes, Tartares, Chinois, Maures, Levantins, Indiens, Malais.

Des changements successifs dans la manière de vivre des hommes, et de l'ordre dans lequel ils se sont suivis : peuples chasseurs, pasteurs, labou

reurs.

Des causes qui ont pu retenir plus longtemps certains peuples dans l'état de chasseurs, puis de pasteurs. Des différences qui résultent de ces trois états, par rapport au nombre des hommes, aux mouvements des nations, aux facilités plus ou moins grandes de surmonter les barrières par lesquelles la nature a pour ainsi dire assigné aux différentes sociétés leur part sur le globe terrestre, aux communications, aux mélanges des peuples plus ou moins faciles.

Comment les petites sociétés resserrées entre certaines bornes ont, par des mélanges plus fréquents, contracté un caractère, une langue, des mœurs, peut-être même une figure commune, qui forment des nations; comment des mélanges un peu moins fréquents, renfermés entre des limites plus étendues, mais plus difficiles à franchir, ont donné à ces nations entre elles

une ressemblance moins marquée, mais toujours sensible. Comment le genre humain s'est ainsi trouvé divisé en grands peuples; comment ces peuples mêmes se sont encore mêlés sur toute la surface des grands continents, en sorte que tous les peuples qui se touchent ont pris nécessairement, comme deux couleurs voisines, quelques teintes l'un de l'autre; tandis qu'on ne peut observer de teintes communes entre les peuples d'un continent qui paraissent partir de différents centres, et dont la nuance s'étend jusqu'aux extrémités les plus reculées, en s'affaiblissant par des dégradations plus ou moins rapides, suivant que les communications avec le lieu où l'on doit en chercher l'origine, ont été plus ou moins faciles, et par là plus ou moins fréquentes.

Seconde mappemonde politique, ou distribution des peuples et des nations sur le globe.

Des bornes principales que la nature a données à ces grands peuples, et des communications principales qu'elle laisse ouvertes entre eux, et qui ont pu en quelque sorte diriger les mouvements des nations dans toutes leurs grandes migrations.

Nouvelles réflexions sur les changements successifs dans l'état des nations, et sur l'inégalité de leurs progrès.

Yue générale des hommes divisés en peuples plus ou moins barbares, plus ou moins policés, et représentant sous un coup d'œil dans le tableau du présent les différentes nuances de la barbarie et de la civilisation, par lesquelles la nation la plus avancée a successivement passé depuis la première époque de la barbarie.

Idées générales de ces progrès dans les différentes nations; du transport des lumières de l'esprit et du perfectionnement du gouvernement d'un pays à l'autre, et des tableaux que l'univers, considéré sous ce point de vue, a présentés et présentera successivement.

Considérations plus détaillées sur le progrès des peuples.

Les hommes considérés comme formant des sociétés politiques.

De la première formation des gouvernements parmi les peuples sauvages, chasseurs, pasteurs, laboureurs. Des variétés relatives à ces trois manières de vivre.

Considérations générales sur la propriété des choses et des terrains; occupation, conservation ou occupation continuée, et des effets qui ont dû en résulter.

Laboureurs, habitations, distances, à quoi relatives. Mesure des distances, villes. Du rapport entre une ville et son territoire. Origine de ces rapports. Premiers États plus étendus; comment ils ont pu se former; que la force est le seul lien qui en unisse les parties.

Colonies et guerres. Colonies, rapports entre elles et les métropoles relativement à la facilité de la communication, et par conséquent à la distance de l'une à l'autre : relativement à l'inégalité de la puissance, et ainsi à l'avantage des situations et même à la bonté du gouvernement.

Comparaison des situations des villes entre elles par rapport à l'étendue et à la fertilité du territoire qu'elles occupent, par rapport aux commodités pour le commerce, par rapport à la difficulté de les attaquer.

Guerres entre les villes; leurs effets. Destruction des vaincus; transport des habitants, esclavage, ou lois et tributs imposés. Que ces sortes de guerres ont rarement produit des effets durables et formé des États étendus.

Guerres des peuples 'policés avec les barbares. Conquêtes rapides dans un grand espace, et peu durables par le défaut de liaison entre leurs différentes parties.

Que la conservation à certains égards est une conquête perpétuelle, et suppose par conséquent une aptitude perpétuelle à conquérir, une force constante et toujours appréciable, quoique dans un degré inférieur.

Conquêtes moins étendues et renfermées entre des limites naturelles. États médiocres, établissement des capitales. Premiers liens du gouvernement despotique. L'asservissement d'un peuple suppose toujours dans l'Etat une partie opprimante qui, dans les mains du prince, est l'instrument de l'oppression. Cette partie est ou un peuple particulier dominant par la force de sa situation ou de son caractère, ou un peuple conquérant répandu ans toute l'étendue du pays conquis, ou simplement un corps de troupes disciplinées. Ce dernier moyen est d'autant plus rare, qu'on remonte plus haut dans l'antiquité, parce que, dans l'art militaire comme dans les autres, les premiers éléments appartiennent à tous les hommes, les progrès seuls y mettent des différences.

Du gouvernement des provinces dans les États médiocres et dans les grands empires formés par des conquêtes. Rapport de la forme du gouvernement à l'étendue des États. Despotisme des grands empires nécessaire dans les premiers temps. Effets du despotisme sur les mœurs civiles. Sur la pluralité des femmes. Causes du despotisme dans certains pays, tels que l'Asie, etc. 1o La nature du pays et la trop grande facilité des conquêtes par l'étendue des plaines et la distance trop grande des barrières que la nature a mises entre les nations. 2o Le progrès trop rapide de la société dans ces contrées, et l'art de conquérir perfectionné avant que l'esprit humain fût assez avancé pour avoir perfectionné l'art de gouverner, avant que les petits États eussent un gouvernement fixe qu'un conquérant pût laisser subsister, avant que les peuples sussent former des ligues et s'associer entre eux pour défendre leur liberté, avant que les conquérants trouvassent des peuples déjà policés dont ils fussent obligés d'adopter les mœurs et les lois. Digression sur les climats; combien leur influence est ignorée. Danger qu'il y aurait à faire usage du principe trop adopté sur cette influence. Fausses applications qu'on en a faites au caractère des peuples et de leurs langages, à la vivacité de l'imagination, à la pluralité des femmes, à la servitude des Asiatiques. Vraies causes de ces effets. Nécessité d'avoir épuisé les causes morales avant d'avoir droit d'assurer quelque chose de l'influence physique des climats. De l'influence morale des climats par les objets qu'ils nous présentent. Différence de l'influence des climats d'avec les effets de la situation, qui sont la première donnée dans tous les problèmes de la géographie politique. Utilité de cette digression.

Réflexions générales sur la manière dont les différents génies des peuples doivent entrer dans le plan de la géographie politique. Réflexions générales sur la manière dont les nations, d'abord isoles, ont porté leurs regards autour d'elles, et sont parvenues peu à peu à se connaître de plus en plus. Progrès dans l'étendue des connaissances géographiques relatives aux états successifs du genre humain. Des principaux rapports qui peuvent unir les peuples; voisinage, commerce. Désir de conquérir, craintes réciproques, intérêts communs. Que chaque peuple qui a devancé les autres dans ses progrès est devenu une espèce de centre autour duquel s'est formé comme un monde

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