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Je vous adresse en conséquence une instruction imprimée sur les moyens de former ces assemblées ou bureaux de charité, et de remplir leur objet. J'ai dû embrasser dans cette instruction différents moyens qui peuvent être pris pour soulager les pauvres; et, quoique ces moyens ne puissent pas être également appliqués dans tous les lieux, j'ai dû les développer tous en rédigeant une instruction destinée à être répandue dans toutes les parties de la province. Mais je sens que c'est principalement dans les villes et dans les lieux considérables que le plan proposé pourra être exécuté dans toute son étendue, et je m'attends qu'il faudra le simplifier et le restreindre au pur nécessaire dans plusieurs paroisses de campagne trop peu considérables, et où il serait trop difficile de trouver des personnes capables de suivre avec exactitude les détails d'une opération compliquée. C'est dans cette vue que je destine une partie de cette lettre à présenter une espèce d'extrait de cette instruction, réduit à l'exposition la plus simple des points essentiels qu'on doit exécuter partout, et même dans les communes de la campagne. Il sera cependant utile d'y joindre la lecture de l'instruction même, qui fera mieux connaître l'ensemble de l'opération et les vues qui doivent diriger les personnes chargées de l'exécution.

EXTRAIT DE L'INSTRUCTION.

1° Il est partout indispensable, ou d'exécuter littéralement l'arrêt du parlement du 17 janvier dernier, en formant un rôle de contribution sur tous les habitants aisés et propriétaires, tant présents qu'absents; ou de remplir d'une autre manière les intentions du parlement et les devoirs de la charité, en se cotisant volontairement pour subvenir aux besoins des pauvres.

2o La première démarche qu'on doit faire est de tenir l'assemblée prescrite par l'arrêt du parlement, pour prendre le parti qui sera jugé le plus convenable. L'assemblée doit être tenue le premier jour de fête ou dimanche qui suivra la réception de l'arrêt dans chaque paroisse.

3o Dans les villes et lieux où il y a des officiers de justice et de police, ce sont eux qui doivent convoquer l'assemblée. Dans les autres lieux, ce sont les curés. Tous les seigneurs, gentilshommes et bourgeois notables, doivent y être invités.

4° La voie des offres purement volontaires paraît devoir être préférée dans les villes, où le plus grand nombre de ceux qui doivent

contribuer sont présents, et où il est plus facile de composer les bureaux de charité. L'instruction renferme tous les détails relatifs à ces offres volontaires et à l'établissement de ces bureaux. Il suffit d'y renvoyer ici.

5o Le grand nombre de propriétaires absents peut, dans les campagnes, faire préférer la voie d'une répartition proportionnelle sur

tous les aisés.

6° Ces contributions peuvent se faire de deux manières, ou par une taxe sur chacun des propriétaires présents et absents, ou en distribuant les pauvres entre les aisés, de façon que chacun se charge d'en nourrir un certain nombre.

7° Le parti de la taxe sur les propriétaires est sujet à quelques embarras dans les campagnes, par la difficulté de former les rôles de cette taxe, surtout quand les assemblées ne sont composées que de simples paysans, qui ne savent ni écrire ni compter.

8° Il est quelquefois difficile aussi de trouver des gens qui puissent se charger de la recette et de la distribution des aumônes, et à qui les autres habitants veuillent les confier; et il se peut que le curé ne veuille pas en être chargé seul.

Règles à suivre pour la formation des rôles de contribution dans les campagnes.

9o Dans les paroisses où il se trouve assez de personnes intelligentes et qui méritent la confiance publique, pour qu'on puisse faire un rôle des contributions d'aumône, il est important que ces rôles ne soient pas faits d'une manière arbitraire, qui deviendrait une source de contestations. Voici les règles qu'il est à propos de suivre.

10° Tous les propriétaires de fonds ne doivent pas être taxés. Il y a des possessions si petites, que leur produit ne suffit pas à la subsistance du propriétaire, qui est obligé de vivre de son travail; on ne peut pas regarder ceux qui les possèdent comme aisés. On doit donc taxer seulement les propriétaires qui possèdent des corps de domaines, et ceux qui jouissent de dîmes et de rentes dans la paroisse. Quant aux propriétaires de domaines, il est naturel qu'on se règle par l'estimation de leur revenu porté au rôle des tailles, sauf à exempter de la taxe les domaines qu'on saurait être incultes et sans valeur. A l'égard des rentes et des dîmes, il est juste de leur faire supporter une contribution double de celle des domaines, attendu que les propriétaires de ceux-ci sont déjà chargés d'impositions

beaucoup plus considérables, et en outre de la nourriture de leurs métavers.

11° Il faudra que l'assemblée de la paroisse charge quelqu'un de faire ce rôle, d'après la règle qui vient d'être donnée. Le rôle doit être signé par le curé, et par les principaux membres de l'assemblée qui savent signer.

13° Ce rôle doit être remis au receveur que la paroisse aura choisi, lequel sera tenu de marquer en marge de chaque article tous les payements qui seront faits.

13° Comme il y a cinq mois d'ici à la récolte, et comme il serait peut-être onéreux à plusieurs de payer à la fois la totalité de leur contribution, il convient de la partager en cinq payements égaux dont le montant sera remis, de mois en mois, entre les mains du receveur, qui croisera chaque payement en marge du rôle. Le premier payement doit se faire immédiatement après que le rôle aura été arrêté.

14° Si quelqu'un refusait de contribuer, il faudrait s'adresser au juge du lieu, qui est autorisé par l'arrêt du parlement à rendre une ordonnance pour l'y contraindre. Cette ordonnance doit être délivrée gratuitement et sans frais. Si les contribuables jugent à propos d'appeler sous prétexte d'excès dans la taxe, l'appel sera porté en la sénéchaussée du lieu, pour y être jugé sommairement et sans frais. Cet appel ne sera point reçu que l'appelant n'ait justifié préalablement qu'il a payé la taxe.

15° Les fonds provenant de cette taxe, soit en argent, soit en grains, seront employés par les personnes que la paroisse aura chargées, partie à faire travailler les pauvres, et partie à procurer du pain ou d'autres secours à ceux qui en ont besoin, ainsi qu'il est expliqué plus au long dans l'instruction.

Règles à observer dans les paroisses où l'on distribuera les pauvres.

16o Dans les paroisses où il ne se trouvera point assez de personnes capables d'entrer dans ces détails, on pourra s'en tenir au parti de distribuer les pauvres entre les différents propriétaires de domaines, de rentes et de dîmes, qui seront tenus de leur fournir la subsistance, en faisant néanmoins travailler ceux auxquels leurs forces permettent de le faire.

17o Dans le cas où ces propriétaires feraient travailler les pau

vres, ils seraient obligés de leur donner, outre la subsistance, un léger salaire en forme de supplément, lequel serait réglé par l'assemblée.

18° Les propriétaires absents seront tenus de passer en compte à leurs métayers le grain nécessaire à la nourriture des pauvres qui leur auront été distribués; il en sera de même des propriétaires de dîmes et de rentes absents, lesquels seront tenus de passer en compte à leurs fermiers ou régisseurs la dépensé que ceux-ci auront faite pour nourrir les pauvres. Ceux qui refuseraient seront contraints en vertu de l'ordonnance du juge, ainsi qu'il a été dit ci-dessus.

19° Il est juste de faire supporter une charge double aux propriétaires des rentes et des dîmes, attendu qu'ils n'ont point de métayers à nourrir, ainsi qu'il a déjà été observé.

20° Si le nombre des pauvres était assez petit pour qu'on ne pût pas en donner à tous les propriétaires en état de les nourrir, les propriétaires qui les recevraient d'abord ne s'en chargeraient que pour quelque temps, après lequel les autres propriétaires les recevraient à leur tour.

États à former des familles pauvres.

21° Soit qu'on prenne le parti de former un rôle de contribution en argent ou en grains, soit qu'on préfère de distribuer les pauvres entre les propriétaires, il n'est pas possible de fixer la quantité de contribution à répartir, ou la quantité de pauvres que chacun doit nourrir, si l'on n'a préalablement fait un dénombrement exact des pauvres qui se trouvent dans la paroisse. Il est donc nécessaire d'en dresser un état, famille par famille, dans lequel on marquera le nombre des personnes dont chaque famille est composée, le sexe, l'âge et l'état de validité ou d'invalidité de chacune de ces personnes, en faisant mention des moyens qu'ils peuvent avoir pour gagner de quoi subsister.

Messieurs les curés trouveront joints à cette lettre des états imprimés en blanc, dont ils n'auront qu'à remplir les colonnes. Il sera nécessaire de former ces états doubles, pour m'en envoyer un, afin que je puisse connaître l'étendue des besoins de chaque paroisse, et me décider sur l'envoi des secours dont je puis disposer.

22° Comme il est plus aisé de connaître exactement le nombre des pauvres dans les campagnes que dans les villes, je ne présume pas qu'il faille beaucoup de temps pour former ces états, et je crois

que messieurs les curés pourront les avoir remplis dans l'intervalle entre la réception de cette lettre et la tenue de la première assemblée. Il est à souhaiter qu'ils puissent y présenter ces états tout faits, afin que l'on sache précisément la quantité de secours nécessaire, et qu'on puisse s'occuper sur-le-champ des moyens d'y subvenir; sans cela, il deviendrait nécessaire de rassembler une seconde fois la paroisse, et l'opération en serait d'autant plus retardée.

Du renvoi des mendiants étrangers.

23o Comme, par les moyens qui viennent d'être expliqués, il doit être pourvu dans chaque paroisse à la subsistance des pauvres, il sera expressément défendu à toutes personnes de mendier passé le 15 mars prochain, même dans le lieu de leur domicile, à peine d'être arrêtées et conduites dans les maisons de force.

24o Les mendiants étrangers seront renvoyés dans les paroisses dont ils sont originaires; à cet effet, il leur sera donné de quoi subsister pendant la route. Si la paroisse dont ils sont originaires n'est éloignée que d'une journée, ils y seront renvoyés directement, et leur subsistance leur sera donnée en nature ou à raison d'un sou par lieue, sur les contributions de charité fournies par les propriétaires; et, dans le cas où il n'aurait été fait aucune contribution, mais où l'on aurait distribué les pauvres, il faudrait charger du soin de fournir cette subsistance aux mendiants étrangers quelqu'un des propriétaires, auquel on donnerait pour le dédommager un ou deux pauvres de moins à nourrir.

Le curé, ou la personne qui aura été chargée de ce soin, donnera au mendiant étranger un certificat contenant son nom, les noms de la paroisse d'où on le renvoie et de celle dont il s'est dit originaire, et où il doit se rendre, le jour de son départ, et la mention du secours qu'il aura reçu. J'ai fait imprimer des modèles de ces certificats en blanc, et je vous en envoie quelques-uns que vous pourrez remplir. S'ils ne suffisent pas, vous en ferez aisément de pareils à la main.

25° Si la paroisse dont le mendiant s'est dit originaire est éloignée de plus d'une journée, on l'adressera au subdélégué le plus prochain, en lui fournissant sa subsistance pour se rendre chez ce subdélégué, et on lui donnera un certificat dans lequel il sera fait

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