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menaces et violences, des voituriers qui avaient été chargés de grains par eux achetés dans différents greniers desdites villes et bourgs; et attendu qu'une pareille conduite est une atteinte à la liberté du commerce des grains établie par la déclaration du roi du 25 mai 1763 et l'édit du mois de juillet 1764; que de plus elle tend à ôter les moyens de subsister aux peuples des lieux où le besoin est le plus pressant ;

Nous faisons défenses à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles soient, d'apporter aucun trouble ni empêchement au commerce des grains; de s'opposer par menaces, voies de fait, ou autrement, à ce qu'on puisse les vendre, acheter et voiturer avec une entière liberté; de s'attrouper à la porte des greniers, ni d'entreprendre, sous aucun prétexte, de forcer les propriétaires à vendre leurs grains, à peine, contre les contrevenants, d'être arrêtés et mis en prison, pour être ensuite poursuivis, suivant la rigueur des ordonnances, comme perturbateurs du repos public et auteurs d'attroupements séditieux.

Mandons à nos subdélégués de tenir la main à l'exécution de notre présente ordonnance, qui sera imprimée, publiée et affichée partout où besoin sera, à ce que personne n'en ignore. Fait à Limoges, le 1er mars 17701.

parvenus à leur destination. Mais, en plus d'une ville, le peuple, quelquefois excité par l'imprudence des officiers municipaux ou de justice, plus souvent encouragé par leur faiblesse, interceptait les approvisionnements.

M. Turgot fut obligé de réprimer ces mouvements séditieux, nuisibles à ceux même qui se les permettaient, plus nuisibles encore à leurs voisins.

Nous rapporterons quelques-unes des ordonnances qu'il eut à rendre à ce sujet. La première ne porte que sur des attroupements populaires qui paraissaient spontanés. La seconde frappe sur des officiers municipaux abusant de leurs fonctions. La troisième réprime un magistrat principal d'une grande ville, et de celle qui était le chemin naturel de toutes les subsistances qui venaient du dehors, un magistrat qui, par sa position, son éducation, l'importance de ses fonctions dans une ville considérable, ne pouvait ignorer les lois. (Note de Dupont de Nemours.)

'M. de Pont, intendant de Moulins, rendit de son côté, le 22 mars, une ordonnance pour permettre aux subdélégués de l'intendance de Limoges de faire exécuter, dans les paroisses dépendantes des deux généralités, celle de M. Turgot que l'on vient de lire, et ordonner aux syndics de s'y conformer.

Mais il fallut revenir plusieurs fois à des ordonnances semblables. La nécessité en devenait plus affligeante, quand elles étaient provoquées par les fautes mêmes des magistrats. (Note de Dupont de Nemours.)

23 mars 1770.

DE PAR LE ROI. ANNE-ROBERT-JACQUES TURGOT, etc. Etant informé que les sieurs Tournier et Coureze de La Baudie, échevins de la ville de Turenne, ont assumé sur eux de défendre la sortie des grains de ladite ville, et d'ordonner que les propriétaires seraient tenus de les délaisser en recevant le prix comptant au cours du marché; et attendu qu'une pareille défense est une atteinte aux droits de la propriété et à la liberté dont doit jouir le commerce des grains; qu'elle tendrait à priver de leur subsistance les habitants des lieux que les circonstances obligeraient à se pourvoir à Turenne; que, si cet attentat était toléré, toutes les villes ayant les mêmes. droits que celle de Turenne, il en résulterait partout une interruption totale du commerce des grains, et par conséquent que les habitants de tous les lieux où les subsistances manquent seraient réduits à mourir exactement de faim; Attendu, en outre, que l'entreprise desdits officiers municipaux de Turenne est une contravention directe à la déclaration du roi du 25 mai 1763, et à l'édit du mois de juillet 1764, par lesquels il est ordonné que les grains circuleront et se vendront partout avec une entière liberté; Vu la déclaration du roi et l'édit ci-dessus des 25 mai 1763 et juillet 1764, ensemble notre ordonnance du 1er mars 1770, portant défense à toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles soient, d'apporter aucun trouble ni empêchement au commerce des grains, de s'opposer à ce qu'on puisse les vendre, acheter et voiturer avec une entière liberté, de s'attrouper à la porte des greniers, ni d'entreprendre, sous aucun prétexte, de forcer les propriétaires à vendre leurs grains, à peine contre les contrevenants d'être poursuivis suivant la rigueur des ordonnances, comme perturbateurs du repos public;

Nous ordonnons que la déclaration du roi du 25 mai 1763, l'édit de juillet 1764, et notre ordonnance du 1er mars ci-dessus, seront exécutés suivant leur forme et teneur ; qu'en conséquence il sera libre à toutes personnes de faire sortir des grains de la ville de Turenne et de tout autre lieu de notre généralité. Faisons défense à quelque personne que ce soit, et notamment auxdits sieurs échevins de la ville de Turenne, de s'y opposer, et de faire exécuter les ordres par eux donnés à ce contraires, à peine d'en répondre en leur propre et privé nom. Et sera notre présente ordonnance publiée et

affichée partout où besoin sera, notamment dans la ville de Turenne, à ce que personne n'en prétende cause d'ignorance. Mandons au sieur Salès, notre subdélégué à Brive, de tenir la main à son exécution. Fait à Limoges, le 23 mars 1770.

3 avril 1770.

DE PAR LE ROI. ANNE-ROBERT-JACQUES TURGOT, etc. Étant informé que, nonobstant les dispositions de la déclaration du roi du 25 mai 1763 et de l'édit du mois de juillet 1764, par lesquelles Sa Majesté a permis à toutes personnes de faire commerce de grains, et de faire tels magasins qu'ils jugeront nécessaires, sans qu'ils puissent être recherchés, inquiétés ou astreints à aucunes formalités, le sieur lieutenant de police de la ville d'Angoulême s'est cru autorisé à rendre une ordonnance par laquelle il a fait défense à toutes personnes ayant du grain dans leurs maisons en magasin ou autrement, d'en retenir au delà de ce qui leur est absolument nécessaire pour leur subsistance et celle de leur famille, et il leur a enjoint d'en faire conduire au marché la plus grande quantité possible, à peine, contre ceux qui retiendraient des grains au delà de leur provision, de mille livres d'amende; il a en outre enjoint à tout grènetier conduisant du grain dans ladite ville d'Angoulême de le conduire droit au marché, sans pouvoir en décharger ni serrer ailleurs, à peine de cent livres d'amende tant contre lesdits grènetiers que contre ceux qui arrheraient, achetèraient ou serreraient les grains sur les chemins ou dans la ville et faubourgs; il a de plus fait défense aux grènetiers de remporter chez eux après le marché les grains non vendus, et il leur a ordonné de les mettre dans un dépôt indiqué par ledit sieur lieutenant de police; enfin il a fait défense aux meuniers d'acheter aucune espèce de grains, soit sur les chemins, soit au marché, sans la permission dudit sieur lieutenant de police;

Et attendu que non-seulement ladite ordonnance est directement contraire à la déclaration du 25 mai 1763 et à l'édit du mois de juillet 1764; que non-seulement elle donne atteinte aux droits de propriété et à la liberté du commerce des grains, que Sa Majesté a établie par une loi perpétuelle et irrévocable; mais que de plus elle tend d'un côté à irriter le peuple contre les propriétaires et les marchands de grains, et par conséquent à lui rendre odieuses les

seules personnes de qui il puisse attendre des secours; que de l'autre, en intimidant les marchands de grains, en gênant leur commerce, et en faisant dépendre leur sort de décisions et permissions arbitraires, elle ne peut avoir d'autre effet que de les écarter des marchés de la ville d'Angoulême; qu'en interdisant à toutes personnes d'avoir du grain dans leurs maisons ou magasins au delà de leur subsistance et de celle de leur famille, elle prohibe équivalemment tout commerce de grains, et rend impossible l'approvisionnement non-seulement de la ville d'Angoulême, mais encore de plusieurs provinces, puisque, dans les circonstances fâcheuses où la médiocrité des récoltes a réduit l'Angoumois, le Limousin et une partie du Poitou et du Périgord, les peuples ne peuvent être alimentés que par les grains achetés dans d'autres provinces, ou en pays étranger par les marchands, soit d'Angoulême, soit d'autres lieux; que lesdits grains ne peuvent arriver à leur destination qu'après avoir été débarqués et entreposés dans les magasins du faubourg de l'Houmeau, sous Angoulême; que, par toutes ces raisons, ladite ordonnance compromet de la manière la plus imprudente la tranquillité publique et la subsistance des peuples tant d'Angoulême que des provinces voisines; qu'il est d'autant plus pressant de prévenir les dangers qui pourraient en résulter, que plusieurs chargements de grains achetés par différents négociants et destinés soit pour la ville d'Angoulême, soit pour l'intérieur des deux provinces d'Angoumois et du Limousin, sont déjà arrivés à Charente et embarqués sur la rivière pour être transportés à Angoulême; et que l'exécution de ladite ordonnance obligerait les marchands ou à contremander lesdits grains pour les soustraire à la vente forcée qu'on voudrait leur prescrire, ou à les vendre tous dans le même lieu, au risque de déranger le cours de leur commerce et de priver les autres parties de la province de leur subsistance: étant d'ailleurs instruit que le marché qui a suivi la publication de ladite ordonnance a été très-tumultueux, qu'il a été nécessaire d'y employer main-forte pour contenir la populace, et qu'il est à craindre qu'il n'arrive de plus grands désordres dans les marchés suivants; nous avons cru, dans des circonstances aussi urgentes, ne pouvoir apporter trop de célérité à prévenir les maux que pourrait entraîner l'exécution de ladite ordonance. A l'effet de quoi,

Nous ordonnons que la déclaration du 25 mai 1763 et l'édit du

mois de juillet 1764 seront de nouveau publiés et affichés dans la ville d'Angoulême, afin que personne n'en ignore; et que lesdites lois, et notamment les articles I et XI de ladite déclaration seront exécutés selon leur forme et teneur; en conséquence, que, sans s'arrêter à ladite ordonnance du sieur lieutenant de police d'Angoulême, il sera libre à toutes personnes de vendre et d'acheter les grains, tant dans les marchés qu'ailleurs, lors et ainsi que bon leur semblera, comme aussi de les porter et faire porter librement partout où ils le jugeront à propos, et généralement d'en disposer ainsi et de la manière qu'ils aviseront. Faisons défense à toutes personnes d'exécuter ladite ordonnance du sieur lieutenant de police, en ce qui concerne les défenses ci-dessus énoncées; ordonnons que les personnes emprisonnées sous prétexte de contravention à ladite ordonnance, si aucunes y a, seront mises en liberté; à ce faire le geolier contraint. Mandons au sieur Boisbedenil, notre subdélégué à Angoulême, de tenir la main à l'exécution de notre présente ordonnance; laquelle sera lue, publiée et affichée dans la ville d'Angoulême, au faubourg de l'Houmeau, et partout où besoin sera. Fait à Limoges, le 3 avril 1770 1.

XII. ARRÈT DU CONSEIL D'ÉTAT DU ROI,

QUI ORDONNE QUE, SANS S'ARRÊTER A L'ORDONNANCE DU LIEUTENANT DE POLICE DE LA VILLE D'ANGOULÈME DU 30 MARS 1770, IL SERA LIBRE A TOUTES PERSONNES DE VENDRE ET D'ACHETER DES GRAINS TANT DANS LES GRENIERS QUE DANS LES MARCHÉS, LORS ET AINSI QUE BON LEUR SEMBLERA, EN EXÉCUTION DE LA DÉCLARATION DU 25 MAI 1765 et de l'édit du mois de JUILLET 1764. (8 avril 1770.)

(Extrait des registres du Conseil d'État.)

Le roi étant informé que le lieutenant de police de la ville d'Angoulême a rendu une ordonnance par laquelle il fait défense à

'L'ordonnance qu'on vient de lire avait été rendue pour arrêter provisoirement, et le plus promptement possible, le mauvais effet de celle que s'était permise le lieutenant de police d'Angoulême. Mais l'infraction de la loi, par un magistrat spécialement chargé de la police, parut à M. Turgot d'une si grande et si dangereuse conséquence, qu'en même temps qu'il la réprimait directement, il crut devoir être appuyé dans cette mesure par un arrêt du Conseil. Sa demande à ce sujet fut portée par un courrier, qui rapporta en effet l'arrêt du Conseil proposé par M. Turgot. (Voyez la pièce suivante.) (Note de Dupont de Nemours.)

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