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enfant, et ne courut qu'une fois un danger, dû au hasard. Elle entrait dans un champ de genêts où elle allait cacher deux de ses enfants en bas âge, quand elle se trouva tout à coup en face de deux républicains égarés qui cherchaient à rejoindre leur corps. L'arrêter et la mettre en joue fut l'affaire d'un instant. Mme de la Paumélière je la vois encore refaisant son geste doux et résigné ramena de ses deux mains les deux enfants derrière elle et présenta sa poitrine au bout du canon. Un des soldats ne tire pas, l'autre tire et le coup rate: Allons, brigande, tu as du courage, f... le camp ! Pour mieux veiller sur les siens, Mme de la Paumélière avait pris l'habitude, qu'elle garda jusqu'à l'âge le plus avancé, de dormir le jour seulement, et, nous autres enfants, n'avions pas de plus grand bonheur que de rester le soir avec elle, aussi longtemps qu'on voulait bien nous le permettre, pour lui faire raconter les épisodes du terrible temps passé. Mme d'Armaillé était, comme sa mère, admirablement belle. Elle avait un son de voix d'un charme incomparable; elle s'accompagnait sur la harpe sans beaucoup d'art, mais avec beaucoup d'expression, et on ne pouvait, sans être vivement touché, lui entendre chanter les chansons vendéennes ».

Dans ses Souvenirs, la comtesse de la Bouĕre (1770-1867) parle également de sa camarade la baronne de la Paumélière :

« Ce fut dans le mois de juin 1793, lorsque les Vendéens évacuèrent Angers pour aller à Nantes, que Mme de Rochetemer et Mme de Cambourg, sa fille, avec ses deux enfants, prirent le parti de suivre les royalistes dans la Vendée. La belle-sœur de Mme de Cambourg, Mme de la Paumélière et ses trois enfants, les accompagnèrent. Comme les bleus étaient à Saint-Quentinen-Mauges qu'elles devaient traverser, elles prirent le parti de retourner au Lavoir et achetèrent bien vite des étoffes pour se déguiser.

«Leur frayeur augmentant après le départ de l'armée (18 octobre 1793), ces dames voulurent essayer de passer la Loire; elles allèrent dans la commune de Rochefort, où je crois qu'elles avaient une maison. Le lendemain de leur arrivée, elles entendirent un grand bruit aux portes de leur habitation : c'étaient les bleus... Heureusement le bordier les reçut, lear donna à manger, et ils s'en allèrent sans entrer dans leur logement.

« Ces dames étant prévenues que des gens de Rochefort devaient faire des perquisitions chez elles, se décidèrent à partir

au milieu de la nuit pour aller au Lavoir, après avoir fait avertir d'autres personnes qui se cachaient aussi. Lassées de fuir, ces dernières préférèrent courir la chance d'attendre leur sort. Elles furent arrêtées et périrent sur l'échafaud à Angers. Une seule. parvint à se sauver ce fut Mile de la Ferrière.

« Quant à Mmos de Rochetemer, de Cambourg et sa belle-sœur, revenues au Lavoir, elles se cachèrent dans une métairie près de la Morosière, jusqu'au moment où de nouvelles frayeurs les conduisirent au Pré-Grimaud, paroisse de la Poitevinière..

« Quelques jours avant la fête de Noël 1793, M. Soyer l'aîné, qui venait de repasser la Loire, avait été blessé par un Vendéen qui l'avait pris pour un bleu. Il vint se réfugier près de la métairie où se trouvaient ces dames. Mme de Cambourg alla chercher le médecin de Jallais, caché dans les environs, pour enlever la balle de la blessure de M. Soyer; il refusa, de crainte de se compromettre.

<< Comme Mmes de Cambourg et de la Paumélière avaient manqué d'être arrêtées le jour où M. de la Bouĕre fut surpris par les bleus aux Aulnais-Jagus (La Poitevinière), elles s'étaient retirées à la métairie de la Planche (Neuvy-en-Mauges); elles y étaient la veille de Noël, quand elles voulurent chercher quelques effets restés au château du Lavoir. Des soldats républicains les rencontrèrent en chemin ; quoique déguisées et sedisant femmes d'ouvriers, ils ne les crurent pas et persistaient à vouloir les emmener comme appartenant à des chefs royalistes. Ces dames protestèrent en vain. Le commandant leur dit qu'il manquerait à son devoir en les laissant libres, tout ce qu'il pourrait faire serait de laisser leurs enfants. Les bleus dirent à Mm de Cambourg qu'elle était une religieuse. Elle eut beau leur montrer ses deux enfants, ils en étaient convaincus. Effectivement, cette dame avait une figure de vierge. Au moment de se séparer de leurs enfants, au nombre de cinq, ces pauvres petits se jetèrent aux genoux des soldats, pour les supplier de ne pas leur enlever leurs mères ! Ce spectacle touchant finit par émouvoir le commandant. Il consentit à abandonner les deux dames; leurs enfants, tous les jours, n'oublièrent jamais de prier Dieu pour l'officier humain qui leur avait rendu leurs

mères.

« Après avoir été se cacher au moulin de Vernon (Jallais), elles le quittèrent parce qu'il était près d'un chemin, ce qui pouvait les faire découvrir. Guidées par la bonne meunière, elles vinrent à la métairie du Chêne-Percé (Jallais). Les braves gens qui l'habitaient, les accueillirent très bien, leur disant qu'ils ne

craignaient pas de se compromettre en gardant ces dames auprès d'eux ; il ne leur arriverait que ce que Dieu permettrait; au contraire, s'ils refusaient asile à ceux qui en manquaient, cela leur porterait malheur. Les pauvres fugitives y restèrent fort longtemps et sans accident pour elles et ceux qui les avaient reçues. Voilà quelle était l'hospitalité de la Vendée ! Au sortir de cette métairie, ces dames purent retourner au Lavoir.

« A l'époque de la reprise d'armes de Stofflet (26 janvier 1796), M. de la Paumélière fut pris, conduit à Angers et fusillé comme émigré. Cinq ou six jours avant, il vint à la Bouëre (Jallais). Pendant le peu d'heures qu'il y resta, il ne pouvait rester en place il s'asseyait, allait et venait d'une fenêtre à l'autre, et avait l'air d'en mesurer la hauteur comme disposé à la franchir à la moindre alarme. C'était comme un présage du sort qui le menaçait. Il est vrai de dire qu'il se trouvait à une demi-lieue d'un cantonnement de républicains, et il pouvait craindre une surprise.

« M. de la Paumélière était dans une métairie, paroisse de Neuvy, quand il fut prévenu qu'on venait de voir les bleus. On a dit qu'il aurait eu le temps de s'échapper, s'il n'avait pas e1 la vue basse, ce qui l'avait fait s'égarer en chemin ; il fut arrêté et conduit à Chalonnes. Mme de la Paumélière apprit cette arrestation d'une manière bien cruelle: elle était encore couchée, dans une métairie où elle s'était réfugiée. Un étranger, ignorant qu'elle était là cachée par des rideaux, raconta comment son mari avait été fait prisonnier et emmené à Angers ! Désespérée, elle voulut aller le rejoindre. On l'en empêcha en lui disant que cela ferait deux victimes au lieu d'une. Elle était grosse et fit une fausse couche.

<«< Quant à M. de la Paumélière, lorsqu'il se vit dans un bateau sur la Loire pour aller à Angers devant un conseil de guerre militaire, il perdit tout espoir et fit son sacrifice. Il y avait peu de temps que, revenu d'émigration, il jouissait du bonheur d'avoir retrouvé sa femme et ses trois enfants. Il est facile d'imaginer ce que ce sacrifice avait d'affreux ! A Angers, il fut mis dans une prison située près du Pilori et des Halles. Lorsque, peu de temps après, Stofflet fut amené dans cette ville avec ceux qui avaient été pris avec lui, c'est dans cette même prison qu'on les renferma.

« Les deux sœurs de Mme de la Paumélière, qui habitaient Angers, obtinrent de l'aller voir. Elles tentèrent toutes les démarches possibles pour le sauver, et trouvèrent de la pitié dans l'aide-de-camp du général Baillot. Ce jeune homme,

nommé Lafaye, aurait voulu leur être utile; mais il y avait malheureusement à la tête du Conseil un officier, nommé Flavigny, qui fut impitoyable.

<< Des promesses de récompense au geôlier de la prison, pour faciliter l'évasion du prisonnier, furent vaines. Il n'y avait plus d'espoir que dans l'intérêt de Larévellière-Lépeaux pour M. de la Paumélière. Ce membre du Directoire l'avait connu à Faveraye, où ils s'étaient vus souvent; mais il fallait attendre sa réponse L'activité barbare de Flavigny lui fit hâter le jugement, c'était désespérant. Au Conseil militaire, le malheureux prisonnier, n'ayant pas d'avocat, fut obligé de se défendre luimême. Il fut condamné à être passé par les armes dans les 24 heures. Ses pauvres sœurs en eurent un tel désespoir, qu'elles ne se sentirent pas la force d'aller partager les derniers instants qui lui restaient à vivre. Il y eut cependant une parente de M. de la Paumélière, M Mabille, qui vint lui porter ses dernières consolations. Le lendemain, à midi, on enleva le prisonnier de son cachot pour le mener au lieu de son exécution, et, par un raffinement de cruauté, on le fit passer dans la rue de l'Hôpital (rue David), où demeuraient ses sœurs, chemin qu'on ne prenait jamais pour cette translation ».

Le clergé de Sorges pendant la Révolution

Né à Saint-Aubin-du-Pavoil en 1737, M. Jacques Davy fut nommé curé de Sorges en 1778. Le 30 janvier 1791, le maire de Sorges (Jacques Houtin) adressa aux administrateurs du département le procès-verbal constatant que M. Davy avait publiquement refusé de faire le serment de la constitution civile du clergé (L. 963). Mais voilà que le 17 avril suivant le roi supprime constitutionnellement la paroisse de Sorges et la réurit à Trélazé. A partir de ce moment, M. Davy dut subir une persécution incessante de la part de la municipalité de Trélazé.

Le 18 avril, lundi de la semaine sainte, parut une ordonnance de l'évêque constitutionnel de Maine-et-Loire au sujet des Pâques « Nous avons la douleur d'apprendre qu'au mépris du décret du Concile général de Latran, qui ordonne de communier à Pâques dans sa paroisse, on s'est permis dans les premiers jours de cette quinzaine d'administrer la sainte Eucharistie dans les églises qui ne sont point paroissiales, sans une

permission expresse de nous ou de nos vicaires. Voulant arrêter ce scandale, après en avoir déliberé avec notre conseil, nous statuons ce qui suit : Défendons sous les peines de droit dans toute l'étendue de ce diocèse à nos fidèles de faire la communion pascale en d'autres églises que celle de leur paroisse, et à tout prêtre quelconque de la leur donner ».

Dès le jeudi-saint, la municipalité de Trélazé écrivit à M. Davy : « Vous qui dans tous les temps avez été un pasteur exemplaire, daignez l'être de plus en plus dans la circonstance présente, et ne cherchez point à semer la division ni dans les familles ni dans les ménages. Beaucoup de murmures se font déjà entendre, et beaucoup de scandales se répandent dans notre paroisse. Vous n'ignorez pas que le Concile de Latran, sous des défenses expresses, engage les brebis à se réunir à leur troupeau, par conséquent les habitants à leur pasteur, pour que chacun d'eux puisse se reconnaître les uns et les autres dans ce précieux moment. Il en est déjà qui se sont égarés de leur troupeau. Ayez la complaisance de veiller à ce que pareille chose n'arrive pas à d'autres. Vous nous forceriez, contre notre intention, à faire des réclamations. C'est ce que, remplis d'humanité et liés de fraternité, nous vous supplions de faire ». Aussitôt le curé de Sorges répondit à M. Bougeant, maire de Trélazé, qui demeurait à la Pyramide : « Je suis bien aise que vous sachiez que, lundi dernier, je formai la résolution de ne point recevoir pour les sacrements des personnes qui ne seraient pas de ma paroisse ». Dans la soirée du même jour (jeudi-saint), il écrivit une seconde lettre à M. Bougeant, celle-là beaucoup plus énergique : « Quand j'ai reçu votre lettre du présent jour, j'étais accablé d'affaires. Ma réponse, dictée par la charité, faite à la hâte, ne répondait pas à tout le contenu de votre lettre. Ayant relu votre lettre, j'ai été bien surpris d'y lire ces paroles: Ne cherchez point à semer la division ni dans les familles ni dans les ménages. Cette imputation ne me convient point du tout, soyez-en convaincu ».

Le lendemain, jour du vendredi-saint, la municipalité et a société des Amis de la Constitution de Trélazé envoyèrent une dénonciation contre M. Davy au directoire du département :

Depuis l'époque du serment civique des prêtres, le curé de Sorges et celui de Saint-Léonard ont attiré dans leur parti réfrac taire aux lois ceux qui ont été assez faibles de les croire, f leur nombre se multiplie tous les jours. Le dimanche des Rameaux arrivé, ils ne se sont pas fait de scrupule d'administrer la communion pascale à nos citoyens. Il est à croire qu'ils

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