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de mendier même dans la paroisse de son domicile, et ceux qui mendieront seront arrêtés par les cavaliers de la maréchaussée, de la même manière que l'instruction du 10 août prescrit d'arrêter les mendiants de profession.

II. Ils ne pourront cependant être arrêtés que dix jours après que les ordres et les instructions, donnés dans chaque paroisse pour assurer la subsistance des pauvres, auront été exécutés, ce dont les cavaliers auront soin de s'instruire par la voie de MM. les curés.

III. Comme on peut toujours retrouver des mendiants domiciliés et connus, et comme il est moins question de les punir d'avoir mendié que de les empêcher de mendier à l'avenir; comme il serait, d'ailleurs, inutile et dispendieux de remplir les dépôts d'une foule de gens qui seraient disposés à quitter la vie mendiante, les officiers et cavaliers de la maréchaussée ne doivent point conduire dans les prisons ceux qu'ils auraient arrêtés, par la seule raison qu'ils les auraient trouvés mendiant. Ceux à qui il n'y aurait d'autre reproche à faire que d'avoir été trouvés mendiant, doivent être remis en liberté, à la charge de ne plus mendier, et en les prévenant que, s'ils y retournent, ils seront arrêtés de nouveau et conduits dans les dépôts.

IV. Il doit néanmoin sêtre dressé procès-verbal de leur capture, et des éclaircissements qui auront été pris sur leur nom, leur domicile et leur état, ainsi que l'article II de l'instruction du 1er août 1768 le prescrit relativement aux mendiants domiciliés, qui n'étaient point dans le cas d'être emprisonnés, mais dont l'état devait être constaté.

V. En effet, s'ils sont repris de nouveau, ils seront conduits dans les prisons, et l'on suivra contre eux la forme de procéder prescrite, par les instructions précédentes, vis-à-vis des mendiants de profession.

VI. Ceux qui seront connus dans leur paroisse pour mauvais sujets, mendiants opiniâtres ou insolents, se refusant aux occasions de travailler, et déterminés à continuer de mendier, doivent être, dès la première fois, traités en mendiants de profession; mais, comme les cavaliers ne peuvent les connaître, ils doivent demander aux subdélégués et aux officiers chargés de la police dans les villes, et aux curés dans les campagnes, des informations sur les particuliers qui ont mérité ces notes, afin d'arrêter ceux qui leur seront indiqués.

VII. En se concertant ainsi avec les fonctionnaires publics de chaque lieu, l'on ne risquera point de confondre les bons et véritables pauvres avec les mendiants volontaires.

VIII. Conformément aux instructions et aux ordonnances qui ont été données dans toutes les paroisses pour subvenir aux besoins des pauvres domiciliés, les pauvres étrangers doivent être renvoyés dans le lieu de leur domicile ordinaire, et il doit leur être fourni de quoi subsister pendant la route, au moyen de quoi il ne leur sera pas permis de mendier, et ceux qui seraient surpris mendiant doivent être arrêtés par la maréchaussée.

IX. Ces pauvres doivent être munis de certificats des curés ou des préposés du bureau de charité de la paroisse d'où on les renvoie, ou de routes délivrées par les subdélégués. Ces certificats et ces routes feront toujours mention du secours qu'ils ont reçu, du lieu d'où ils sont partis et de celui où ils doivent se rendre. Les cavaliers doivent veiller avec le plus grand soin à ce que ces hommes ne s'écartent pas de la route qui leur est indiquée.

X. Au surplus, les deux instructions précédentes, du 1er août et du 20 novembre 1768, continueront d'être exécutées dans tous les points auxquels il n'est point dérogé par la présente.

Les personnes chargées de concourir à l'exécution des ordres de Sa Majesté concernant les mendiants et vagabonds se conformeront, chacune pour ce qui la regarde, à l'instruction ci-dessus. Fait à Limoges, le 19 février 1770.

VI. ARRÊT DU CONSEIL D'ÉTAT DU ROI

QUI ORDONNE QUE, SANS S'ARRÊTER A L'ARRÊT DU PARLEMENT DE BORDEAUX DU 17 JANVIER 1770, IL SERA LIBRE A TOUTES PERSONNES de vendre leurs grains dans LES PROVINCES DU LIMOUSIN ET DU PÉRIGORD, TANT DANS LES GRENIERS QUE DANS LES MARCHÉS, EN EXÉCUTION DE LA DÉCLARATION DU 25 mai 1763 et de L'ÉDIT DU MOIS de juillet 17641. (19 février 1770.)

(Extrait des registres du Conseil d'État. )

Le roi s'étant fait représenter l'arrêt rendu par son Parlement de Bordeaux le 17 janvier 1770, par lequel ce Parlement a non-seu

' Voyez, dans le tome II, Actes du ministère de Turgot, l'ensemble des dispositions relatives à la liberté du commerce des grains.

lement ordonné que tous marchands de blé, fermiers, régisseurs, propriétaires et décimateurs des provinces du Limousin et du Périgord, sans exception d'état, qualité ou condition, feront porter d'ici au 15 juillet prochain, successivement et chaque semaine, dans les marchés des lieux, quantité suffisante de blés de toute espèce pour l'approvisionnement desdits marchés, eu égard à celles qu'ils ont en leur pouvoir, et sur icelles préalablement prise la provision nécessaire pour eux, leur famille et leur maison; mais a fait inhibitions et défenses à toutes sortes de personnes, de quelque état et condition qu'elles soient, de vendre en gros ou en détail lesdits grains dans leurs greniers, ni ailleurs que dans lesdits marchés; sa Majesté a reconnu que les moyens pris par son Parlement de Bordeaux, pour soulager le peuple et lui procurer l'abondance nécessaire, sont contraires aux vues de bien public dont ce Parlement est animé; que la nécessité imposée à toutes personnes de porter aux marchés les grains qui leur appartiennent, et sur lesquels ils ne pourraient prélever que leur provision, en répandant l'alarme et la terreur, déterminerait les propriétaires de grains à employer tous les moyens et détours possibles pour cacher leurs grains et éluder l'exécution de l'arrêt, et produirait nécessairement le resserrement que cette Cour a voulu prévenir; que d'ailleurs la rareté de la denrée, occasionnée dans ces provinces par la médiocrité des dernières récoltes, est suffisamment réparée par l'activité du commerce, qui y fait importer les grains dont elles peuvent avoir besoin, et que, si les frais indispensables de transport en augmentent le prix, Sa Majesté a fait verser dans le Limousin des fonds de son Trésor royal, pour occuper le peuple, suivant les différents âges et métiers, à des ouvrages publics, assurer par ce moyen et multiplier ses salaires, et le mettre dans la possibilité d'acheter les grains au prix où les frais nécessaires pour les faire arriver jusqu'à lui les auraient fait monter; mais que les défenses de vendre ailleurs qu'aux marchés détourneraient les commerçants par lesquels ces importations utiles de grains sont faites, et qui ne cherchent que le prompt débit dans la vente, et l'épargne des frais de magasin et de manutention auxquels ils seraient sujets s'ils étaient obligés à porter en détail et par parcelles dans les marchés, et feraient enfin tomber nécessairement le peuple de ces provinces dans la disette dont le Parlement de Bordeaux a voulu le garantir. A quoi étant nécessaire de pourvoir, ouï le rapport du sieur abbé

Terray, etc., le roi étant en son Conseil, ordonne que, sans s'arrê— ter à l'arrêt du Parlement de Bordeaux du 17 janvier dernier, la déclaration du 25 mai 1763, et l'édit du mois de juillet 1764, et notamment les articles Ier et II de ladite déclaration, seront exécutés suivant leur forme et teneur; en conséquence, qu'il sera libre à toutes personnes de vendre leurs grains dans le Limousin et le Périgord, tant dans les greniers que dans les marchés, lors et ainsi que bon leur semblera, conformément et aux termes dudit art. Ier de la déclaration du 25 mai 1763. Fait très-expresses inhibitions et défenses à tous ses juges et à ceux des seigneurs d'exécuter ledit arrêt du Parlement de Bordeaux. N'entend néanmoins Sa Majesté, par le présent arrêt, rien changer aux règlements de police et usages anciennement observés, tendant uniquement à entretenir l'ordre, la tranquillité et la sûreté dans les marchés. Enjoint aux sieurs intendants et commissaires départis dans les généralités de Bordeaux et de Limoges, de tenir la main à l'exécution du présent arrêt, qui sera lu, publié et affiché partout où besoin sera.

Fait au Conseil d'État du roi, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le 19 février 1770.- Signé BERTIN'.

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Il ne faut pas blâmer en tout le Parlement de Bordeaux. S'il s'était permis un arrêt imprudent, il en avait aussi rendu un autre très-raisonnable pour autoriser et même ordonner en chaque paroisse des assemblées qui se tiendraient les dimanches, de quinzaine en quinzaine, et où seraient invités les ecclésiastiques, les seigneurs, les bourgeois les plus distingués, afin d'aviser aux moyens de soulager les pauvres, de leur procurer du travail, de les nourrir jusqu'à la récolte, par des contributions dont aucun ordre de citoyens ne serait exempt.

Dans le réquisitoire du procureur général (M. Dudon), qui motiva et détermina cet arrêt, on trouve ces paroles :

« Il n'est point d'éloges que ne mérite surtout la conduite éclairée, sage et prévoyante de M. Turgot, commissaire départi dans la généralité de Limoges, au zèle et à l'activité duquel cette province doit les secours qu'elle a déjà reçus de la bonté du roi. >

La première assemblée eut lieu à Limoges, le 11 février. On y fit lecture de l'Instruction que M. Turgot avait rédigée pour être distribuée dans toute la généralité. (Voyez plus haut, no Ier.) (Note de Dupont de Nemours.)

Afin d'y réussir, il est absolument nécessaire de trouver quelque négociant qui fasse filer pour son propre compte, et qui se charge de fournir les matières et même les rouets, ce détail étant trop compliqué pour que je puisse le suivre, ni même le faire suivre de Limoges. Je fournirai cependant volontiers quelques secours pour cette opération, si je puis être assuré qu'ils seront employés utilement. Vous m'obligerez de vous occuper très-sérieusement de cet objet, et de vous concerter soit avec les négociants ou fabricants que vous saurez être à portée de faire filer, soit avec les curés ou autres personnes intelligentes des paroisses où la filature peut s'étendre avec avantage. Vous voudrez bien en même temps me mander l'espèce et la quantité des secours qu'il vous paraîtrait convenable d'accorder : vous pourrez suivre cette correspondance avec M. Desmarets, ainsi que je l'indique dans l'Instruction.

Je ne m'éloignerai même pas de faciliter encore par quelques secours l'introduction des fabriques de siamoises et autres petites étoffes dans les campagnes ou dans les petites villes, si, par la connaissance que vous avez du local, ou par les lumières que vous donneront les négociants auxquels vous vous adresserez, vous vous apercevez que cette idée soit praticable. Je vous prie de me le mander, et d'entrer en même temps dans le détail des moyens que vous jugerez propres à en assurer le succès.

Le post-scriptum qui est à la fin de ma lettre du 10 février mérite une attention particulière de votre part, et je vous prie de faire dresser de votre côté un état des paroisses de votre subdélégation dans lesquelles il y a des aumônes régulieres et fondées, soit en argent, soit en grains, et de vous mettre, par tous les moyens que vous pourrez imaginer les plus sûrs, en état de remplir ce que je demande aux curés dans ce post-scriptum.

Je ne pense pas avoir rien de plus à vous marquer quant à présent sur l'opération du soulagement des pauvres je ne puis trop vous recommander d'y donner tous vos soins, et de m'instruire exactement du succès qu'elle aura dans les différentes parties de votre subdélégation.

J'ai l'honneur d'être, etc.

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