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rière plus utile contre le faux saunage, que toutes les saisies qu'ils pourraient faire, et tous les commis armés qui ne pourraient s'opposer qu'imparfaitement à des fraudeurs actifs et industrieux, et qui ne peuvent arrêter leurs entreprises téméraires que par la force, et quelquefois aux dépens de la vie des sujets de Sa Majesté; qu'enfin c'était là le grand avantage qu'ils trouveraient à l'exécution de l'arrêt dont on demandait la révocation, et qu'il était de beaucoup préférable au bénéfice cependant très-réel qu'ils trouveraient dans les moyens économiques de faire eux-mêmes ces fournissements; soutenant, au surplus, que les provinces rédimées de gabelle avaient très-grand tort de se plaindre des dispositions de l'arrêt du 3 octobre 1773, qui, bien loin, ont-ils dit, de porter atteinte à leurs priviléges, les confirme au contraire authentiquement; que la régie des dépôts pouvait être en effet regardée comme gênante, mais qu'elle était depuis longtemps établie, et absolument nécessaire pour préserver le pays de vente exclusive des versements frauduleux qui détruiraient en peu de temps cette branche des revenus de l'État; que, cette régie une fois établie, il devait être absolument indifférent aux ressortissants de bonne foi, que le sel qu'ils consommeront leur soit délivré par les minotiers ou par le fermier, pourvu qu'il ne soit pas plus cher; à quoi, ont ajouté les fermiers-généraux, il a été pourvu, en ordonnant que ce prix sera toujours réglé par le juge sur celui des salorges les plus prochaines; qu'il était même vraisemblable que le sel y serait de meilleure qualité, parce qu'eux, fermiers-généraux, ont pour cela bien plus de facilités que les minotiers, dont le débit se réduit à 1,275 minots chacun par an; qu'ils en ont la preuve dans les quatre dépôts qu'ils fournissent depuis dix ans, qui n'ont donné lieu à aucune plainte, ni sur la qualité, ni sur le prix du sel; que les prix y ont même été au-dessous de ce qu'ils étaient dans les autres dépôts voisins. Ils ont de plus représenté que, par la vigilance de leur régie, ils se trouveraient dans le cas de donner aux ressortissants des dépôts des facilités dont ils ne peuvent jouir dans la position actuelle des choses, et ajouté que ces facilités se trouvent établies par l'arrêt du 18 avril de cette année, rendu sur les représentations même des habitants, qui ont depuis porté leurs plaintes à Sa Majesté contre celui du 3 octobre 1773. Quant à la disposition de ce dernier arrêt, dont on se plaint, qui a privé les villes de Riom et d'Aubusson du droit de faire le commerce du sel, ils ont assuré

que cette facilité aurait les plus grands inconvénients pour la ville de Riom; que d'ailleurs l'intérêt de cette ville à conserver cette faculté était médiocre, puisque le nombre des marchands de cette denrée est actuellement réduit à quatre dans cette ville. A l'égard de celle d'Aubusson, ils conviennent que les choses peuvent être envisagées sous un point de vue différent, et ne contredisent pas la vérité de la plupart des raisons alléguées par les habitants de cette ville. Par ces raisons, eux, fermiers-généraux, suppliaient très-humblement Sa Majesté de considérer que, dans la crainte de compromettre son autorité, ils avaient fait arrêter les sels qu'ils avaient demandés dans les endroits où ils se trouvaient, ce qui leur avait occasionné des frais d'emmagasinage; de loyers et de voitures extraordinaires; que ces dépenses et toutes les autres qu'ils avaient déjà faites, sur la foi des deux arrêts du Conseil du feu roi, des 3 octobre 1773 et 18 avril dernier, leur faisaient espérer que Sa Majesté ne voudrait pas les dépouiller d'un droit qui paraît leur être acquis par ces arrêts et par leur bail, sans les indemniser de toutes ces dépenses et de la somme dont ils comptaient bénéficier sur le fournissement dont il s'agit, et surtout de l'avantage inestimable pour eux de diminuer la fraude considérable qui nuit au produit des droits de gabelle qui leur sont affermés.

Et Sa Majesté, après s'être sur le tout fait représenter ledit arrêt du 3 octobre 1773, il lui a paru que son exécution, si elle avait lieu, causerait un préjudice notable à ses provinces d'Auvergne, du Limousin, et autres rédimées des droits de gabelle; et qu'il était de sa justice de les maintenir dans leurs priviléges, et d'avoir en même temps égard aux demandes en indemnité formées par les fermiersgénéraux. A quoi voulant pourvoir :

Vu sur ce les articles I, II et IV du titre XVI de l'ordonnance des gabelles du mois de mai 1680, le roi étant en son Conseil, a révoqué et révoque ledit arrêt du 3 octobre 1773. Veut Sa Majesté qu'il demeure comme non avenu, et tout ce qui s'en est ensuivi; ordonne en conséquence que les fournisseurs et minotiers des dépôts établis dans les provinces rédimées des droits de gabelle continueront d'approvisionner lesdits dépôts comme auparavant ledit arrêt, et qu'à cet effet ils seront tenus de se charger des approvisionnements en sels faits par l'adjudicataire des fermes, à la destination desdits dépôts, et de lui en rembourser le prix, ainsi et de la même manière que cela s'est pratiqué par le passé, et relativement au prix auquel il a été vendu dans les salorges les plus voisines, et à celui de la voiture desdites salorges dans les dépôts, en accordant auxdits minotiers un bénéfice de 20 sous par minot.

Ordonne en outre Sa Majesté que ledit adjudicataire des fermes sera pareillement remboursé, par qui et ainsi qu'il sera par elle ordonné, des frais par lui faits pour loyers de greniers ou dépôts et autres frais extraordinaires relatifs aux approvisionnements par lui faits pour la fourniture desdits dépôts, et ce suivant la liquidation qui en sera faite par Sa Majesté sur les états que ledit adjudicataire des fermes sera tenu d'en remettre incessamment au sieur contrôleur-général des finances; se réservant au surplus Sa Majesté de statuer, s'il y a lieu, sur l'indemnité qui peut être due audit adjudicataire des fermes, à raison de la non-jouissance du fournissement desdits dépôts, et ce après la vérification qui en sera faite pendant la durée ou à la fin de son bail.

EXTRAIT DE L'ARRÊT DU CONSEIL D'ÉTAT, du 27 novembre 1774, qui ordonne que les ecclésiastiques constitués dans les ordres sacrés, qui font partie du clergé de France, et qui seront de condition roturière, continueront de jouir, tant pour les biens de leurs bénéfices que pour leurs biens patrimoniaux, de l'exemption du droit de franc-fief, lequel ne sera exigible et payé que pour raison des biens nobles qu'ils ont acquis ou qu'ils pourront acquérir à l'avenir.

Le préambule de cet arrêt vise: 1o le cahier de l'assemblée du clergé de France tenue en 1770,

Suppliant le roi de vouloir bien maintenir et confirmer les ecclésiastiques constitués dans les ordres sacrés, qui ne sont pas de condition noble, dans l'exemption du droit de franc fief, tant pour leurs biens d'acquêts que pour leurs biens patrimoniaux.

2o Le Mémoire des agents généraux du clergé, disant :

Que l'exemption que le clergé réclame tire sa source de la nature même du droit de franc fief, qui, n'ayant été établi dans l'origine que pour relever le possesseur roturier d'un fief de l'incapacité de le posséder, ne peut être dû par les ecclésiastiques, dans lesquels cette incapacité n'existe pas les ecclésiastiques sont exempts de toutes les charges et impositions dont les personnes nobles sont exemptes; la promotion aux ordres sacrés efface en eux la tache de la roture, les élève au premier rang des citoyens, les rend membres d'un corps qui a le droit de précéder la noblesse, et dès lors une taxe dérogeante, telle que le droit de franc fief, ne peut que leur être étrangère. Dans le contrat passé avec le roi en 1561, en conséquence de la subvention accordée par l'Assemblée de Poissy, Sa Majesté promit qu'il ne serait levé sur le clergé aucuns droits de franc fief'.

Ce contrat, le plus ancien de ceux que les agents généraux du clergé invoquassent, montre que jusqu'alors on exigeait le franc-fief des ecclésiastiques non nobles; et que la première exemption qu'ils en ont eue a été la suite d'un contrat motivé par une subvention. (Note de Dupont de Nemours.)

Les agents généraux du clergé citent ensuite les lettres-patentes du 15 octobre 1567, la déclaration du 30 octobre 1571, les lettres-patentes des 20 mars et 25 août 1577, les déclarations des 1er mai 1596 et 9 décembre 1606, les lettres-patentes du 21 juillet 1609, les déclarations des 28 février 1640 et 24 juin 1641, l'arrêt du Conseil du 13 janvier 1657, la déclaration du 8 février même année, les contrats entre le roi et le clergé des années 1666 et 1675, l'arrêt du Conseil du 1er juin 1678, les contrats conformes entre le roi et le clergé qui ont eu lieu dans les années 1685, 1695, 1705, 1715, 1726, 1735 et 1745, le règlement du 13 avril 1751, les contrats plus modernes de 1755 et 1765. Ils argumentent sur les dispositions de ces différents actes. Le Conseil vise ensuite le Mémoire des fermiers-généraux, qui exposent:

Que, suivant les lois et les maximes du royaume, tout roturier étant incapable de posséder des fiefs et des biens nobles, ne peut être relevé de cette incapacité que par le payement du droit de franc fief; que les ecclésiastiques qui ne sont pas nobles, sont soumis à l'exercice de ce droit comme les autres sujets de Sa Majesté; que les priviléges particuliers obtenus par le clergé en différents temps et en considération des secours en argent qu'il fournissait, priviléges toujours limités à des temps fixes ou à certaines espèces de biens, confirment le principe et l'assujettissement au droit; que c'est une erreur de prétendre que les ecclésiastiques, par leur qualité seule, participent à tous les avantages de la noblesse; que la réclamation même d'un privilége d'exemption en faveur des ecclésiastiques suffit pour prouver le contraire; que les personnes nobles ne sont point. dans le cas de solliciter un semblable privilége, et n'ont jamais eu besoin de lois pour être affranchies d'un droit auquel les roturiers seuls ont été assujettis; que, d'ailleurs, si l'admission aux ordres sacrés conférait les avantages et les priviléges de la noblesse, l'exemption du droit de franc fief serait générale pour tous les diocèses, et que cependant il y en a neuf dans le royaume qui y sont assujettis pour tous les biens nobles qu'ils possèdent; que les seuls ecclésiastiques faisant partie du clergé de France ont été admis à jouir des priviléges limités que le roi a bien voulu leur accorder en considération de leurs contributions aux secours donnés par le clergé; que ces priviléges, bornés d'abord aux biens amortis et à ceux payant décimes, ont été, par les tentatives continuelles du clergé, successivement étendus pour des temps fixes aux biens particuliers des ecclésiastiques, et enfin limités pour cette dernière partie à leurs biens patrimoniaux.

Ils suivent la gradation des concessions et en développent les motifs pour en fixer l'étendue : c'est un morceau historique, assez long et très-curieux, mais qui n'a point de rapport avec l'objet de ce recueil, uniquement destiné aux œuvres de M. Turgot.

Les fermiers-généraux y établissent qu'on a toujours distingué les droits de franc fief des biens patrimoniaux, de ceux sur les biens de nouvel acquêt.

Et, Sa Majesté s'étant fait représenter le règlement du 13 avril 1751, par l'article XVI duquel les ecclésiastiques constitués dans les ordres sacrés qui font partie du clergé de France ont été déclarés exempts des droits de francs fiefs, tant pour les biens nobles dépendant de leurs bénéfices que pour leurs biens patrimoniaux, Sa Majesté a reconnu que cette dernière exemption, restreinte aux seuls biens que les ecclésiastiques tiennent de la loi et de la nature, peut d'autant moins s'appliquer à ceux dont ils deviennent propriétaires autrement qu'à titre successif, que les biens qu'ils acquièrent ne leur passent que par l'effet d'une détermination libre et volontaire qui les soumet nécessairement, lorsqu'ils ne sont pas de condition noble, à toutes les charges imposées sur ce genre de bien. Et, comme en les maintenant dans la jouissance du privilége particulier qui leur a été accordé relativement à leurs biens patrimoniaux, l'intention de Sa Majesté n'est cependant pas que l'on puisse abuser de cette grâce, ni qu'on lui donne une extension qui serait contraire aux termes mêmes de la concession qui a été faite au clergé, Sa Majesté a cru devoir expliquer plus particulièrement ses intentions sur l'étendue et les justes bornes de ce privilége, à l'effet de faire cesser les incertitudes et les doutes qui paraissent s'être élevés sur cet objet, quoique par lui-même il n'en fût pas susceptible. A quoi désirant pourvoir ouï le rapport du sieur Turgot, etc., le roi, étant en son Conseil, a ordonné et ordonne

Que l'article XVI du règlement du 15 avril 1751 sera exécuté selon sa forme et teneur; en conséquence, que les ecclésiastiques constitués dans les ordres sacrés qui font partie du clergé de France, et qui seront de condition roturière, continueront de jouir de l'exemption du droit de franc fief, tant pour les biens nobles dépendant de leurs bénéfices que pour leurs biens patrimoniaux seulement. Et à l'égard des fiefs, terres et autres héritages nobles qu'ils ont acquis ou qu'ils pourront acquérir à l'avenir, veut et entend Sa Majesté qu'ils soient tenus d'en payer le droit de franc fief, à compter du jour de leurs acquisitions, sur les déclarations exactes qu'ils passeront de leur consistance, situation, valeur et revenu, conformément à l'article XXI du même règlement.

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