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partie du fardeau sur les absents. Souvent ceux qui ont quelque pouvoir en abuseront pour se dispenser de contribuer, et peut-être il y aura bien des paroisses où l'on ne voudra prendre aucune résolution. Il m'est impossible de vous prescrire des règles fixes pour tous ces cas; je dois m'en rapporter à votre zèle et à votre prudence. Je vous exhorte en général à ne rien épargner pour terminer ces divisions par voie de conciliation. Le plus souvent vous y parviendrez en vous transportant sur les lieux, ou en chargeant quelqu'un de confiance de s'y rendre en votre nom, ainsi que vous y êtes autorisé par l'article 30 de mon ordonnance 1.

X. ORDONNANCE

PORTANT SUSPENSION DES LOIS SUR LE TIMBRE ET LE CONtrole, et des priviléges DES HUISSIERS ROYAUX 2. (7 mars 1770.)

DE PAR LE ROI. ANNE-ROBERT-JACQUES TURGOT, etc. Nous ayant été exposé par le sieur lieutenant-général de la sénéchaussée de Limoges, que, dans les différentes contestations qui s'élèvent sur l'exécution de l'arrêt du Parlement de Bordeaux du

1 Le surplus de la Lettre rappelle les instructions données dans celle du 16 février. Voir page 28.

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Tous les travaux dont on vient de rendre compte et de publier les principales pièces, avaient organisé les bureaux de charité. Mais dans leurs opérations ils rencontrèrent la fiscalité, qui exigeait que leurs actes fussent sur papier timbré, et qui les soumettait au contrôle. Ils trouvèrent encore les priviléges des officiers ministériels immatriculés dans les juridictions royales dépense et retard, fondés néanmoins sur des lois financières et sur l'organisation des tribunaux.

Tout intendant aurait senti, comme M. Turgot, que cette fiscalité et ces formes, ces priviléges qui tenaient originairement à une autre fiscalité, étaient dans une telle circonstance tout à fait contraires aux intentions du gouvernement, qui, loin de vouloir tirer un revenu de la calamité publique, se portait généreusement à des sacrifices considérables pour en alléger les maux. Il n'en était presque aucun qui ne se fût haté de le représenter au ministre des finances et au chancelier, et n'eût sollicité à cet égard la décision du Conseil, puis les ordres du roi.· Tous auraient cru devoir les attendre.

Nul autre que M. Turgot n'aurait osé suspendre provisoirement l'effet de deux lois, l'une fiscale, l'autre judiciaire, parce qu'elles absorbaient une partie des fonds et ralentissaient les efforts de la charité. Il est même très-vraisemblable que tout autre aurait été blàmé de l'avoir pris sur lui. Mais M. Turgot ne craignait jamais de faire ce qui était évidemment utile. Le poids de sa vertu et celui de son caractère empêchaient qu'on lui reprochat d'y avoir mis de la célérité. Il est vrai

17 janvier dernier, relatif à la subsistance des pauvres, les bureaux de charité établis en chaque paroisse, lorsqu'ils sont forcés de faire des actes aux différents particuliers qui refusent de se soumettre aux répartitions par eux faites, font écrire ces actes sur du papier marqué, les font revêtir de la formalité du contrôle, et se servent quelquefois d'huissiers royaux, quoiqu'éloignés de leurs paroisses, sous prétexte que ces actes doivent être faits hors de l'étendue des juridictions seigneuriales aux greffes desquelles les sergents sont immatriculés;-Que, de toutes ces circonstances, il résulte des frais d'autant plus préjudiciables, que, dans une opération momentanée et nécessairement précipitée, il n'est pas possible qu'il ne se soit fait plusieurs injustices involontaires;-Que ceux qui éprouvent ces injustices seraient trop à plaindre, s'ils étaient obligés de payer des frais qu'ils n'auraient pas mérités;-Qu'il ne semble pas juste non plus de faire tomber ces frais sur les bureaux de charité, composés d'honnêtes citoyens qui n'ont que des vues louables et qui peuvent facilement être trompés sur une multitude de faits et de discussions qu'entraîne l'opération à laquelle ils se livrent pour soulager les malheureux; - Qu'en conséquence il croit devoir nous représenter la nécessité d'obvier à ces inconvénients, en autorisant les bureaux de charité et les juges des lieux, ainsi que les sénéchaux, à faire usage de papier non timbré dans tous les actes relatifs à la subsistance des pauvres et à l'exécution dudit arrêt du Parlement, du 17 janvier dernier; comme aussi en déchargeant lesdits actes et ordonnances de la formalité du contrôle et du scel, et finalement en autorisant les sergents des juridictions seigneuriales à exploiter dans cette partie, même hors de leur juridiction;

Vu lesdites représentations, et considérant qu'en effet on ne peut trop s'occuper du soin de décharger de tous frais inutiles une opération aussi intéressante que la répartition des contributions charitables destinées dans chaque paroisse à la subsistance des pauQue ces motifs ont déjà déterminé le Parlement de Bordeaux à statuer que toutes les ordonnances rendues sur cette matière seraient purement gratuites; Que les vues de cette Cour ne

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qu'il avait pour appui, au Conseil d'Etat et auprès des deux ministres, la vertu non moins grande et les lumières de MM. Trudaine père et fils.

La seule précaution qu'il prit fut de se faire représenter le fait par le lieutenantgénéral de la sénéchaussée. (Note de Dupont de Nemours.)

seraient qu'imparfaitement remplies à cet égard, si les différents actes pour l'obtention et l'exécution de ces ordonnances demeuraient assujettis à des formalités dispendieuses; Qu'enfin les droits du roi et les intérêts de l'adjudicataire des fermes ne souffriront aucune lésion, puisqu'il s'agit uniquement de la répartition d'une contribution de charité, laquelle ne peut être regardée comme faisant partie du cours ordinaire des actes relatifs aux intérêts des particuliers, ou à l'administration de la justice; que par conséquent il y a lieu de croire que cet adjudicataire ne fera aucune difficulté de se prêter à un arrangement aussi avantageux aux pauvres; Attendu, en outre, que les motifs desdites représentations sont également applicables à toutes les parties de la province;

Nous autorisons les bureaux de charité et les juges des lieux, ainsi que les sénéchaux, à faire usage de papier non timbré dans tous les actés relatifs à la subsistance des pauvres et à l'exécution de l'arrêt du Parlement de Bordeaux du 17 janvier dernier; comme aussi dispensons lesdits actes et ordonnances de la formalité du contrôle et du scel; et finalement autorisons les sergents des juridictions seigneuriales à exploiter, pour cet objet seulement, même hors de l'étendue des juridictions aux greffes desquelles ils sont immatriculés. Le tout néanmoins par provision, et tant qu'il n'en sera autrement ordonné par le Conseil. Et sera notre présente ordonnance lue et publiée partout où besoin sera.

Fait à Limoges, le 7 mars 1770.

XI. ORDONNANCES

POUR LE MAINTIEN DE LA LIBERTÉ DU Commerce des GRAINS'.

DE PAR LE ROI. ANNE-ROBERT-JACQUES TURGOT, etc. Étant informé que quelques habitants de différentes villes et bourgs ont cherché à intimider par des murmures, et même par des

1 Dans ces moments de crise, on ne pouvait se borner à éclairer les esprits, à instruire sur le bien et à l'ordonner. Il fallait aussi prohiber le mal et se défendre contre lui. Il fallait, comme les Juifs rebâtissant Jérusalem, combattre d'une main en travaillant de l'autre.

Les approvisionnements arrivaient, et on les répartissait aussitôt qu'ils étaient

VIII. Lesdits états comprendront tous les habitants de la paroisse qui ne peuvent vivre sans les secours de la charité, encore même qu'ils possédassent quelque petit héritage, si, par la discussion des ressources qu'ils peuvent retirer desdits héritages ou de leur travail, ils paraissent être dans l'impossibilité de subsister sans secours.

IX. Les mendiants étrangers doivent être renvoyés dans les paroisses dont ils sont originaires, en leur fournissant de quoi subsister dans la route, ainsi qu'il est expliqué aux articles 23 24 et 25 de notre lettre aux curés en date de ce jour.

X. N'entendons comprendre sous le nom de mendiants étrangers les particuliers établis et domiciliés dans la paroisse, non pour y mendier, mais pour y gagner leur vie par le travail, et qui n'ont besoin d'un secours extraordinaire qu'à cause de la cherté actuelle, ou en conséquence d'infirmités qui leur seraient survenues. Les pauvres de cette classe doivent être censés habitants des paroisses, et comme tels y être secourus.

XI. Les métayers et colons doivent être nourris par les propriétaires des domaines, conformément à notre ordonnance du 28 février dernier1; ils ne seront point compris dans les états des pauvres.

XII. Dans les paroisses où l'on fera un rôle de contributions, lesdites contributions seront imposées sur tous les habitants aisés résidant dans le lieu, et sur les propriétaires de fonds, de dîmes et de rentes, sans distinction de présents ou d'absents, de privilégiés ou non privilégiés, même sur les ecclésiastiques et sur les communautés religieuses, à l'exception des seuls curés et vicaires à portion congrue.

XIII. Pour former lesdits rôles de contributions, l'on se conformera aux règles qui vont être expliquées.

XIV. Il sera fait un relevé du revenu des biens fonds, tels qu'ils sont évalués aux rôles des tailles de la paroisse, en observant de n'y comprendre que les corps de domaines, et non les petites propriétés détachées.

XV. A l'égard des prés et autres héritages détachés, ainsi que des profits de fermes, rentes constituées et autres facultés personnelles, il en sera pareillement fait un relevé, dans lequel ne seront compris que les articles des particuliers taxés à quarante livres de principal de taille et au-dessus; les facultés au-dessous de ce taux étant disC'est celle qui précède immédiatement.

pensées de contribuer. Et les revenus des biens et facultés compris dans ledit relevé seront portés sur le même pied que dans le rôle des tailles.

XVI. Les revenus des rentes en grains seront évalués sur le pied des fermages, ou à défaut de fermages sur le prix moyen des dix dernières années.

XVII. Les dimes seront pareillement évaluées sur le produit commun calculé comme celui des rentes, d'après le prix moyen des dix dernières années.

XVIII. Les contributions charitables seront réparties sur la totalité des revenus, tant sur ceux compris dans les deux relevés, cidessus mentionnés aux articles 14 et 15, des corps de domaines et des cotes pour héritages et facultés portant quarante livres de taille et au-dessus, que sur ceux des rentes en argent ou en denrées, et des dimes, en observant néanmoins de taxer au double les propriétaires de rentes et de dîmes, attendu que ces derniers genres de revenus ne supportent que très-peu de charges et de frais, et que les propriétaires de biens fonds, étant d'ailleurs obligés de fournir des secours à leurs cultivateurs, doivent être plus ménagés.

XIX. Le rôle sera fait d'après les règles ci-dessus par celui que la paroisse en chargera, et signé par le curé et les principaux habitants qui savent signer.

XX. Il sera ensuite adressé à nos subdélégués, pour être par eux vérifié et rendu exécutoire, en vertu du pouvoir que nous leur donnons à cet effet.

XXI. Le rôle ainsi vérifié sera remis entre les mains du receveur que la paroisse aura choisi et désigné, lequel en fera le recouvrement sur les y dénommés, et ce de mois en mois, la contribution devant être partagée en autant de payements égaux qu'il s'écoulera de mois jusqu'à la récolte. Le premier payement doit être fait immédiatement après que le rôle aura été arrêté. Seront, au surplus, tous les payements croisés en marge dudit rôle.

XXII. Les régisseurs ou baillistes seront tenus de fournir, sur les revenus des biens qu'ils régissent ou qu'ils tiennent à bail, la cotepart à laquelle les propriétaires auront été taxés; à quoi faire ils seront contraints par voie de saisie-arrêt, même d'exécution si besoin est, sauf à se faire rembourser par les propriétaires desdits biens ou revenus, de ladite cotisation, ou à la précompter sur le prix de leurs

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