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monde, a rendue le rendez-vous de toutes les nations de l'Europe; cette ville, dont toutes les provinces qui peuvent vendre leurs denrées en concurrence des siennes sont forcées d'emprunter le port, et ne peuvent en faire usage sans payer à l'industrie de ses habitants un tribut qui ajoute à son opulence; Bordeaux, enfin, dont la prospérité s'accroît en raison de l'activité, de l'étendue de son commerce, et de l'affluence des denrées qui s'y réunissent de toutes parts, ne peut avoir de véritable intérêt à la conservation d'un privilége qui, pour l'avantage léger et douteux de quelques propriétaires de vignes, tend à restreindre et à diminuer son com

merce.

Ceux donc qui ont obtenu de nos prédécesseurs l'autorisation des prétendus priviléges de Bordeaux, de Marseille et de plusieurs autres villes, n'ont point stipulé le véritable intérêt de ces villes, mais seulement l'intérêt de quelques-uns des plus riches habitants, au préjudice du plus grand nombre et de tous nos autres sujets.

Ainsi, non-seulement le bien général de notre royaume, mais l'avantage réel des villes mêmes qui sont en possession de ces priviléges, exigent qu'ils soient anéantis.

Si, dans l'examen des questions qui se sont élevées sur leur exécution, nous devions les discuter comme des procès, sur le vu des titres, nous pourrions être arrêté par la multiplicité des lettres-patentes et des jugements rendus en faveur des villes intéressées.

Mais ces questions nous paraissent d'un ordre plus élevé; elles sont liées aux premiers principes du droit naturel et du droit public entre nos diverses provinces. C'est l'intérêt du royaume entier que nous avons à peser; ce sont les intérêts et les droits de tous nos sujets, qui, comme vendeurs et comme acheteurs, ont un droit égal à débiter leurs denrées et à se procurer les objets de leurs besoins à leur plus grand avantage; c'est l'intérêt du corps de l'État, dont la richesse dépend du débit le plus étendu des produits de la terre et de l'industrie, et de l'augmentation de revenu qui en est la suite. Il n'a jamais existé de temps, il ne peut en exister, où de si grandes et de si justes considérations aient pu être mises en parallèle avec l'intérêt particulier de quelques villes, ou, pour mieux dire, de quelques particuliers riches de ces villes. Si jamais l'autorité a pu balancer deux choses aussi disproportionnées, ce n'a pu être que par une surprise manifeste, contre laquelle les provinces, le peuple,

l'État entier lésé, peuvent réclamer en tout temps, et que en tout état de cause, nous pouvons et voulons réparer, en rendant, par un acte de notre puissance législative, à tous nos sujets une liberté dont ils n'auraient jamais dû être privés.

A ces causes, etc. : nous avons, par notre présent édit, dit, statué et ordonné; disons, statuons et ordonnons ce qui suit :

Art. I. Avons révoqué et abrogé, révoquons et abrogeons tous édits, déclarations, lettres - patentes, arrêts et règlements accordés à des villes, bourgs ou autres lieux, portant empêchement à l'entrée, au débit, à l'entrepôt, au transport par terre, par mer ou par les rivières, des vins et eauxde-vie de notre royaume, à quelque titre et sous quelque prétexte que lesdits édits, déclarations, lettres-patentes, arrêts et règlements aient été rendus.

II. Avons éteint et aboli, éteignons et abolissons le droit de banvin appartenant à des villes, bourgs ou autres lieux, à quelque titre que ledit droit leur appartienne, et soit qu'il ait été acquis des rois nos prédécesseurs ou de quelques seigneurs; de tels droits n'ayant dû être acquis par lesdites villes que pour en procurer aux habitants l'affranchissement.

III. Et à l'égard du droit de banvin appartenant à des seigneurs ecclésiastiques ou séculiers, même à nous, à cause de nos domaines, voulons que, nonobstant ledit droit, les vins et eaux-de-vie puissent, en quelque temps que ce soit, passer en transit dans l'étendue desdites terres par les chemins, fleuves et rivières navigables; que le chargement desdits vins et eaux-devie puisse y être fait, soit de bord à bord, soit autrement. Défendons à tous nos sujets, de quelque état et qualité qu'ils soient, d'interdire lesdits passages et chargements, et d'y apporter aucun obstacle, à peine de répondre personnellement envers les parties, de tous dépens, dommages et intérêts. IV. En conséquence des dispositions portées aux articles précédents, la circulation des vins sera et demeurera libre dans notre royaume : voulons que tous nos sujets et tous autres propriétaires, marchands, voituriers, capitaines de navires, patrons, et généralement toutes personnes, puissent, dans tous les temps et saisons de l'année, faire transporter librement des vins et eaux-de-vie, ainsi qu'ils aviseront; même des provinces de l'intérieur dans celles qui seront réputées étrangères, et les faire entrer ou rentrer de celles-ci dans les provinces de l'intérieur; les entreposer partout où besoin sera, et notamment dans les villes de Bordeaux et de Marseille, sans pouvoir être forcés à les déposer dans aucun magasin, à se pourvoir pour leurs consommations ou pour leurs provisions dans leurs routes d'autres vins que de ceux qu'ils y auront destinés, à faire sortir leurs vins à certaines époques de la ville où ils seront déposés, ou à les convertir en eaux-devie, ni pouvoir être assujettis à autres règles ou formalités que celles qui sont ordonnées pour la sûreté et perception de nos droits, de ceux d'octrois appartenant aux villes et autres droits légitimement établis par nous ou par les rois nos prédécesseurs.

V. Pourront aussi lesdits propriétaires, marchands, voituriers, capitaines de navires, patrons et autres, acheter et vendre en toutes saisons lesdits vins, tant en gros qu'en détail, dans lesdites villes de Bordeaux, de Marseille et autres qui auraient ou prétendraient les mêmes priviléges; à l'exception

néanmoins des terres des seigneurs ecclésiastiques ou séculiers, dans lesquelles ledit droit de banvin serait établi, et dans le temps ou la saison seulement qui sont fixés pour l'exercice dudit droit; le tout, en acquittant par lesdits propriétaires et autres, à l'entrée, sortie, transport et vente en gros ou en détail, tous les droits qui nous sont dus, à quelque titre que ce soit, les droits d'octrois par nous accordés à quelques provinces, villes, communautés, et les autres droits généralement quelconques, établis par titres valables.

VI. Faisons défense à tous maires, lieutenants de maire, échevins, jurats, consuls et autres officiers municipaux, même aux officiers composant le bureau des vins établi à Marseille et autres administrations semblables qui sont et demeureront supprimées par le présent édit, de porter aucun obstacle à la liberté de ladite circulation ou desdits emmagasinements, achats et ventes; de requérir aucune confiscation, amende ou autres condamnations pour raison de contravention aux édits, déclarations, arrêts ou règlements auxquels il est dérogé par l'article Ier du présent édit, ainsi que pour raison de contravention au droit de banvin qu'ils prétendraient appartenir auxdites villes; et ce, en quelque temps et sous quelque prétexte que ce puisse être ; à peine de demeurer personnellement responsables de tous frais, dépens, dommages et intérêts qui seront adjugés aux parties, pour lesquels ils n'auront aucun recours contre lesdites villes et communautés. Si donnons en mandement, etc. 1.

EXTRAIT DE L'Arrêt du Conseil D'ÉTAT, du 21 avril 1776, qui confirme les différents règlements rendus sur la fabrication des cartes à jouer, et qui fixe les villes dans lesquelles la fabrication en est permise.

Cet arrêt, considérant que l'édit qui supprime les jurandes et établit la liberté générale du travail n'a point dérogé aux nombreux édits et déclarations qui ont établi les droits sur les cartes à jouer et en ont doté l'école militaire, confirme en tant que besoin serait ces édits et déclarations qu'il rappelle. Et en conséquence, fait défense de lever et établir des fabriques de cartes à jouer dans d'autres villes que celles comprises dans l'état annexé. Permet à toutes personnes d'en lever et établir dans lesdites villes, à la charge par ceux qui voudront fabriquer des cartes à jouer de se présenter au bureau de la régie des cartes établie dans la ville où ils voudront fabriquer, à l'effet d'y faire inscrire leurs nom, qualité, demeure et ateliers, à peine pour les contrevenants de 1,000 livres d'amende et de confiscation des outils et ustensiles.

1 Cet édit fut enregistré sans difficulté aux Parlements de Toulouse et de Dauphiné, et au Conseil souverain de Roussillon.

Il ne l'était pas encore aux Parlements de Bordeaux et de Provence quand M. Turgot fut disgracié.

Et quoique le roi y attachàt une grande et juste importance, il ne le fut à celui de Bordeaux que par une sorte de transaction, avec quelques restrictions et modifications. (Note de Dupont de Nemours.)

RAPPORT Sur la réclamation faite par la Chambre du commerce de Lille, contre les droits perçus à Lyon sur deux balles de soie expédiées de Marseille pour Lille.

Sire, les droits perçus à Lyon sur deux balles de soie étrangère, expédiées de Marseille au sieur Cuvelier, fabricant de Lille, par acquit-à-caution de transit, ont donné lieu à la contestation que je vais mettre sous les yeux de Votre Majesté. Il s'agit de décider si cette perception est régulière et juste ainsi c'est une question générale, plus intéressante encore pour la ville de Lyon et pour le commerce de la Flandre, que pour le négociant qui a payé des droits sur deux balles de soie.

C'est la Chambre du commerce de Lille qui réclame, en faveur du commerce de la Flandre, l'exemption des droits de Lyon sur les soies. C'est le corps municipal de la ville de Lyon qui s'oppose à cette exemption. - La réclamation de la Chambre du commerce de Lille est fondée sur un arrêt du Conseil, rendu le 5 juin 1688, par lequel il est ordonné que les habitants des pays conquis par le roi dans les Pays-Bas jouiront de la liberté du transit pour les ouvrages de leurs manufactures et matières servant à leur fabrication, entrant et sortant du royaume sans payer aucuns droits d'entrée ni de sortie, péages, octrois ou autres, sous la condition de passer dans lesdits pays conquis par le bureau de Péronne, et d'être d'ailleurs soumis aux formalités ordinaires des visites, plombs, acquits-à-caution et autres.

Les titres de la ville de Lyon sont un édit du mois de janvier 1722, et un autre édit du mois de juin 1758, qui assujettissent toutes les soies, même celles d'Avignon et du Comtat, à passer par la ville de Lyon, et à y payer au profit de la ville un droit de 3 sous 6 deniers par livre pesant. Le corps municipal oppose à la réclamation de la Chambre du commerce de Lille, que les édits qui établissent la jouissance de la ville de Lyon ne renferment aucune exception en faveur de la Flandre et des pays conquis, et qu'étant postérieurs à l'arrêt de 1688, celui-ci ne peut être appliqué aux droits de la ville de Lyon.

La question consiste donc à savoir si la liberté du transit, accordée à la Flandre par l'arrêt de 1688, est applicable aux droits sur les soies établis en faveur de la ville de Lyon, comme aux autres droits de traite qui ont lieu dans les États de Votre Majesté. Réduite à des termes aussi simples, la question est si facile à décider, qu'elle

ne mériterait peut-être pas d'occuper vos moments. Aussi c'est moins à raison de son importance que je me suis déterminé à vous la présenter, que pour avoir une occasion de fixer les yeux de Votre Majesté sur les droits qui y donnent lieu.

Votre Majesté sait que les droits connus sous le nom de droits de traite sont un impôt qui se perçoit sur les marchandises lorsqu'on les transporte, et soit à raison de leur valeur estimée en argent, soit à raison de leur qualité et quantité, suivant des tarifs fixés par différentes ordonnances ou règlements. Ces droits sont payés les uns aux entrées et sorties du royaume; les autres à l'entrée et à la sortie de certaines provinces; d'autres dans certaines villes, ou dans les lieux déterminés sur certaines routes.

Les avis sont partagés sur les avantages et les inconvénients des droits de traite en général, par rapport à la prospérité du commerce, et même par rapport à l'intérêt des souverains qui en tirent un revenu; car, quoique l'existence de ce revenu ne soit pas douteuse, il est très-possible que ce ne soit pas la manière la plus avantageuse de procurer au gouvernement ce même revenu. Si les droits de traite sont, par leur nature, contraires au commerce, s'ils tendent nécessairement à en diminuer l'activité, à le surcharger de frais infiniment plus onéreux que le montant même des droits; et, s'ils l'écartent des lieux qu'il aurait fécondés, s'ils appauvrissent les sujets, ils ne peuvent enrichir le souverain. Ils le privent bien plutôt de l'accroissement de revenu qu'il eût pu retirer, par des voies moins onéreuses, de ses sujets devenus plus riches.

C'est donc par rapport à l'avantage du commerce qu'on doit disputer et qu'on dispute sur l'utilité des droits de traite. Quelques personnes prétendent que c'est un moyen de soulager les peuples, en faisant payer une partie des impôts aux étrangers par les droits de sortie sur les marchandises qu'ils achètent de nous. D'autres veulent que ce soit quand les marchandises étrangères payent des droits à leur entrée en France que les étrangers payent une partie de nos impôts. D'autres croient qu'il est nécessaire de charger de droits les marchandises de fabrique étrangère pour favoriser les manufactures nationales, en affranchissant ou chargeant de droits modérés les matières premières qui doivent alimenter nos manufactures; que, par une suite du même principe, il faut charger de gros droits la sortie des matières premières du crû du royaume, et n'im

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