Page images
PDF
EPUB

évêque, car une décision émanée de la Congrégation des
Evêques et Réguliers portait que toutes les maisons fondées
par dom Augustin étaient soumises aux Ordinaires; la visite
confiée à dom Antoine, abbé de Melleray, aurait peut-être pu
déroger temporairement à cette décision, mais nous n'en avions.
eu avis que plus d'un mois après notre élection; non seulement
Mgr l'évêque d'Angers était très flatté qu'on eût élu un sujet
aussi recommandable pour abbé de Bellefontaine, mais tout le
clergé et la noblesse de la Vendée partageaient son sentiment
à cet égard; enfin on répandait dans le pays des calomnies
contre la pureté de la foi des religieux et, pour les appuyer, on
se servait du refus qu'avait fait jusqu'à ce jour le Saint-Siège
'd'approuver l'élection de l'Abbé, et si on tardait plus longtemps
à accorder ce qu'on demandait, la ruine du monastère pourrait
bien s'ensuivre. Au bout d'un mois de démarches, le P. prieur
obtint tout ce qu'il demandait. Il reçut de la Congrégation des
Evêques et Réguliers une lettre pour Mgr l'évêque d'Angers,
sous la date du 26 septembre 1828, par laquelle on disait que,
quoiqu'on n'eût pas encore reçu le rapport du R. P. Antoine,
chargé de la visite des monastères par la Congrégation, néan-
moins le danger où se trouvait Bellefontaine de succomber
sous le poids d'imputations calomnieuses avait déterminé le
Saint-Siège à ne pas faire attendre plus longtemps la confirma-
tion de l'élection ; lui, évêque, était chargé de conférer la béné
diction abbatiale au P. Marie-Michel élu; ce qui avait encore
engagé à en agir ainsi, c'était le bon témoignage rendu de la
maison par le R. P. Antoine dans sa carte de visite, aussi bien
que par le clergé et la noblesse vendéenne, et enfin la déclara-
tion très catholique présentée par le P. prieur, par laquelle il
n'était plus douteux que tout ce qu'on avait pu dire au sujet de
la foi sur Bellefontaine était une pure calomnie. Le P. Fulgence
arriva en France le 16 octobre et ne tarda pas à se trouver
parmi ses frères.

Mgr l'Evêque voulut donner à la bénédiction abbatiale toute la solennité dont elle était susceptible, et il la fixa au 21 novembre 1828. C'était la clôture d'une retraite ecclésiastique, et le grand nombre de prêtres qui se trouvait alors à Angers fut invité à la cérémonie. Dès la veille, toutes les cloches furent mises en branle, ce qui, surprit tout le monde, car la fête de la Sainte Vierge était remise au dimanche; mais on sut bientôt le motif de la réjouissance, et il se trouva dès le grand matin à la cathédrale une foule immense, curieuse de voir une cérémonie si insolite et qu'aucun homme vivant n'avait encore vue. Mon

H

seigneur voulut que rien ne fût épargné ni pour le luminaire ni pour aucune chose. Les plus riches ornements furent mis au jour, on n'aurait rien pu faire de mieux pour la Fête-Dieu. Tout se passa dans le plus bel ordre, et quand la cérémonie fut achevée, on dressa l'acte de bénédiction. Monseigneur le signa, ainsi que tout le clergé, qui fut invité à dîner à l'évêché. On dressa des tables dans la salle synodale, qui fut entièrement remplie. Après avoir reçu quelques visites de félicitations, le R. P. Abbé revint à Bellefontaine et fut reçu par ses enfants selon toutes les cérémonies prescrites par le rituel pour la réception d'un Abbé qui vient pour la première fois dans son abbaye après sa bénédiction. Il ne songea plus désormais qu'à s'acquitter fidèlement de la charge que Dieu lui avait imposée.

Mgr l'Evêque d'Angers écrivit à Rome, le 25 novembre 1828, pour donner quelques détails de la cérémonie du 21 dans sa cathédrale. Il exposait, en outre, qu'il était prescrit au nouvel Abbé, par la lettre reçue de la Sacrée Congrégation, de se tenir pour la juridiction dans les limites de son monastère; cependant depuis l'établissement du couvent des Gardes le supérieur de Bellefontaine avait toujours dirigé cette maison. Le cardinal préfet répondit, le 25 janvier 1829, que Sa Sainteté avait été charmée de la pompe dévote avec laquelle avait eu lieu la bénédiction et elle l'avait chargé de lui en témoigner sa pontificale satisfaction; du reste, il n'y avait rien de changé pour la juridiction, et les rapports entre les deux monastères devaient être les mêmes qu'avant la promotion du R. P. Marie-Michel.

M. le comte Augustin Leroy de la Potherie de Neuville se distingua parmi nos bienfaiteurs, en nous faisant de fréquentes et abondantes aumônes. Il voulut supporter les frais du voyage de Rome, et après la bénédiction abbatiale il paya la belle crosse d'ivoire et d'ébène, commandée à Paris et qui coûta 300 francs.

Le R. P. Abbé partit le 15 février 1829 pour aller trouver M. de Lestranges, frère du défunt, afin de régler une question d'intérêt. Il alla à Lyon, de là à Tournon, et se rendit au château de Boze, situé entre cette dernière ville et Annonay. Il ne voulut pas passer si près de Louvesc sans aller célébrer la messe sur le tombeau de saint François Régis. Ensuite, se trouvant si près d'Aiguebelle, il ne crut pas devoir manquer l'occasion de voir ce monastère et les bons Pères qui l'habitent. Après y avoir fait un court séjour, il voulait se rendre à Lyon en passant par la Grande Chartreuse, où le mauvais temps le

retint trois jours. De Lyon, il revint à Paris en passant par Tillenay et fut bientôt de retour à Bellefontaine.

La phtisie du R. P. Abbé empira de telle sorte, que le 18 février 1830 il n'eut pas assez de force pour célébrer la messe. Il ne lui fut plus possible de sortir de sa chambre, mais il y recevait les personnes qui venaient le visiter et conservait avec elles son caractère de gaieté, qui le rendait si aimable. Le 27 février, MM. Brouillet et Grimoult, médecins à Beaupréau, vinrent faire une consultation, à la suite de raquelle le R. P. leur demanda s'il y avait espérance de rétablissement. Ils répondirent avec peine négativement en se retirant. MM. Gourdon et Moricet les remplacèrent et ils passèrent une heure à parler au R. P. Lorsqu'ils furent partis, il se confessa pour se disposer à recevoir les derniers sacrements. Après qu'il eut achevé, il voulut se mettre sur sa couche et quitter le coin du feu, afin d'être plus à l'aise pour cette cérémonie. S'étant donc assis sur sa couche, il fit un effort pour placer ses jambes et perdit connaissance à l'instant. On était en marche pour apporter les saintes huiles, on envoya dire de se hâter, on arriva aussitôt, mais on n'eût le temps que de faire une onction générale, et let bon R. P. expira. C'était le 27 février 1830, à trois heures et quart du soir. Il fut enterré le lendemain après none. Presque personne ne pouvait chanter, tant on était accablé de la douleur d'une si grande perte. Avant de l'enterrer, on mit sur sa poitrine une plaque de plomb, sur laquelle étaient gravés ces mots : R. P. D. Maria-Michaël Le Port, hujusce monasterii regularis abbas; pietate et doctrinâ clarissimus, qui animam suam pro ovibus dedit, terram sibi creditam sudoribus et sanguine rigans; amore succensus, nimiis pro Christi nomine passis, temporibus multis in brevi expletis, consummatus est, anno ætatis 37, die vero 27 februarii, anno Domini 1830 (1).

(1) Le R. P. Abbé Dom Marie-Michel semblait réunir tous les genres de perfection. Il y avait dans tout son être quelque chose qui vous saisissait d'un charme indéfinissable intelligence vaste, prodigieusement cultivée, les sciences ne recélaient pour lui aucun secret; on eût dit qu'il avait brisé les sept sceaux des Ecritures, son étude favorite, et que les Pères de l'Eglise lui avaient livré tous leurs trésors. Sa piété, toute imprégnée de grâce, d'amabilité, rivalisait avec son savoir; et ses entretiens spirituels étaient comme une rosée de lumière. Le sentiment avait chez lui une vie, une expression, une chaleur indéfinissables. — Un jour qu'au pied d'une statue de Marie, il demandait, dans une ardente prière, à aimer Dieu comme les saints l'aiment dans le ciel, il crut entendre une voix qui lui répondait: Dans dix ans tes vœUT seront exaucés. Dix ans plus tard, au même jour, à la même heure, il rendait sa belle âme à son Créateur. (Notice sur l'abbé Gourdon, curé de La Chapelledu-Genêt, par l'abbé Fourré, curé de La Blouère, page 119; Angers, Cosnier et Lachèse, 1848).

Il se nommait Pierre-Marie Le Port et était né à Auray, diocèse de Vannes, de parents pauvres mais craignant Dieu, le 20 juin 1792. Il avait un frère, qui avait suivi la carrière militaire et plusieurs sœurs, dont deux vinrent aux Gardes à son instigation. Dès son enfance, toutes ses inclinations se portèrent au bien; soit au collège, soit au séminaire, il était chéri de tout le monde, et plus encore des supérieurs qui pouvaient mieux apprécier le trésor que Dieu avait versé dans son âme. Tous les premiers prix étaient toujours pour lui dans toutes ses classes. M. Legal, ancien Lazariste, supérieur pendant plus de vingt ans du séminaire de Vannes, a assuré qu'il ne lui avait jamais passé entre les mains un sujet qui pût être comparé à Le Port. M. Deshayes, curé d'Auray, plus tard supérieur de la communauté de Saint-Laurent-sur-Sèvre, le conduisit à Paris et le plaça à Saint-Sulpice. Mais aux premières vacances il quitta tout pour se rendre à la Trappe, où il arriva le 31 août 1816. Dès lors, son histoire se rattache à celle de Bellefontaine.

Dom Fulgence fut élu abbé de Bellefontaine le 7 juillet 1830 et démissionna en 1845 pour devenir procureur général des Trappistes à Rome. Dom Augustin fut Abbé depuis 1845 jusqu'en 1849. Dom Fulgence redevint Abbé de Bellefontaine en 1850 et démissionna pour cause de maladie le 29 novembre 1866. Le quatrième Abbé de Bellefontaine, dom Jean-Marie, a été élu en 1866.

i

TABLE DES MATIÈRES DE LA 22 ANNÉE (1922)

PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE

Notre-Dame-sous-Terre, à Angers (1450-1922)

Marie de Bretagne, abbesse de Fontevrault (1458-1477)..
La paroisse de Saint-Nicolas-lès-Angers (xVIIe et XVIII
siècles)

Le marquis de Magnannes (1664-1750).

La Providence de Baugé (1685-1922).

PAGES

193 65

3

11

196

Un Ministre d'Etat à Angers (1702).

69

La ville d'Angers en 1726...

Deux Bénédictins jansénistes à Saint-Florent-le-Vieil..
Clair Omo, professeur à la Faculté de Théologie d'Angers..
Quatre Ursulines jansénistes de Vendôme envoyées en Anjou
Le comte de Sapinaud, général vendéen (1760-1829).
La baronne de la Paumélière (1762-1843).

201

70

16

203

74

21

Mémoires d'une nonagénaire: Mme de Cambourg (1763-1855).
Le baron de la Paumélière (1764-1796)..
Un voyage en Anjou (1786)...

129

207

214

Les Hospitalières de Saint-Joseph de Beaufort pendant la
Révolution

220

L'abbé Chatizel et la constitution civile du clergé..

80

Le clergé du Plessis-Grammoire et de Sorges pendant la
Révolution....

[blocks in formation]

Un commissaire du Comité de Salut public en Maine-et-
Loire (Mogue)....

156

Le district de Saint-Florent-le-Vieil en 1795...

164

Un faux Louis XVII en Maine-et-Loire (Bruneau).

79

Un échec de l'abbé Bernier en Vendée (1796)...

36

Une lettre de Bourmont à Laréveillère-Lépeaux (1796).
La fête de la Liberté à Angers (27 juillet 1798).
Lettres de l'abbé Bernier (1801-1805)...

168

90

93

Le schisme de la Petite Eglise dans l'arrondissement de
Beaupréau

102

...

Les fêtes de saint Jean chez les Francs-Maçons d'Angers
(1804)

Le Sacre de l'Empereur et les Francs-Maçons d'Angers.
La police secrète dans l'arrondissement de Beaupréau (1805)
L'Empereur à Angers réception du clergé (1808).

Le premier Abbé de la Trappe de Bellefontaine.
Crimes à Maulévrier et à Pontigné (1818)....

Fondation du Dépôt de mendicité d'Angers (1831).
Une visite au château d'Angers (1834)..

La chapelle du Champ-des-Martyrs d'Avrillé.

Les prisons d'Angers en 1851.....

L'arrondissement de Saumur en 1853.

La naissance du Prince impérial et les Angevins (1856).
Les fouilles du Champ-des-Martyrs d'Avrillé (1867).
Mgr Freppel à l'Ecole normale primaire d'Angers (1871).
Le Président de la République à Saumur (1895)..
Bibliographie Angevine....

[blocks in formation]
« PreviousContinue »