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nus de l'État, expose la vie et la fortune de nos sujets, ont dans tous les temps mérité l'attention des rois nos prédécesseurs. Notre auguste aïeul, instruit qu'il s'introduisait dans la ville de Paris et dans celle de Versailles une quantité considérable de tabacs mélangés et falsifiés, dont le débit est aussi nuisible à la santé des citoyens que préjudiciable à nos droits, a, par arrêts de son Conseil des 30 mai 1771 et 7 juin 1772, attribué au sieur lieutenantgénéral de police de la ville de Paris la connaissance par voie de police et d'administration, et le jugement en dernier ressort, de tous les délits relatifs à l'introduction, au débit et au colportage des tabacs, tant en poudre qu'en bouts, et des poudres factices exposées en vente sous la dénomination de tabacs, tant dans les villes de Paris et de Versailles que dans l'étendue des prévôtés et vicomtés en dépendantes nous avons reconnu que cette attribution a produit. les plus prompts et les meilleurs effets. Les moyens faciles et multipliés que fournit au lieutenant-général de police l'administration dont il est chargé, ont diminué une espèce de contrebande si dangereuse, prévenu les excès et les peines auxquels ceux qui s'y livrent sont malheureusement exposés. Elle a d'ailleurs l'avantage de diminuer les frais de procédures par la promptitude des jugements. D'une autre part, notre Cour des aides de Paris, ayant, par ses remontrances à nous présentées au mois de mai dernier, réclamé contre cette attribution, nous nous sommes fait rendre compte desdits arrêts des 30 mai 1771 et 7 juin 1772, des motifs qui les ont déterminés et des circonstances dans lesquelles ils ont été rendus; et voulant donner à notre Cour des aides une nouvelle preuve de la confiance que nous avons dans son zèle et dans ses lumières, nous avons pris le parti qui nous a paru le plus propre à concilier les droits de la compétence qu'elle réclame, l'intérêt des lois et celui de nos sujets, avec la nécessité où nous nous trouvons d'opposer à la fraude des moyens que rien ne pourrait suppléer. A ces causes, nous avons dit, statué et ordonné ce qui suit :

Art. Ier. Nous avons formé et établi, formons et établissons une commission de notre Conseil, qui sera composée du sieur Albert, maître des requêtes ordinaire de notre hôtel, lieutenant-général de police de notre bonne ville de Paris, et de cinq conseillers de notre Cour des aides, qui seront par nous nommés, à l'effet de connaître par voie de police et d'administration, et juger en dernier ressort, des introduction, vente, débit et colportage des tabacs de toute espèce, en bouts et en poudre, et de poudres factices, sous la déno

mination de tabacs, dans la ville de Paris et celle de Versailles, et dans l'étendue des prévôtés et vicomtés en dépendantes, leurs circonstances et dépendances, et des prévarications commises par les employés des fermes et débitants, dans l'exercice de leurs fonctions; dérogeant à cet égard à tous édits, règlements et arrêts qui pourraient y être contraires, et notamment aux arrêts de notre Conseil des 30 mai 1771 et 7 juin 1772.

II. Ordonnons que tous les particuliers qui seront arrêtés soient interrogés dans les vingt-quatre heures, et que, sur le vu de l'interrogation qui sera rapporté à la prochaine assemblée, il puisse être statué sur le sort desdits particuliers, auxquels lesdits commissaires pourront, s'il y a lieu, adjuger des dommages-intérêts.

III. Lorsque les accusés seront prévenus de crimes assez graves pour mériter peines afflictives ou infamantes, voulons que leur procès soit renvoyé pour être instruit et jugé en dernier ressort en notre Cour des aides, dans la forme ordinaire; à l'effet de quoi elle demeurera autorisée à juger en première et dernière instance. Pourront néanmoins lesdits sieurs commissaires y renvoyer telles autres affaires qu'ils jugeront à propos. Si donnons en mandement, etc.

LETTRE A M. MESSIER, de l'Académie des sciences, astronome de la marine'. (Ce 3 octobre 1775.)

M. de Condorcet a dû vous prévenir, monsieur, du projet que j'ai de faire constater par des expériences exactes la longueur précise du pendule, qui me paraît devoir servir d'étalon commun et de terme de comparaison à toutes les mesures qu'il sera facile d'y réduire. Mais, le mouvement de rotation et la figure de la terre faisant varier,

Il n'y a jamais eu une idée plus grande et plus juste, une vue plus sage pour une nation ou un gouvernement qui voulait régler les mesures et les poids en usage dans son pays, les comparer avec les poids et les mesures des autres nations, offrir au monde, sur cet article important, un principe raisonnable et invariable, que celle de chercher ce principe dans la nature. On y est parvenu en prenant pour mètre une partie aliquote d'un arc du méridien. Tel a été le résultat du beau, de l'intéressant, de l'immense travail exécuté par MM. de Lambre, Méchain, Biot et Arago.

Plusieurs savants, parmi lesquels M. Turgot doit être compté, avaient auparavant songé à employer un autre moyen, à prendre pour base un autre fait également naturel, qui pouvait être plus tôt connu, et qui est encore plus facile à vérifier en tout temps, à moins de frais. C'était la longueur du pendule à secondes, à un degré déterminé d'élévation du pôle, et particulièrement au 45o degré, terme moyen entre le pôle mère et l'équateur en faisant les observations nécessaires au niveau de la mer, à une assez grande distance des montagnes, pour que leur attraction ne pût causer dans la pesanteur une erreur sensible.

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Le parti qui depuis a été adopté a trois avantages de plus: celui d'être une trèsbelle et très-pénible opération géodésique et géographique; celui d'avoir contribué d'autant à confirmer et à étendre les connaissances qu'on avait sur la figure du sphéroïde que nous habitons; et celui de donner à chaque possesseur de terre, qui veut prendre la peine d'en faire le calcul, la satisfaction de savoir avec exactitude quelle

à raison des différentes latitudes, la pesanteur et par conséquent la longueur du pendule destiné à faire des oscillations d'une égale durée, il faut se déterminer à choisir pour mesure matrice le pendule d'une latitude déterminée.

Il ne peut y avoir de motif raisonnable de préférence que pour le pendule de l'équateur et celui du parallèle du quarante-cinquième degré. Ce dernier paraît préférable par une foule de raisons, et surtout par la facilité, que donne sa situation au milieu des contrées où les sciences fleurissent, d'en vérifier la longueur aussi commodément et aussi souvent qu'on le voudra. Nous avons même l'avantage que ce parallèle traverse la France et passe fort près de Bordeaux. Les environs de cette ville présentent, dans le Médoc, un terrain peu élevé audessus du niveau de la mer, et suffisamment éloigné de toutes les montagnes qui pourraient troubler l'action de la pesanteur : ces circonstances sont les plus favorables qu'on puisse rencontrer pour les recherches de ce genre.

Je me suis déterminé en conséquence à prier un astronome de s'y transporter, et d'y faire toutes les observations nécessaires pour constater la longueur du pendule.

Je n'ai pas cru pouvoir choisir pour ce travail personne qui réunisse plus que vous le zèle pour le progrès des sciences et le talent d'observer avec précision. M. de Condorcet m'a dit que vous ne refuseriez point d'entreprendre ce voyage. J'en ai prévenu M. de Sartine, qui veut bien vous y autoriser, et qui peut-être vous chargera de son côté de quelques commissions.

Je joins à cette lettre une esquisse d'instruction à laquelle vous ajouterez tout ce que vos réflexions pourront vous suggérer sur les moyens les plus sûrs et les plus faciles d'arriver au but. Je vous serai obligé de préparer le plus tôt qu'il vous sera possible tout ce qui est nécessaire, soit pour votre voyage, soit pour vous munir des instruments convenables. - S'il fallait quelques démarches pour vous faire

portioncule du globe terrestre lui appartient, et dans quel rapport il est copropriétaire du monde.

M. Turgot préférait la fixation de la longueur du pendule au 45o degré, comme devant être bien plus prompte, infiniment moins pénible, et beaucoup moins dispendieuse trois points qui, surtout pour un ministre d'Etat et des finances, n'étaient pas à dédaigner.

Les lettres qui suivent ont trait à cette importante opération. (Note de Dupont de Nemours.)

avoir la liberté d'emporter avec vous la pendule de M. l'abbé Chappe, vous voudrez bien me l'indiquer. Je vous envoie une lettre pour M. l'intendant de Bordeaux, afin qu'il vous procure toutes les facilités qui peuvent dépendre de lui pour remplir votre mission. Si vous avez besoin de quelque argent d'avance, soit pour l'acquisition des instruments, soit pour les frais de votre voyage, vous pouvez vous adresser à M. de Vaines, que j'ai prévenu.

Je vous prie de me marquer quand vous pourrez partir. Je suis très-parfaitement, monsieur, etc.

LETTRE A M. DE SARTINE, ministre de la marine. (Du 4 octobre 1775.)

J'ai eu l'honneur de vous prévenir, monsieur, du voyage que je propose à M. Messier pour faire, dans le Médoc, des observations propres à déterminer la longueur du pendule à secondes, et à fournir par conséquent une mesure fixe et retrouvable dans tous les temps, à laquelle on puisse comparer toutes les autres. En qualité d'astronome de la marine, il a besoin de votre agrément. Vous avez bien voulu me le promettre; vous m'avez dit qu'en même temps vous le chargeriez de quelques commissions relatives à votre département. Je vous serai obligé de vouloir bien håter l'expédition de sa permission et des instructions que vous voulez lui donner, afin que rien ne retarde son départ, et qu'il puisse profiter de la belle saison.

J'ai l'honneur d'être avec un parfait attachement, etc.

LETTRE A M. DE CLUGNY, intendant de Bordeaux. (Du 4 octobre 1775.)

Vous savez, monsieur, que, soit qu'on propose de ramener toutes les mesures à l'uniformité, soit qu'on se borne à les réduire toutes à une mesure commune par un tarif qui donne la facilité de les comparer les unes aux autres, il est également avantageux de prendre pour base invariable la longueur d'un pendule qui fasse par jour un certain nombre d'oscillations, puisque cette longueur est la seule mesure donnée par la nature, et qu'on puisse retrouver en tout temps, quand tous les anciens étalons seraient perdus. Mais, comme la longueur même du pendule n'est pas la même aux différentes latitudes, il faut prendre pour étalon commun le pendule d'une latitude déterminée. Il n'y en a point qui convienne mieux, pour réunir tous les suffrages, que le pendule du parallèle du quarante

cinquième degré, qui, outre qu'il tient le milieu entre les deux extrêmes, a l'avantage de traverser l'Europe et d'être à portée par là de toutes les nations savantes, ce qui donne la facilité de répéter commodément, et aussi souvent qu'on le voudra, les expériences. Il m'a paru intéressant de faire constater, par des observations immédiates, la longueur précise du pendule à cette latitude. La situation. du Médoc présente, assez près de Bordeaux, plusieurs circonstances très-avantageuses pour y faire ces observations avec succès, et j'ai chargé M. Messier, de l'Académie des sciences, astronome de la marine, de s'y transporter à cet effet. Il se rendra à Bordeaux, où je l'adresse à vous, afin que vous lui procuriez, pour remplir sa mission, toutes les facilités et les commodités qui dépendent de vous. Je suis très-parfaitement, etc.'.

Extrait de l'arrêt du Conseil d'Etat du 31 octobre 1775, qui ordonne dans les provinces de Flandre, Hainault et Artois l'exécution de l'édit du mois de février 1771, et des arrêts du Conseil des 6 juillet 1772 et 30 décembre 1774, concernant l'hérédité des offices et les droits casuels.

Vu par le roi, étant en son Conseil, l'édit du mois de février 1771, par lequel, à l'exception des offices dénommés en l'article 20 dudit édit, toutes les hérédités et survivances dont jouissaient les pourvus d'autres offices royaux, à quelque titre qu'elles eussent été réta–

'L'instruction sur les précautions à prendre avait été rédigée par M. Turgot et M. de Condorcet, avec les plus grandes lumières et l'attention la plus scrupuleuse. M. le président de Saron et M. Lavoisier prêtèrent à M. Messier quelques instruments d'une rare perfection. M. Lennel fut chargé de préparer et de diviser une lame d'argent qui parut nécessaire, et deux niveaux d'air exécutés avec un extrême soin. Mais un accident auquel on n'aurait pas dû s'attendre retarda le départ de l'académicien. On avait compté sur l'excellente pendule faite par M. Ferdinand Berthoud pour le voyage de M. l'abbé Chappe, et dont M. Turgot parlait dans sa lettre. Cette pendule était à l'Observatoire. Elle n'y marchait point; mais on croyait que, pour la remettre en état, il suffisait de la nettoyer. C'était tout autre chose. Après la mort de l'abbé Chappe cette pendule avait fait plusieurs chutes, dont une dans la mer. Un horloger peu instruit l'avait fort mal réparée. Elle avait des pièces faussées, d'autres entièrement détruites par la rouille. Il fallait la refaire.

Dans un pays où les grands artistes ne manqueraient point de capitaux, on trouverait des horloges du premier ordre et d'autres instruments tout prêts, ou qui ne demanderaient qu'à recevoir un dernier coup de main : ce n'a jamais été notre position. M. Berthoud eut besoin de six mois pour donner une autre horloge égale à la première. — M. Turgot fut disgracié, et le projet de constater la longueur du pendule au 45 degré abandonné avant que M. Messier eût pu partir.

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On ne sait point assez combien est à déplorer la perte d'un grand homme occu

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