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tellement indépendans, que l'ufurpation de Hugues & les droits de fon compétiteur, intéressèrent peu les françois. Cependant l'ufurpateur devint un roi légitime, parce que les grands du royaume, en traitant avec lui, reconnurent fa dignité, & confentirent à lui prêter hommage & à remplir à fon égard les devoirs de la vaffalité. Hugues fut cenfe confentir à la confervation des coutumes féodales que les circonftances ne permettoient plus d'aboli, & que le temps commençoit à confacrer; mais ce que le temps & les conjonctures avoient établi par la violence, pouvoit fans doute être détruit par la juftice avec le temps & dans des circonftances plus favorables. C'est à ce grand ouvrage que Hugues & fes fucceffeurs travaillèrent que doivent travailler encore les princes destinés à nous rendre heureux & libres.

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Tel eft le fyftême de M. l'abbé de Mabli fur les Fiefs. Si on le rapproche de celui du préfident de Montefquieu, on reconnoîtra que le résultat de leurs opinions eft le même, & qu'ils tendent l'un & l'autre au même but. En effet, que l'origine des Fiefs remonte au 7, au 8, au 9 ou au 10 fiècle; que la plupart de ces établissemens oient les débris du domaine des rois de la première race, ou les bénéfices créés par Charles Martel, à condition du fervice militaire, ou les Terres des particuliers réunies aux domaines des feigneurs, tantôt par la violence, tantôt par la crainte, tantôt par la fuperftition, tantôt par le befoin d'être protégé; il n'en eft pas moins vrai que la néceffité obligea nos rois à difpenfer leurs vaffaux du fervice militaire ; que cette même néceffité, jointe à l'ignorance, rendit les Fiefs héréditaires; que les mêmes caufes forcèrent les peuples

à changer leurs aleus en Fiefs, & qu'en général les Fiefs fous Hugues Capet & fes prédéceffeurs, préfentent un ordre de chofes auffi abfurde qu'odieux; qu'enfin le peuple françois doit une reconnoiffance éternelle à la dinaftie régnante, pour l'avoir fans relâche défendu contre la tyrannie d'une multitude de defpotes fubalternes. Ce feroit ici le lieu de raffembler les moyens que nos rois ont mis en œuvre pour arriver à ce but; mais outre que les bornes d'un article ne nous le permettent point, nous ne ferions que répéter ce qui eft épars dans plufieurs autres de cet ouvrage. On peut voir à l'article Communes, une partie des révolutions qu'ont éprouvées les Fiefs depuis le règne de Louis le Gros, jufqu'au temps de la rédaction des coutumes locales, des coutumes incohérentes, des coutumes innombrables & fouvent inintelligibles dont la France eft aujourd'hui furchargée, & qui forment la principale partie de fa légiflation. Nous nous fommes fait un devoir de tranfcrire, autant qu'il a été poffible, MM. de Mabli & de Montef quieu, afin qu'on ne nous accufe d'avoir altéré les faits, ou de les avoir revêtus de couleurs trop odieufes.

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De l'état actuel des Fiefs.

A l'avénement des rois de la troifième race au trône, les feigneurs étant dévenus maîtres abfolus des offices & des domaines d'une grande partie de la France, chacun d'eux réduifit à l'état d'efclaves le plus grand nombre d'hommes qu'il put raffembler. On enchaînoit dans fa feigneurie les prifonniers qu'on faifoit fur fes voifins. Les habitans des Fiefs qui manquoient à leur feigneur fubiffoient le même fort. Mais lorfqu'il n'eut pas affez de

ferfs pour cultiver les grands domaines, & qu'il fe trouva des hommes libres pour entreprendre l'exploitation des terres en friche, alors on fe détermina à les donner à cens, ou à les fousinféoder. Ceux qui obtinrent des arrière - Fiefs en démembrèrent à leur tour certaines portions qu'ils donnèrent également à cens, ou qu'ils fousinféodèrent; en forte que toutes les terres du royaume fe trouvèrent enchaînées les unes aux autres par les liens de la féodalité, & l'on vit bientôt s'établir la maxime nulle terre fans feigneur. Quoique le monarque dût être le dernier terme de la féodalité, néanmoins il rendoit fouvent luimême les devoirs de vaffal à fes propres fujets, Cette innombrable multitude de demi-propriétés fe nommèrent Fiefs de tradition; & quoique les principaux, c'est-à-dire ceux qu'on avoit primitivement ufurpés, ne duffent pas être ainfi qualifiés, cependant l'ufage & les gens de loi les ont infenfiblement rangés dans une même claffe. Ils ne reconnoiffent en général que des Fiefs de tradition & des Fiefs offerts. On diftingue auffi des Fiefs en l'air, des Fiefs fimples, des Fiefs de dignité. Parmi les Fiefs de dignité, on compte la duché pairie, le duché fimple, le marquifat, le comté & la baronnie.

Loiseau dans fon traité des droits des offices, ch. 4, n. 71, dit que le caractère effentiel d'une feigneurie de dignité, eft d'avoir fous elle plufieurs autres feigneuries de moindre qualité, foit unies & annexées à elle-même, foir relevant fimplement d'elle. Par exemple, la marque de baronnie eft d'avoir plufieurs châtellenies en foi ou fous foi celle du comté eft d'avoir plufieurs baronnies; & celle du duché d'avoir plufieurs comtés, Il rapporte

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un édit de 1579, vérifié au parlement de Bretagne, portant défenfe de publier aucune érection de feigneuries en dignité nouvelle, fans les conditions fuivantes : » A favoir que la terre qui fera érigée en chátellenie, ait d'ancienneté justice » haute, moyenne & baffe, droits de foire, marché, prévôté, péage & prééminence fur toutes églises étant au dedans de ladite terre; que la » baronnie fera compofée de trois châtellenies pour » le moins, qui feront unies & incorporées enfemble pour être tenues à un feul hommage » du roi; que le comté aura deux baronnies & » trois châtellenies pour le moins, ou une baronnie & fix châtellenies auffi unies & tenues du roi; » que le marquifat fera compofé de trois baronnies » & de trois châtellenies pour le moins, ou de » deux baronnies & de fix châtellenies unies & » tenues comme deffus, &c.

Le roi feul peut aujourd'hui faire ces fortes d'érections, & Loifeau ajoute que ceux qui obtiennent des lettres-patentes à cet effet, doivent faire enrégiftrer au parlement, fur-tout s'il s'agit d'érections de pairie qui font offices de la couronne & du corps de parlement.

Avant de parler des droits féodaux actuels, il eft néceffaire de dire un mot des différentes espèces, de Fiefs qui fubfiftent encore aujourd'hui dans le royaume.

Enumération des Fiefs.

De la pairie, Les pairs de France font les premiers vaffaux de la couronne. Suivant Loiseau, ils ont jufqu'à ces derniers temps débattu la prérogative dhonneur contre les princes du fang, » & ils l'avoient fans doute lors de leur inftitution

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lotfque les ducs & les comtes jouiffoient des » droits de fouveraineté. Témoin Philippe, pre» mier duc de Bourgogne, au banquet de Charles fixième, s'aflit comme pair de France au deffus » du duc d'Anjou, fon frère aîné «.

Le même auteur prétend que les pairs de la feconde création remontent à Louis le Jeune. A l'instar des anciens pairs, ils obtinrent le droit d'affifter au couronnement & au facre du roi, de juger avec lui les différends des vaffaux du royaume; on les qualifie du titre de pairs, non pour être égaux à leur feigneur, mais pour être pairs & compagnons entre eux feulement; comme l'explique un arrêt du parlement rendu en 1295 contre le comte de Flandre.

Lorsque les cinq premières pairies laïques furent réunies à la couronne, & que celle de Flandre en fut abfolument détachée, nos rois ne voulant pas laiffer perdre ce beau titre de dignité, (c'est toujours Loifeau qui parle) en créèrent d'autres en leur place, certes en trop grand nombre, auffi bien que de duchés & comtés. Les principales prérogatives des pairs font, 1°. de précéder tous les grands feigneurs, excepté les princes' du fang; 2°. d'avoir féance & voix délibérative au parlement; 3°. de ne pouvoir être jugés que par ce tribunal, les chambres affemblées & les autres paires convoqués; ce qui toutefois n'a lieu que pour les caufes où l'honneur eft compromis; 4°. de relever nuement de la couronne pour la foi & hommage de leur feigneurie; 5. de pofféder des juftices dont les appellations fe portent directement au parlement. Voyez l'article PAIRIE. Voyez auffi pour les autres Fiefs de dignité, les articles DUCHÉ, COMTÉ, MARQUISAT, BARONNIE, CHATELLENIE, &c,

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