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qu'elle est déterminée à ne plus accorder à l'avenir aucune de ces faveurs particulières à des personnes étrangères à la ferme générale, regardant ces sortes de grâces comme aussi dangereuses pour ses fermes et pour le maintien du crédit de ses finances, que contraires à votre intérêt légitime; et, si le respect de Sa Majesté pour les volontés de son aïeul, et surtout son attachement inviolable à toute espèce d'engagement, ne lui permettent pas de revenir à présent contre les arrangements qui ont été pris et qui portent l'empreinte des volontés du feu roi, la connaissance que vous avez de ses intentions pour l'avenir doit vous rassurer sur le danger des conséquences.

L'intention du roi est qu'il ne soit plus à l'avenir accordé aucune place de fermier général qu'à des personnes qui auront occupé pendant plusieurs années des emplois supérieurs de la ferme générale, et qui soient jugées utiles à la chose par les témoignages de plusieurs d'entre vous. Sa Majesté n'aura, dans la nomination de ces places, aucun égard aux bons qui auraient été accordés, à moins que les personnes qui les ont obtenus ne se trouvent dans le cas dont je viens de vous parler, et il n'en sera plus accordé de nouveaux.

Les fils de fermiers généraux ne seront appelés à l'adjonction des places de leurs pères que lorsqu'ils auront acquis au moins l'âge de vingt-cinq ans, et qu'ils auront été éprouvés dans les différents emplois où ils auront donné des preuves de capacité; et les étrangers ne pourront obtenir ces adjonctions que lorsqu'il sera reconnu que la partie à laquelle ils proposeront de s'attacher aura besoin de secours, et qu'ils pourront y être véritablement utiles.

Les fermiers généraux et leurs croupiers qui n'auront pas fait la totalité de leurs fonds dans l'époque qui a été fixée, seront privés de la portion d'intérêt correspondante au déficit de ces fonds, et ces portions d'intérêts seront distribuées entre les fermiers-généraux ou adjoints qui n'ont que des portions de places, et dont le travail mérite une augmentation de traitement. — Telles sont, messieurs, les intentions du roi, dont Sa Majesté a voulu que vous fussiez instruits. Soyez sûrs que je ne m'écarterai pas, dans les propositions que je lui ferai, des règles qu'elle m'a prescrites.

Je suis, messieurs, entièrement à vous.

LETTRE CIRCULAIRE aux intendants sur les octrois municipaux'.
(Paris, 28 septembre 1774.)

Monsieur, je me suis aperçu qu'il n'y avait rien de plus irrégulier, en général, que la perception des droits d'octroi levés dans les villes et communes. Plusieurs d'entre eux sont établis sur des titres dont la plupart manquent des formes légales, et qui ont de plus le défaut d'être conçus en termes vagues, incertains, qu'on est presque toujours obligé d'interpréter par des usages qui varient suivant que les fermiers sont plus ou moins avides, ou suivant que les officiers municipaux sont plus ou moins négligents. Il en résulte une multitude de procès également désavantageux aux particuliers et aux communautés. Un autre vice assez général de ces tarifs est d'assujettir à des droits très-légers une foule de marchandises différentes, ce qui en rend la perception très-minutieuse et très facile à éluder, à moins de précautions rigoureuses qui deviennent fort gênantes pour le commerce. Il règne enfin, dans presque tous les tarifs des droits d'octroi, un troisième vice plus important à détruire, c'est l'injustice avec laquelle presque tous les bourgeois des villes auxquelles on a cru pouvoir accorder des octrois, ont trouvé le moyen de s'affranchir de la contribution aux dépenses communes, pour la faire supporter aux moindres habitants, aux petits marchands et aux proprié taires ou aux pauvres des campagnes.

Les droits d'octroi ont été établis pour subvenir aux dépenses des villes; il serait donc juste que les citoyens des villes, pour l'utilité desquels se font ces dépenses, en payassent les frais. Ces droits ont toujours été accordés sur la demande des corps municipaux : le gouvernement n'a peut-être pas pu se livrer à un grand examen sur les tarifs qui lui ont été proposés; aussi est-il arrivé presque partout qu'on a chargé par préférence les denrées que les pauvres consomment. Si, par exemple, on a mis des droits sur les vins, on a eu soin de ne les faire porter que sur celui qui se consomme dans les cabarets, et d'en exempter celui que les bourgeois font entrer pour leur consommation. On a exempté pareillement toutes les denrées que les bourgeois font venir du crû de leurs biens de campagne; ainsi, ceux qui profitent le plus des dépenses

'Cette lettre diffère peu, tant pour le fond que pour la forme, de celle écrite par Turgot à l'abbé Terray, le 9 novembre 1772. - Voyez plus haut, page 111 de ce volume. (E. D.)

communes des villes sont précisément ceux qui n'y contribuent en rien, ou presque point. Ces dépenses se trouvent payées dans le fait, ou par ceux qui n'ont pas de biens-fonds dans la ville, et que leur pauvreté met hors d'état de s'approvisionner en gros, ou par les habitants des campagnes, dont les denrées chargées de droits se vendent toujours moins avantageusement.

Il résulte de ces observations, monsieur, qu'il serait important, en cherchant à régler convenablement la perception des droits d'octroi, d'en corriger les tarifs; de fixer les droits d'une manière claire et précise, qui prévienne les interprétations arbitraires et les contestations qui en naîtraient; de les simplifier, en ne les faisant porter que sur un petit nombre de denrées d'une consommation générale, assez précieuses pour que l'augmentation résultant du droit soit peu sensible, et pour que la charge en tombe principalement sur les plus aisés, et assez volumineuses pour qu'il ne puisse y avoir lieu à la fraude; enfin, de supprimer les priviléges odieux que les principaux bourgeois se sont arrogés au préjudice des pauvres et des habitants des campagnes.

Pour parvenir à ce but, il est nécessaire que vous vous fassiez remettre par toutes les villes et lieux de votre généralité, et par les administrateurs des hôpitaux qui jouissent de droits d'octroi et autres, perceptibles sur les denrées et marchandises et sur tous les autres objets quelconques, tous les titres qui les établissent et en vertu desquels ils se lèvent; les tarifs de ces droits sur chaque espèce d'objets, avec les modifications que l'usage a pu introduire dans la perception, en y ajoutant encore le détai! des exceptions ou priviléges, et les titres, s'il y en a, qui établissent ces priviléges; enfin, l'état des charges et dépenses des villes assignées sur le produit de ces droits. Vous fixerez un terme à ladite remise, et vous aurez soin de m'informer si on y a satisfait. Lorsque vous aurez toutes les pièces et autres éclaircissements nécessaires, vous enverrez votre avis sur l'utilité plus ou moins grande des perceptions de ces divers droits relativement aux besoins des villes et communes qui en jouissent, et même à ceux des hôpitaux, ainsi que sur les droits qu'il pourrait être avantageux de supprimer et sur ceux par lesquels on pourrait les remplacer, pour procurer aux villes et aux hôpitaux le même revenu d'une manière plus simple et moins onéreuse au commerce, et sur les différents priviléges qu'il pourrait être juste d'abroger ou

de conserver. Je me déciderai ensuite relativement à la perception, et aux règles que je proposerai au roi d'établir pour rendre cette perception égale, et à la charge de tous ceux qui doivent y contribuer.

Vous savez, monsieur, qu'une partie des droits établis dans les villes se perçoit au profit du roi à titre d'anciens octrois, d'octrois municipaux et d'octrois tenant lieu du don gratuit; il faudra comprendre ces droits dans l'état à faire, afin d'y réunir ceux qui se lèvent sur les mêmes objets.

Quant à l'emploi des revenus des villes et communautés, il me paraît également nécessaire de le soumettre à des règles qui puissent empêcher le divertissement des deniers. Plusieurs doivent compter de leurs revenus aux bureaux des finances et aux Chambres des comptes dans les délais fixés; la plupart négligent de le faire. Les administrateurs, s'ils ne sont pas titulaires, se succèdent et gardent par devers eux les pièces justificatives de leurs comptes; ils décèdent, les pièces s'égarent; et, lorsque le ministère public s'élève pour forcer de rendre les comptes, il devient très-difficile, pour ne pas dire impossible, de le faire. Alors ces comptes occasionnent des frais considérables, et souvent ils ne produisent rien d'avantageux, parce que le laps de temps qui s'est écoulé ne laisse plus la possibilité d'exercer de recours contre les comptables.

Pour prévenir la dissipation des deniers, je regarde, monsieur, comme indispensable de fixer par des états les charges et dépenses annuelles dont les villes et communautés sont chargées, et au delà desquelles les administrateurs ne pourront, sous peine d'en demeurer personnellement garants, rien payer. Lorsqu'il s'agira d'une nouvelle dépense annuelle, elle sera ajoutée à l'état qui aura déjà été arrêté, et ainsi successivement. Quant aux autres dépenses de la nature de celles qui doivent être autorisées par le Conseil, on s'y pourvoira en la forme ordinaire; et il y sera statué sur votre avis, en justifiant toutefois par vous que la ville sera en état de faire cette dépense, soit de réparation, soit de construction nouvelle, et en joignant à votre avis le tableau de la situation des revenus de la ville. Je pense aussi qu'il est bon que, sans attendre les délais dans lesquels les comptes doivent être rendus aux bureaux des finances et aux Chambres des comptes, les villes et communes fassent dresser tous les ans, par leurs administrateurs, des brefs-états de compte

par

le corps

munici

de leur maniement, lesquels seraient certifiés pal, et qu'il soit tenu de remettre les pièces justificatives de ces comptes dans les archives de la ville ou de la communauté, sans que les administrateurs puissent garder ces pièces de comptabilité par devers eux, non plus que les titres des biens ou revenus, sans cause dûment approuvée par vous, monsieur au moyen de ces états, les comptes seront faciles à rendre. Il me semble que, tenant la main à cette opération dans chaque département, il est possible qu'elle soit faite avec exactitude.

S'il est nécessaire, comme je viens de l'exposer, de vérifier la perception des droits dans les villes, et de la régler d'une manière moins onéreuse aux habitants des campagnes, il n'est pas moins nécessaire de veiller à ce que l'emploi du produit se fasse avec la plus grande économie. Le défaut d'attention sur cet objet important conduirait insensiblement toutes les villes du royaume à la destruction de leurs revenus; bientôt elles ne pourraient plus suffire aux payements des charges les plus privilégiées, et le gouvernement, vu la multiplicité des secours en tout genre qu'il leur accorde depuis nombre d'années, finirait par n'avoir plus les moyens de les secou

rir.

Vous voudrez bien, monsieur, faire les réflexions que j'ai lieu d'attendre de vous pour le service du roi sur tous les objets que contient cette lettre, et m'adresser vos observations aussi promptement qu'il vous sera possible. Je suis, etc.

EXTRAIT DE L'ÉDIT portant suppression des offices d'intendants du commerce, vacance arrivant d'iceux. ( Donné à Versailles au mois de novembre 1774, registré en la Chambre des comptes le 7 mars 1776.)

LOUIS, etc. Nous nous sommes fait remettre sous les yeux, en notre Conseil, l'édit du mois de juin 1724, portant création de quatre offices d'intendants du commerce: nous avons reconnu que ceux qui sont actuellement revêtus de ces offices en avaient toujours dignement rempli les fonctions; mais nous avons été aussi informés que, lors de la vacance de l'un desdits offices, il s'était présenté plusieurs sujets qui, par leurs connaissances et leurs talents, auraient été très-utiles pour l'administration du commerce de notre royaume, et qu'ils avaient été détournés d'en solliciter l'agrément, parce que leur fortune ne leur avait pas permis de faire le sacrifice de la

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