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LETTRES-PATENTES, du 6 février 1776, portant conversion et modération des droits sur les suifs. (Registrées le 12 mars en lit de justice.)

Louis, etc. Nous étant fait rendre compte, en notre Conseil, des différents règlements de police, jugements et arrêts intervenus sur le fait du commerce des suifs dans notre bonne ville de Paris; comme aussi des droits de différente nature qui se perçoivent sur cette marchandise, et de la forme de leur perception, nous avons reconnu que les précautions imaginées depuis deux siècles, pour procurer l'abondance et le bon marché d'une matière si essentielle aux besoins du peuple, avaient dû nécessairement produire des effets absolument contraires à leur objet ; que, par d'anciens règlements de 1567 et 1577, maintenus par des jugements postérieurs, et notamment un arrêt du 19 août 1758, il n'était permis, ni aux bouchers qui rassemblent et fondent les suifs, d'en garder chez eux ou de les vendre librement; ni aux chandeliers qui les emploient, de s'approvisionner de la quantité qu'ils jugent nécessaire à leur fabrication; que les suifs devaient, à des jours fixes, être exposés en vente, et lotis entre les maîtres chandeliers, qui ne pouvaient les payer qu'à un prix uniforme, à peine d'amende; que ceux qu'il est nécessaire de tirer de l'étranger, pour suppléer à l'insuffisance de ceux du royaume, étaient soumis aux mêmes règles, et pareillement lotis, en sorte qu'aucun particulier ne pouvait se permettre de spéculation sur cette branche utile de commerce; que la communauté entière des chandeliers ne pouvait même s'y livrer, à cause des droits considérables dont cette matière était grevée à l'importation, jusqu'à ce qu'il ait plu au feu roi, notre très-honoré seigneur et aïeul, de les modérer par l'arrêt de son Conseil du 28 novembre 1768. Nous n'avons pu reconnaître, dans cette police contraire à tous les principes du commerce, qu'une suite et un abus résultant de la constitution vicieuse des corps et communautés que nous nous déterminons à supprimer. Notre intention étant qu'à l'avenir les professions de boucher et de chandelier soient, ainsi que les autres, exercées librement, la méthode d'exposer en vente publique et de lotir ces matières ne peut plus subsister; et, les droits auxquels elles sont sujettes ne pouvant continuer d'être perçus dans la forme ci-devant usitée, il est nécessaire d'y substituer une forme plus simple et plus avantageuse au peuple. A quoi nous avons pourvu par l'arrêt cejourd'hui rendu en notre Conseil d'Etat, nous y étant, et nous avons ordonné que pour son exécution toutes lettres néces

saires seraient expédiées. A ces causes, etc. Nous avons ordonné ce qui suit :

Art. I. Le commerce des suifs sera libre à l'avenir dans notre bonne ville de Paris, et l'obligation de les exposer en vente, pour être lotis entre les chandeliers, demeurera abrogée à compter de la publication de l'arrêt de ce jour et des présentes, nonobstant tous règlements, jugements de police ou arrêts confirmatifs d'iceux, que nous voulons être regardés comme nuls et non avenus; en conséquence, il sera libre à tous bouchers de vendre, comme à tous chandeliers d'acheter lesdites matières, dans tels temps ou lieux, et en telle quantité que bon leur semblera.

II. Le droit du sou pour livre, établi sur la vente des suifs dans l'intérieur de Paris, sera supprimé, et cessera d'être perçu à compter du même jour. III. Pour suppléer au montant dudit droit, il sera remplacé par un droit sur les bestiaux qui produisent du suif, proportionnément à la quantité moyenne qu'on en retire; lequel droit, modéré pour sa quotité, ne sera perçu, aux entrées et barrières de Paris, qu'à raison de 2 livres 12 sous 2 deniers par bœuf, 1 livre 9 sous 3 deniers par vache, 5 sous 2 deniers par mouton.

IV. Ne sera ledit droit d'entrée établi par l'article précédent sujet à aucuns droits additionnels en faveur de la ville de Paris, de l'hôpital-général, de nos fermes générales, attendu que ce droit n'est qu'un remplacement, et que le droit remplacé n'était point sujet aux droits additionnels.

V. Le droit principal de cent sous par quintal, à l'entrée des suifs étrangers dans Paris, sera réduit à 1 livre 18 sous 9 deniers, pour, avec les droits de domaine, barrage, poids-le-roi, et sou pour livre d'iceux, qui se montent à 11 sous 2 deniers, former une somme de 2 livres 10 sous par quintal, ou 6 deniers par livre de suif ou de chandelle.

VI. Tous les droits additionnels de premier et second vingtièmes, 4 sous pour livre du premier vingtième, gare, don gratuit, vingtième du don gratuit, et 8 sous pour livre d'iceux, établis à l'entrée du suif étranger, seront et demeureront supprimés, nous réservant de pourvoir, s'il y échoit, à l'indemnité de qui il appartiendra.

VII. Les droits, réglés par l'article III et par l'article V ci-dessus, seront régis et perçus pour notre compte par l'adjudicataire de nos fermes générales : en conséquence les régisseurs pour nous chargés, sous le nom de l'ouache, de la perception des droits réunis, seront dispensés de compter, tant du produit des droits sur la vente du suif dans l'intérieur de Paris, que de celui des abonnements de la banlieue, et de celui du droit principal d'entrée sur le suif étranger; et ce, du jour que l'adjudicataire de nosdites fermes aura commencé à régir les droits établis en remplacement.

VIII. Dérogeons à toutes ordonnances, arrêts, règlements contraires aux dispositions des articles précédents 1.

1 C'est ici le lieu de donner le procès-verbal, que nous avons annoncé plus haut (page 251, en note), du lit de justice où furent enregistrés les édits de février 1776. Nous supprimons toutefois le préambule de ce curieux document, lequel ne se rapporte qu'à des détails de pure étiquette. Les lecteurs qui désireront savoir de quelle manière le Parlement se rendait en corps de Paris à Versailles, comment il était reçu dans la cour du palais, quelle disposition était donnée à la salle

EXTRAIT DE L'ARRÊT DU CONSEIL D'ÉTAT, du 4 mars 1776, par lequel Sa Majesté rend, aux propriétaires des bois situés dans les arrondissements de Salins et de Montmorot, et dans la moitié la plus éloignée desdits arrondissements, la liberté d'en disposer, et fixe au 1er octobre 1778 l'époque à laquelle ils pourront disposer de l'autre moitié.

Le roi s'étant fait représenter, en son Conseil, tous les différents règlements rendus, tant par les rois ses prédécesseurs que par les anciens souverains de son comté de Bourgogne, concernant l'affectation des bois, tant de ceux de ses forêts que de ceux appartenant

des séances; dans quel ordre y prenaient place, soit à droite, soit à gauche, soit en face du roi, les princes du sang, les pairs laïques et ecclésiastiques, les maréchaux de France, les gouverneurs militaires, les ministres, les conseillers et les principaux officiers de la couronne; connaître, en un mot, tout le cérémonial en usage dans ces espèces de solennités législatives, pourront consulter le tome XXIII de la Collection des lois anciennes, par M. Isambert et collaborateurs. Nous nous bornons à prendre ici la relation de la séance royale au moment où elle est ou

verte.

Procès-verbal du lit de justice tenu à Versailles le 12 mars 1776, par le roi Louis XVIe du nom, pour l'enregistrement des édits sur l'abolition de la corvée, des jurandes, et autres du mois de février précédent.

Le roi s'étant assis et couvert, M. le garde des sceaux a dit par son ordre que Sa Majesté commandait que l'on prît séance; après quoi, le roi, ayant ôté et remis son chapeau, a dit :

Messieurs, je vous ai assemblés pour vous faire connaître mes volontés; mon garde des sceaux va vous les expliquer. »

M. le garde des sceaux étant ensuite monté vers le roi, agenouillé à ses pieds pour recevoir ses ordres, descendu, remis à sa place, assis et couvert, a dit :

Le roi permet qu'on se couvre. »

Après quoi, M. le garde des sceaux a dit :

« Messieurs, le roi a signalé les premiers moments de son règne par des actes éclatants de sa justice et de sa bonté.

« Sa Majesté ne paraît avec la splendeur qui l'environne que pour répandre des bienfaits; elle a rappelé les magistrats à des fonctions respectables qu'ils exerceront toujours pour le bien de son service; elle est assurée que vous donnerez dans tous les temps à ses sujets l'exemple d'une soumission fondée sur l'amour de sa personne sacrée autant que sur le devoir.

La justice est la véritable bonté des rois; le monarque est le père commun de tous ceux que la providence a soumis à son empire; ils doivent être tous également les objets de sa vigilance et de ses soins paternels.

« Les édits, déclarations et lettres-patentes, auxquels Sa Majesté donnera dans ce jour une sanction plus auguste par sa présence, tendent uniquement à réunir les seuls moyens qu'il soit possible dans ce moment-ci de mettre en usage afin de satisfaire l'empressement du roi pour réparer les malheurs passés, pour en prévenir de nouveaux et pour soulager ceux de ses sujets auxquels le poids des charges publiques a été jusqu'à présent le plus onéreux, quoiqu'ils fussent moins en état de le supporter. « La confection des grandes routes est indispensable pour faciliter le transport des marchandises et des denrées, pour favoriser dans toute l'étendue du royaume une police active, de laquelle dépend la sûreté des voyageurs, pour assurer la tranquillité intérieure de l'État et les communications nécessaires au commerce.

« Les ouvrages immenses que le roi est obligé d'ordonner pour cet effet seraient bientôt en pure perte, si l'on n'apportait pas le plus grand soin à leur entretien.

aux seigneurs particuliers, communautés séculières et régulières, à l'affouagement de ses salines; Sa Majesté a vu avec peine que la

« Il n'est donc pas possible que le roi néglige un objet aussi intéressant, mais il était naturel que Sa Majesté choisit, dans les moyens de le remplir, ceux que sa sagesse lui ferait considérer comme les plus conformes à l'esprit d'équité qui règle toutes ses actions.

« L'on avait jusqu'à présent contraint les laboureurs de fournir leurs charrois et leurs domestiques pour les transports des terres et des matériaux nécessaires à la confection et à la réparation des grandes routes. On avait aussi exigé des habitants des campagnes, qui ne subsistent que par le travail de leurs bras, de renoncer à une partie des salaires journaliers sur lesquels est fondée toute leur subsistance, pour donner gratuitement chaque année un certain nombre de jours au travail des chemins.

« Les propriétaires des fonds, dont la plus grande partie jouissent des exemptions attachées à la noblesse et aux offices, ne contribuaient point à cette charge, et cependant ce sont eux qui participent le plus à l'avantage de la confection des grandes routes par l'augmentation du produit de leurs héritages, qui est l'effet naturel des progrès du commerce et de la consommation des denrées.

« La corvée de travail imposait aux habitants de la campagne une espèce de servitude accablante. Il était de la justice et de la bonté du roi de les en délivrer par une contribution qui ne fût supportée que par ceux qui, jusqu'à ce moment, recueillaient seuls le fruit de ce travail.

« Telles sont les vues qui ont engagé le roi à établir cette contribution, à la régler sur la répartition du vingtième, et à donner lui-même l'exemple à tous les propriétaires de son royaume, en ordonnant que ses domaines y seraient assujettis.

« Sa Majesté a pris toutes les précautions possibles pour que les deniers qui en proviendront ne puissent jamais être divertis à d'autres usages; qu'ils soient toujours employés dans chacune des généralités où ils auront été levés, et que la somme qui sera imposée n'excède jamais la valeur des ouvrages auxquels elle sera destinée. « Après avoir pourvu au soulagement des habitants des campagnes, Sa Majesté a jeté un regard favorable sur sa bonne ville de Paris. Elle s'est fait représenter les anciens règlements sur la police des grains, relativement à l'approvisionnement de cette capitale de son royaume; elle en a examiné les dispositions, combiné les effets et pesé mûrement les conséquences. Elle a reconnu que tous ces règlements, qui en apparence semblaient avoir pour objet de rendre l'accès de Paris plus facile aux grains de toute espèce, de favoriser les moyens d'en faire des magasins, enfin, d'attirer l'abondance et de la fixer, ne servaient au contraire qu'à dégoûter les négociants de ce genre de commerce, en les exposant à des recherches inquiétantes, et en les assujettissant à des formalités gênantes et toujours contraires au bien du commmerce, dont l'âme est une honnête liberté.

« Le roi a résolu de révoquer entièrement tous ces règlements, et comme les sacritices ne coûtent rien à Sa Majesté lorsqu'il s'agit du soulagement de ses sujets, elle a, par la même loi, supprimé tous les droits qu'on percevait à Paris sur les grains qui servent à la subsistance du peuple, et s'est chargée de dédommager les prévôt des marchands et échevins de Paris de ceux qui leur avaient été accordés, et dont ils se trouveront privés par cette suppression.

« Les besoins de l'État avaient donné licu, en différents temps, à l'établissement d'offices dans les halles, sur les quais et sur les ports de Paris. Le roi Louis XV, de glorieuse mémoire, ayant reconnu que les fonctions attribuées à ces offices n'étaient d'aucune utilité, et que les émoluments que l'on y avait attachés étaient fort onéreux au public, en avait ordonné la suppression par un édit du mois de septembre 1759. Des circonstances imprévues avaient engagé ce monarque à différer jusqu'au 1er janvier 1777 l'exécution de cet édit, ainsi que les remboursements qu'il était indispensable de faire à ceux qui étaient propriétaires des offices.

« Le roi a jugé à propos de commencer dès à présent l'exécution de ce projet, mais

nécessité de les pourvoir de bois avait forcé ses prédécesseurs à priver les propriétaires de ces bois du droit qui leur appartenait

d'une manière moins onéreuse pour son trésor royal, et qui cependant assure aux propriétaires des offices dont il s'agit un remboursement effectif et conforme à la nature des effets, avec lesquels eux ou leurs auteurs en avaient originairement payé la finance. « Les habitants de Paris sont assurés par ce moyen, d'une manière certaine, de voir arriver le terme où les droits attribués à tous ces offices cesseront d'être perçus, et les propriétaires de conserver les capitaux de leur finance et d'en recevoir les intérêts jusqu'au parfait remboursement.

Le roi s'est fait rendre compte de l'établissement des différentes communautés d'arts et métiers, et des jurandes; Sa Majesté en a mûrement examiné les avantages et les inconvénients, et elle a reconnu que ces sortes de corporations, en favorisant un certain nombre de particuliers privilégiés, étaient nuisibles à la plus grande partie de ses sujets. Elle a pris la résolution de les supprimer, de rétablir tout dans l'ordre naturel, et de laisser à chacun la liberté de faire valoir tous les talents dont la providence l'aura pourvu. A l'ombre de cette loi salutaire, les commerçants réuniront tous les genres de moyens dans lesquels leur industrie les rendra le plus capables de conserver et d'augmenter leur fortune, et d'assurer le sort de leurs enfants. Les artisans auront la faculté d'exercer toutes les professions auxquelles ils seront propres, sans être exposés à se voir troublés dans leurs travaux, épuisés par des contestations ruineuses, et cruellement privés de ces instruments sans le secours desquels ils ne peuvent avoir leur subsistance, ni pourvoir à celle de leurs femmes et de leurs enfants. L'usage de cette heureuse liberté sera cependant modéré par de sages règicments, afin d'éviter les abus auxquels les hommes ne sont que trop sujets à se livrer. · Mais comme elle sera délivrée des entraves dans lesquelles jusqu'à présent elle avait été resserrée et presque anéantie, elle étendra les différentes branches du commerce; elle favorisera les progrès et la perfection des arts, évitera aux particuliers des dépenses aussi ruineuses que superflues, augmentera les profits légitimes des marchands, et proportionnera les salaires des ouvriers au prix des denrées nécessaires à la vie. Le nombre des indigents diminuera, et les secours que l'humanité procure à ceux que l'âge et les infirmités réduisent à l'inaction, deviendront plus abondants. « La modération du droit sur les suifs et le changement de la forme de la perception sont encore de nouvelles preuves de l'attention que le roi apporte à tout ce qui intéresse son peuple; cette réforme est une suite naturelle de la suppression de la communauté dont cette sorte de marchandise formait le trafic. Elle était autorisée à se rendre maîtresse de tous les suifs, et par conséquent de leur prix. Ce commerce exclusif n'existera plus. Le prix du suif sera proportionné à celui des bestiaux qui le produisent, et les artisans auxquels l'usage en est le plus nécessaire pourront l'acheter à meilleure composition.

« Tels sont, messieurs, les motifs qui ont déterminé le roi à faire enregistrer en sa présence ces lois dont vous allez entendre la lecture. Sa Majesté, qui ne veut régner que par la raison et par la justice, a bien voulu vous les exposer et vous rendre dépositaires des sentiments de tendresse qui l'engagent à veiller sans cesse sur tout ce qui peut être avantageux à son peuple. »

Après quoi M. le premier président et tous les présidents et conseillers ont mis le genou en terre.

M. le garde des sceaux ayant dit :

« Le roi ordonne que vous vous leviez »,

Ils se sont levés restés debout et découverts, M. le premier président a dit :

«<< SIRE,

En ce jour où Votre Majesté ne déploie son pouvoir que dans la persuasion qu'elle fait éclater sa bonté, l'appareil dont Votre Majesté est environnée, l'usage absolu qu'elle fait de son autorité, impriment à tous ses sujets une profonde terreur, et nous annoncent une fâcheuse contrainte.

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