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les ont rangés dans le parti que d'autres ont refusé. Michelle Ernault, femme de Louis Ciron, a refusé le curé de SaintLéonard. La conteste règne en plusieurs ménages et même dans des villages entiers. Ils font accroire que l'administration des sacrements de la part de nos prêtres (M. Germond, curé constitutionnel de Trélazé, nommé le 14 mars 1791 par les électeurs du district d'Angers) est nulle, et qu'ils commettent des sacrilèges d'assister à leurs offices divins, que la Bulle d'excommunication du Pape est près d'arriver, et que tous ceux ou celles qui auront assisté à tel office seront privés de l'entrée du ciel, comme si le caprice d'un factieux pouvait arrêter les canaux de la grâce. Le père se révolte contre son fils, le fils contre le père, le mari contre sa femme et la femme contre le mari, le frère contre la sœur, la sœur contre le frère. Qu'il vous plaise aussi de poursuivre comme séducteur le nommé Langé, ancien domestique de M. de Soucelles, restant encore dans la maison de Madame, qui vient dans notre paroisse, avec des livres incendiaires, déranger les ouvriers de leur travail et leur prêcher la contre-révolution, à preuve de René Maréchal et Jacques Vallée, domestiques à Rocher, chez Jean Morigné, procureur de la commune de Trélazé. Nous espérons de vos bontés que vous chasserez tous ces perturbateurs » (L. 365). Dans sa séance du samedi-saint, le directoire du département autorisa le procureur général syndic à dénoncer les curés de Sorges et de Saint-Léonard, ainsi que Langé, à l'accusateur public près le tribunal du district d'Angers, pour être poursuivis comme perturbateurs du repos public, en exécution de l'article 7 du décret du 27 novembre 1790. (Le 30 avril, le procureur syndic du district d'Angers envoya à l'accusateur public la requête des officiers municipaux de Trélazé et la délibération départementale du 23 avril).

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Le mardi de Pâques, 26 avril, les officiers municipaux de Trélazé remettent au district d'Angers une requête tendant à obtenir la fermeture de l'église de Sorges réunie à leur paroisse. «Le sieur Davy, ci-devant curé, déclame ouvertement contre la constitution, prêche le fanatisme et l'insurrection, défend aux enfants d'assister aux offices et messes des assermentés cl porte le trouble dans toutes les familles ». Il est instant, disentils, de les autoriser à fermer la porte de cette église, dans laquelle le sieur Davy donne la communion et administre les fonctions curiales, que le décret de suppression de sa paroisse e l'ordonnance épiscopale lui interdisent. Séance tenante, le district autorise la municipalité à se faire remettre les clefs

de l'église de Sorges et à ne les confier que les fêtes et dimanches aux assermentés qui seront envoyés par l'évêque du département pour desservir la chapelle de Sorges. Le même jour, 26 avril, le district écrit à l'évêque de Maine-et-Loire : « La paroisse de Sorges est supprimée et réunie à Trélazé. Les habitants nous ont présenté la requête ci-jointe. Nous venons de remplir la moitié de leurs vœux, en les autorisant à fermer ladite église. S'il vous est possible de remplir l'autre, en leur adressant les dimanches et fêtes un prêtre pour y dire la messe, nous vous serons infiniment reconnaissants. Ils ont d'autant plus droit à ce service qu'outre qu'ils sont d'excellents citoyens, le décret qui supprime l'église de Sorges comme paroisse la conserve comme oratoire. Le prêtre que vous pourrez envoyer, doit être adressé la première fois à ces braves gens, je veux dire aux municipaux de Trélazé ».

Dès le 27 avril, la municipalité de Trélazé fit fermer l'église de Sorges et s'empara des registres paroissiaux, d'après l'ordre du district, et le 1er mai les administrateurs du département déclarèrent M. Davy déchu de ses fonctions.

Le 2 juin, les Amis de la Constitution de Trélazé se présentent à la séance de la Société des Amis de la Constitution d'Angers, pour dénoncer la « bassesse du ci-devant curé de Sorges et de celui de Saint-Léonard. Ce dernier ne cesse de solliciter, de pousser tous ceux qu'il croit rendre dans son parti détestable; c'est ce qui fait que nous sommes tous les jours exposés aux injures ».

M. Davy n'avait plus d'église. Les municipaux de Trélazé n'étaient pas encore satisfaits. Le 17 juin, ils adressèrent uno nouvelle requête au district : « Au mépris des décrets d'e l'Assemblée Nationale et des ordres des corps administratifs, le sieur Jacques Davy, réfractaire, vient de faire réunir ses habitants en une assemblée. Une députation y a été formée pour se tourner vers vous, afin de vous supplier d'accorder à ce cidevant curé de Sorges l'autorisation de faire ses fonctions ordinaires dans l'église de Sorges. En octroyant cela, vous augmenteriez le fanatisme, le schisme et l'aristocratie, qu'il ne cesse de prêcher dans toutes ses instructions: il défend formellement à ses habitants d'approcher des églises où les prêtres assermentés remplissent leurs fonctions. Nous vous supplions donc, pour la paix et la tranquillité des paroisses voisines, de vous servir de votre autorité pour y faire régner la paix, d'autoriser de nouveau les habitants de Trélazé à faire l'enlèvement des ornements de la ci-devant paroisse de Sorges, cette paroisse

leur étant réunie suivant votre tableau de paroisses conservées et le décret qui y renvoie. Prêtez-nous main-forte pour éviter le refus que le sieur Davy et les habitants de Sorges se proposent de faire. Il est toujours dans sa ci-devant cure ». Aussitôt les administrateurs du district décident d'appliquer l'arrêté départemental du 24 mai 1791 qui enjoignait aux ecclésiastiques dont la présence donnerait lieu à la fermentation, de sortir de la paroisse et de se retirer à Angers, où ils seraieat sous la surveillance des corps administratifs.

Le 19 juin, dimanche de la Trinité, sur mandat du sieur Viger, procureur-syndic du district d'Angers, les gendarmes se transportent à Sorges pour sommer M. Davy de venir se fixer au chef-lieu du département. N'ayant pu le découvrir à son domicile, ils chargent le domestique de la cure de faire la commission à son maître (L. 365).

L'arrêté du 24 mai portait que si les ecclésiastiques ne vodlaient pas obéir et se retirer à Angers sous trois jours à partir de la notification, on les conduirait hors du territoire du département. M. Davy ne voulut pas s'exposer à une pareille peine, et afin de ne pas trop s'éloigner de ses chers paroissiens, il partit le 20 juin pour Angers. Sitôt son arrivée, il écrivit aux administrateurs de Maine-et-Loire : « Jacques Davy, curé de la paroisse de Sorges, remplacé, en vertu des décrets de l'Assemblée Nationale, vous expose qu'il y a rempli les fonctions cu saint ministère pendant quatre mois, à partir du 1er janvier 1791. Pourquoi il requiert qu'il vous plaise ordonner que son traitement lui soit payé, conformément aux décrets de ladite Assemblée, ce qu'octroyant vous ferez justice » (L. 980).

L'autorité publique ne désarmait pas. C'est ainsi que le 3 juillet 1791, le procureur-syndic du district d'Angers mandait au commandant de la garde nationale : « Faites arrêter et conduire au Petit-Séminaire d'Angers M. Davy, ex-curé de Sorges, dans le cas où il serait trouvé hors d'Angers ».

En quittant Sorges, M. Davy reçut l'hospitalité de l'abbé Huchelou des Roches, un autre confesseur de la foi, qui demeurait rue Saint-Julien. Il y était encore l'année suivante. Il échappa à l'emprisonnement général des prêtres insermentés, qui eut lieu le 17 juin 1792, et fut obligé dès lors de se cacher. Arrêté au mois de décembre 1793 sur la paroisse du PetitParis (Saint-Martin-du-Fouilloux), M. Davy fut interné à Angers et, le 5 janvier 1794, la Commission militaire l'interrogea comme suit « Pourquoi il n'a pas obéi à la loi de la déportation (26 août 1792)? Par la crainte. - Où il a passé la Loire avec

les brigands (Vendéens)? Il n'est jamais allé avec eux. il a été arrêté ? Sur la paroisse du Petit-Paris.

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s'est toujours caché? Par le même motif de crainte. Il re devait rien craindre s'il eût été dans le lieu qui lui avait été assigné par le département ? Cela peut être ».

Condamné à mort séance tenante, M. Davy fut guillotiné le même jour, 5 janvier, à quatre heures du soir, sur la place du Falliement (Anjou Historique, IV, 529).

Disons un mot du prêtre qui rétablit le culte à Sorges n 1800. M. Louis-René Queneau, né à Angers le 28 octobre 1762, vicaire à Grézillé au moment de la Révolution, refusa le serment, se retira chez sa mère, rue Saint-Aignan, à Angers, au mois de mars 1791, fut emprisonné au Séminaire le 17 juin 1792 et partit pour la déportation en Espagne le 12 septembre suivant. Rentré avant le 18 fructidor, nous le voyons faire des baptêmes à Angers les 30 mars, 26 avril et 12 mai 1797. Après le coup d'Etat du 18 brumaire, M. Queneau fit visite au général d'Hédouville, qui, le 1er février 1800, lui donna une lettre de recommandation. M. Meilloc, vicaire général d'Angers, désigna alors M. Queneau pour aller exercer le culte à Sorges, et le 28 février la municipalité d'Angers lui délivrait un passeport. Les choses allèrent bien pour commencer. C'est ainsi que, le 3 mars, on écrivait, d'Angers, à M. Dron, déporté en Espagne : «Nous avons eu la messe à Saint-Nicolas dans le réfectoire, une autre en Reculée, à Saint-Augustin près l'Image de Morue, une autre à Foudon, une à Sorges, à Saint-Jean-des-Mauvrets, a Beaucouzé, à Avrillé, etc. »

Il faut savoir que le 27 octobre 1795 l'administration centrale de Maine-et-Loire avait réuni à la commune des Pontsde-Cé la plus grande partie de la paroisse de Sorges. A ce titre, la municipalité Pont-de-Céiaise prétendit exercer ses droits, et au début d'avril 1800, elle fit fermer l'église ! Aussitôt le général Girardon, commandant la subdivision de Maine-et-Loire, écrivit au préfet du département (lettre du 16 avril) : « La municipalité des Ponts-de-Cé vient de faire une étourderie en enlevant les clefs de l'église de Sorges, où le citoyen Queneau, ministre du culte catholique, exerce depuis quatre décades, sur mon autorisation donnée d'après sa promesse (de fidélité à la Constitution de l'an VIII). Cette insolence tire à la plus grande conséquence; je viens d'écrire à cette municipalité et vous prie d'arrêter les vexations que quelques-uns se permettent encore.

Elles troubleraient le pays ». L'église fut rouverte, et M. Quereau continua de desservir la paroisse jusqu'à l'application du Concordat. Le 10 décembre 1802, il fut nommé curé de a Bohalle et en janvier 1804, curé d'Ecouflant; il démissionna pour raison de santé le 1er juillet 1830 et mourut à Saint-Laud le 13 février 1834.

Le premier curé concordataire de Sorges fut M. Just-Urbain Hébert, ancien prieur-curé de Cellières, déporté pendant la Révolution, et qui en novembre 1803 entra dans le diocèse de Meaux. Voici la liste de ses successeurs: MM. Billard (1803 1807), Silvestre (1807-1811), Lancelot (1811-1822), Fortin (1823 1824), Vannier (1824-1833), Bordier (1833-1839), Bellanger (1839 1853), Couronneau (1853-1876), Chevalier (1876-1881), Lemeunier (1881-1906), Rousselot, nommé en 1907.

Un échec de l'abbé Bernier en Vendée (1796)

Commencée le 12 mars 1793 à Saint-Florent-le-Vieil, ia guerre de Vendée fut terminée en Anjou et dans le HautPoitou par le traité que Stofflet et ses officiers signèrent le 2 mai 1795, à Saint-Florent-le-Vieil, avec les représentants du peuple envoyés par la Convention Nationale. L'une des clauses du traité portait : « Tout individu et toute section de citoyens quelconque peuvent exercer librement et paisiblement leur culte. Les individus et ministres de tout culte quelconque ne peuvent être troublés, inquiétés ni recherchés pour l'exercice libre, paisible et intérieur de leur culte ».

Stofflet reprit les armes le 26 janvier 1796, mais la religion n'avait aucune part à cette deuxième guerre de la Vendée, dont le motif était purement politique. Dès le 27 janvier, Hoche adressa une proclamation contre le général vendéen, qui fut arrêté le 24 février, à Jallais, et fusillé le 25 sur le Champ-deMars, à Angers.

Les officiers de l'armée d'Anjou et du Haut-Poitou nommèrent aussitôt d'Aulichamp général en chef à la place de Stofflet. D'Autichamp se livra immédiatement à diverses incursions et enleva plusieurs petits postes républicains. « Les troupes cantonnées à Chalonnes, lisons-nous dans les Affiches d'Angers du 12 mars, se sont laissées surprendre par deux ou

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