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laines, obligé de sauter par dessus les murs de son presbyière, a été poursuivi pendant cinq jours dans sa fuite, a été décovert à Laval, où il s'était caché. Je ne sais ce qu'il est devenu depuis >>.

Le curé de Soulaines, en quittant Laval, s'était rendu à Paris. Le 26 août 1791, il adressait la lettre suivante à l'abbé Barruel, directeur du Journal ecclésiastique, au sujet des persécutions qu'il avait endurées dans sa paroisse de Soulaines :

« Malgré les troubles qui depuis deux ans agitent le royaume, la paix et le calme le plus profond avaient toujours régné dans la paroisse de Soulaines, en Anjou. Le tumulte et le désordre général n'avaient pu égarer un seul de ses membres; et lorsque, le fanatisme répandait partout l'alarme, l'horreur et la confusion, on ne s'était pas dérangé, une seule heure, du travail et des occupations ordinaires. Les décrets s'y exécutaient sans résistance; les impôts se payaient sans murmure; jamais on n'y avait entendu aucune expression contraire à la Constitution. -- La pureté de la foi n'était pas moins sensible que la sagesse de la conduite. On ne s'était pas contenté de fermer les yeux aux illusions du schisme et de l'erreur on avait consigné sa croyance, dans un monument authentique, d'une manière si claire et si rigoureusement exacte, que les plus opposés avaient été forcés d'y applaudir.

« Au mois de mars dernier, le district d'Angers nomma à cette cure un curé constitutionnel. Aucun prêtre ne s'étant présenté jusqu'à ce jour, le pasteur romain a continué ses fonctions. Mais à mesure que les pasteurs voisins ont été déplacés, la paroisse de Soulaines est devenue comme le centre de la catholicité du canton et l'asile des fidèles persécutés. Tous les jours de fêtes, une multitude immense se rendait aux offices et aux solennités; mais l'ordre, la paix, le silence régnaient tellement au milieu de cette affluence, qu'elle semblait une troupe de cénobites. Les paroissiens édifiés s'empressaient de les accueillir, les maisons et les tables étaient communes. Le presbytère était ouvert à ceux qui, ayant apporté leur nourriture, désiraient, pour la prendre, se mettre à l'abri du soleil; mais les repas ne duraient que des instants, on retournait bientôt à la maison du Seigneur et le jour était presque tout employé à la prière. Tout se passait sous les yeux et avec l'approbation de la municipalité.

« Les curés constitutionnels n'ont pu souffrir ce spectacle. On assure qu'ils sont allés au district d'Angers demander la tête du curé de Soulaines. La nuit du 29 juin, environ cent

hommes armés firent irruption dans son presbytère; ils brisèrent les armoires, les fenêtres, etc. Le maire accouru leur demanda où étaient leurs ordres : ils n'en montrèrent aucun. - Pour ne pas s'exposer à la brutalité dont plusieurs de ses confrères ont été la victime, le curé averti avait jugé à propos de s'éloigner.

<<< Depuis son absence, le même concours, le même ordre se perpétue on se réunit à l'église, aux jours et heures ordinaires. On y prie Dieu dans le silence, et le seul changement qui se fait sentir, est un accroissement de piété et de ferveur. On se retire en paix et on ne s'occupe que de la douleur d'être privé de la participation des sacrements et des saints mystères.

« Quand quelqu'un meurt, les paroissiens l'accompagnent à l'église et au tombeau, en priant dans le silence. Si un enfant vient de naître, on le baptise à la maison et le maire inscrit sa naissance sur les registres ordinaires. Cette conduite a achevé d'exciter la rage des voisins furieux. Sous prétexte que les paroissiens cachent leur curé, ils les vexent sans cesse par des recherches odieuses; au milieu de la nuit, ils assaillent des maisons, qui souvent ne sont habitées que par des dames ou demoiselles. Ils parcourent tous les appartements, brisent les armoires, renversent les lits, menacent du feu, etc.

<< Enfin il y a peu de jours, environ soixante de ces brigands investirent une maison où une femme était accouchée depuis peu; ils voulurent enlever de force l'enfant pour le faire rebaptiser par un prêtre jureur. La municipalité s'y présenta pour arrêter ces violences et reçut pour réponse des menaces d'incendier la paroisse et de renverser l'église. Le maire, auquel il eût été si facile de repousser la force par la force, se contenta de dresser procès-verbal de ces excès et de le présenter au département. Il y fut mal accueilli, on lui répondit qu'on avait envoyé un prêtre et qu'on ne l'avait pas reçu. Voici le fait :

« Un prêtre jureur se vantant publiquement d'être toujours armé de deux pistolets chargés, se présenta un jour chez le maire de Soulaines, pour lui annoncer qu'il dirait la messe le dimanche suivant. La femme, alors seule à la maison, effrayée par l'idée des pistolets, le pria de rester avec eux à la porte. De là, il passa chez un respectable habitant, pour le prier de le prendre en pension. Celui-ci lui répondit qu'il avait des domestiques qui ne voudraient pas le servir et que lui ne pouvait s'e. passer. Dans toutes les autres maisons, on ne lui a rien dit de mal, mais on ne lui a rien dit de bien. En conséquence, ce prêtre n'a pas reparu et s'est plaint qu'on ne lui a pas même

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offert un verre d'eau. Ne devait-il point, au contraire, admirer la conduite des paroissiens? Car qu'on dise qu'ils sont dans l'illusion, que le fanatisme les égare, il est de fait qu'un prêtre jureur est à leurs yeux ce que serait l'ange des ténèbres. Or, avec cette idée ne pas se permettre un seul procédé malhonnête, une seule expression injurieuse, n'est-ce point un prodige de retenue et de sagesse ? Le trouve-t-on au milieu de sectaires des prêtres jureurs ?

« Quoi qu'il en soit, Monsieur, voici trois questions auxquelles les faits ci-dessus ont donné naissance: 1) Les lois pénales qui, depuis la révocation de l'édit de Nantes, obligeaient les Français à porter les enfants nouveau-nés à l'église, abolies en faveur des protestants, existent-elles pour les catholiques? 2) Ces lois donnent-elles à une paroisse le droit d'enlever les enfants d'une paroisse étrangère ? 3) Quel est le tribunal chargé de réprimer ces excès ? - Consulter sur ces questions l'Assemblée Nationale, ce serait dans ce moment une témérité inutile. Permettez que je consulte par vous l'opinion publique. --CHATIZEL, curé de Soulaines.

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« P. S. Cette signature, Monsieur, ne doit pas vous étonner. Quoique depuis le 29 juin je ne sois pas rentré dans ma paroisse, je ne puis cesser de m'intéresser à mes paroissiens. Je suis leur curé dans le sens même de la Constitution; et si je voulais jurer, je n'aurais pas, d'après ses décrets, besoin d'une nouvelle institution ».

M. Chatizel publia au moins trois brochures en cette in d'année 1791. La première est intitulée : Lettre de Monsieur ***, curé du diocèse d'Angers, au P. Villar, évêque intrus du département de la Mayenne, au sujet de sa lettre pastorale du 4 juillet 1791 (s. 1. n. d., in-8° de 40 pages). La deuxième, datée de Paris, le 8 novembre 1791, a pour titre Lettre de Monsieur curé du diocèse d'Angers, à M. Pelletier, évêque intrus du département de Mayenne-et-Loire, au sujet de sa lettre du 20 septembre 1791 (Paris, Guerbart, in-8°, de 56 pages). La troisième, datée de Bruxelles, le 15 décembre 1791, porte pour titre Lettre d'un curé catholique d'Anjou à ses paroissiens ou préservatif contre l'enseignement des pasteurs constitutionnels (Bruxelles, Lemaire, in-8° de 23 pages).

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L'abbé Chatizel avait daté, de Bruxelles, cette troisième lettre, mais il habitait toujours Paris. Au mois de juin 1792, il publia, dans le Journal ecclésiastique de Barruel, une nouvelle lettre sous ce titre : Au Très Saint Père Pie VI, évêque de Rome et pontife de l'Eglise universelle, le clergé catholique des diocèses

du Mans et d'Angers, captif pour Jésus-Christ, par arrêté d.. département de Laval, du 23 mars 1792. Cette brochure fut ensuite imprimée à part (Paris, Crapart, in-8° de 15 pages). Elle est datée, de Laval, le 23 avril 1792.

M. Chatizel dut quitter la France par suite de la loi du 26 août 1792, qui prononçait la déportation contre les prêtres insermentés. Il s'embarqua à Granville le 15 septembre 1792, pour passer à Jersey et de là en Angleterre. Au début du Consulat, le 18 mars 1800, les habitants de Soulaines présentèrent au général d'Hédouville une pétition demandant le retour de leur curé. M. Chatizel revint dans sa paroisse, qu'il administra jusqu'en 1807. A cette époque, il devint prêtre habitué à SaintJoseph d'Angers, où il mourut le 22 septembre 1817, âgé de 84 ans.

La bataille de Saumur (9 juin 1793)

C'est le dimanche 9 juin 1793 que l'armée catholique et royalé de la Vendée s'empara de la ville de Saumur. Le lendemain, la garnison du château se rendit. L'armée républicaine tout entière, ainsi que les autorités, prirent la fuite.

De Tours, les représentants du peuple Tallien et Bodin, commissaires à l'armée des côtes de La Rochelle, écrivaient à la Convention, le 10 juin : « Les plus grands malheurs nous m.enacent. Les brigands (Vendéens) obtiennent tous les jours de nouveaux succès. Saumur est en ce moment en leur pouvoir. Notre armée est dans une déroute complète. Elle se replie sur Angers et Tours. Le général Menou (général en chef) vient d'arriver à Tours, couvert de six blessures : il a eu son cheval tué sous lui. Coustard, Santerre et Berthier sont seuls à la tête des troupes. Aussitôt que Menou sera pansé, il vous rendra compte, s'il lui est possible, de tous les détails de cette affaire. Nous ne pouvons anticiper sur son récit, n'ayant pas été spectateurs. Nos collègues de la Commission centrale de Saumur (Richard, Bourbotte, Choudieu, Delaunay et Dandenac, ces deux derniers partis pour Laval), vont arriver à Tours. Nous nous concerterons avec eux pour toutes les mesures à prendre. Mais, nous ne devons pas vous le dissimuler, nous n'avons à Tours aucun moyen de défense. Nous avons successivement fait passer à Saumur et à Niort toutes les troupes qui nous sont arrivées. Il ne nous reste en ce moment que les deux cadres

des 72° et 78° régiments, un bataillon de Paris qui devait partir aujourd'hui et que nous avons retenu, aucun canon, très peu de fusils. Telle est notre position. Nous venons d'expédier un courrier au général Biron (à Niort) pour le prévenir de nos désastres et l'engager à prendre toutes les mesures nécessaires pour les réparer. Envoyez-nous en poste des canons ; que tous les bataillons arrivent par la même voie ; des fusils surtout, car la majeure partie des bataillons, ceux de Paris exceptés, ne sont pas armés. - Richard arrive en ce moment. Nos collègues ne tarderont pas à le suivre. Bourbotte a eu son cheval tué sous lui d'un coup de canon. L'excès de fatigue auquel ils sont réduits, les empêche de nous donner en ce moment des détails circonstanciés sur cette malheureuse affaire, Mais ils ne peuvent nous dissimuler que c'est à la lâcheté de plusieurs bataillons et à la disette d'officiers généraux que sont dus les revers que nous avons éprouvés depuis plusieurs jours. Le 9 juin, à minuit, le canon du château de Saumur se faisait encore entendre la garnison a fait une vigoureuse résistance; mais nous avons la malheureuse certitude que la ville est au pouvoir des brigands. Nous sommes loin, malgré nos malheurs, de perdre courage; nous allons réunir les débris de notre armée et faire de nouvelles dispositions. Envoyez-nous des canons, des fusils, des officiers généraux ; nous en avons le plus pressant besoin. Le dessein de l'ennemi paraît être de se porter dans la Sarthe, pour de là se répandre dans les ci-devant provinces de Bretagne et de Normandie, où il compte trouver beancoup de partisans. Dans la journée, nous vous ferons parvenir les détails ultérieurs. Tous ceux-ci sont écrits au milieu du désordre inséparable d'une semblable déroute ». (Ministère Je la Guerre, Armée des Côtes de La Rochelle).

Le lendemain, 11 juin, les représentants Richard, Ruelle et Tallien mandaient, de Tours, à la Convention: « Le général Salomon, qui était à Thouars, avait reçu ordre de l'évacuer avec les cinq mille hommes qu'il avait sous ses ordres, et de venir joindre l'armée qui s'était repliée, après l'échec, sur les hauteurs de Bournan, et qui était composée d'environ huit mille hommes; mais les rebelles furent avertis par des traîtres de ce mouvement ils se portèrent en force sur le général Salomon, qui les attaqua sans hésiter à Montreuil-Bellay; après un combat très vif et très long, il crut prudent de se retirer et de se replier sur Parthenay. Ce fut sur les 4 heures et demie aprèsmidi, le 9, que commença l'affaire, par des escarmouches; les ennemis débouchèrent par trois colonnes, et ils établirent des

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