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pauvres imbéciles à qui les prêtres ont fait tourner la tête, mais qui ne peuvent nuire à la chose publique. Je vous invite donc à m'autoriser à les relaxer jusqu'à nouvel ordre, et qu'il se trouve des preuves plus caractérisées. » (L 1097).

Le 9 janvier 1794, huit forcenés vinrent cambrioler la chapelle de l'hôpital et détruisirent dans la maison tous les signes religieux qu'ils purent trouver.

C'est le 15 avril 1794 que les hospitalières de Beaufort furent arrêtées pour refus du serment de Liberté et d'Egalité, et conduites en prison à Angers. Condamnées à la déportation le 22 avril, elles partirent d'Angers le 24 juin et arrivèrent à Lorient le 6 juillet (1). Elle repartirent de Lorient le 18 mars 1795 et purent rentrer à Beaufort le 14 avril (Anjou Historique, XI, 243).

En arrivant à Beaufort, les sœurs furent reçues dans des maisons amies, mais sans pouvoir rentrer à l'hôpital.

Le citoyen Pelé, administrateur de l'hôtel-Dieu de Beaufort depuis 1779, écrivit, le 10 mai 1795, au district de Baugé : << Personne ne connaissant mieux que moi la situation actuelle de notre Hôtel-Dieu et le besoin que nos pauvres malades ont de leurs anciennes gouvernantes, je me trouve dans la nécessité de vous engager à vouloir bien employer votre autorité afin de faire rentrer les ci-devant hospitalières dans la maison où elles étaient, pour donner leurs soins et leurs secours accoutumés aux pauvres de cette commune qui, comme moi, les réclament et en sentent tout le besoin. »

Les administrations de district ayant cessé d'exister à la fin de la Convention, la municipalité de Beaufort s'adressa à l'administration centrale du département. On lit dans sa délibération du 22 décembre 1795: « Le Conseil municipal est chargé d'envoyer demain près l'administration un commissaire porteur d'une Adresse, dans laquelle il sera exposé que l'assemblée a recueilli dans l'opinion publique qu'il y a des avantages et des inconvénients à réintégrer à l'hospice les ci-devant hospitalières, éparses dans plusieurs maisons de Beaufort. Un certain nombre d'habitants paraissent désirer les voir rentrer dans leurs fonctions, tandis que d'autres en nombre plus ou moins considérable paraissent s'inquiéter des suites de cette rentrée. Déjà même il

(1) Une des sœurs fit le serment le 22 avril et fut le lendemain remise en liberté. Par suite d'une erreur dans les écritures, deux autres sœurs ne partirent point pour la déportation et restèrent en prison à Angers, où on les libéra le 7 mars 1795.

s'est à ce sujet livré des combats d'opinion dont le progrès est à craindre. Ainsi l'administration du département sera invitée à procurer elle-même à cet établissement les cinq sujets nécessaires pour compléter le nombre de huit précédemment déterminé. » Le 27 décembre, l'administration centrale interdit la rentrée des sœurs, « femmes entachées d'aristocratie et de fanatisme, qui, oubliant ce qu'elles devaient à l'humanité, au service de laquelle elles s'étaient solennellement consacrées, ont abandonné leurs devoirs et résisté aux lois de la République.

Le 13 avril 1796, la municipalité revint à la charge et adressa à l'administration départementale la pétition suivante: «Il existe à Beaufort deux hospices, l'un dit Hôpital des malades, l'autre appelé maison des Incurables. Les ex-religieuses à qui le premier de ces établissements était confié, refusèrent en 1791 le serment qui était exigé de tous ceux qui tenaient à l'ancien clergé de France. Dix-huit mois après, elles furent expulsées de leur maison et remplacées auprès des malades par des citoyennes de la ville de Beaufort, dont on n'exigea ni serment ni déclaration préalable. Cette mesure révolutionnaire a privé l'humanité souffrante des secours que l'expérience, le zèle et les vertus compatissantes procuraient à l'infirmité. D'un autre côté, le régime intérieur de la maison en a singulièrement souffert; les dépenses se sont multipliées, lors même que le nombre des malades diminuait; la pharmacie est restée depuis presque sans direction; tout s'y est fait au hasard. Qu'attendre, en effet, d'une pareille association de citoyennes sans expérience dans des fonctions aussi intéressantes, sans vocation pour un emploi aussi répugnant en lui-même ? Quelle économie, quelle subordination exiger de personnes qui, quoique fort estimables et zélées personnellement, ne se sont fixées dans cet asile que pour obtempérer aux réquisitions qui leur furent faites et qui, sans règlement et sans chef, ne se regardent que comme précairement placées et menacent de quitter si elles ne sont payées en numéraire de leur traitement ? Les ex-religieuses, au contraire, attachées à leurs devoirs par un sentiment qui les honorait, étrangères au monde et aux mouvements révolutionnaires, ne s'occupaient que de leurs devoirs auprès des malades. Aussi ne peut-on leur reprocher ni propos ni démarches indiscrètes. Coupables sous le seul rapport du refus de s'assermenter, elles ont été chassées d'une maison où elles pratiquèrent ces vertus consolatrices, seules capables de faire oublier l'infortune de ceux qu'elles assistaient jusqu'à la mort. - Parce que ces femmes n'ont pas prêté un serment que tant d'autres ont violé

d'une manière si outrageante pour l'honneur et la sûreté de la République, les laisseriez-vous plus longtemps errantes, sans asile et presque sans ressources ? les priveriez-vous des secours que tant de victimes du sort ont reçus d'elles ? les condamneriezvous à la nullité, lorsqu'il est démontré qu'elles peuvent mieux que toutes autres administrer les hôpitaux, où tout y atteste leur économie, leurs succès et leur zèle ? Ah! nous ne pouvons le croire. Etrangers à ces victimes, si ce n'est par la pitié et le respect qu'elles nous inspirent, nous ne pouvons nous montrer indifférents à leurs malheurs personnels et au préjudice qu'en souffre la classe des pauvres qui en différentes occasions n'a cessé de les réclamer. Solliciter pour elles votre justice, c'est parler en faveur de la vertu opprimée et de l'humanité qui souffre. La franchise qui nous dirige ne craint pas les clameurs de l'opposition; d'ailleurs, nous devons satisfaire à l'impulsion de nos cœurs et vous assurer que s'ils étaient moins à la République nous n'oserions pas vous en transmettre les expressions. Daignez donc par un acte paternel céder à notre réclamation et nous autoriser à replacer auprès des pauvres malades celles des anciennes hospitalières que nous croirons les plus capables de leur administrer les secours dont ils ont besoin. Ce n'est point un couvent que nous voulons former, ce ne sont pas des religieuses que nous voulons rétablir dans leur observance constitutive, c'est un hôpital que nous voulons administrer avec ordre et économie, c'est une institution précieuse que nous voulons rappeler à son utilité première. Notre projet est en tout conforme aux principes républicains. Pour le faire réussir, nous ne voulons employer que des moyens qui soient compatibles avec nos devoirs et avec les égards de la reconnaissance qui est due aux citoyennes qui se sont livrées depuis près de trois ans au service des malades. Notre surveillance doit, d'ailleurs, vous rassurer sur les suites; et si les personnes pour lesquelles nous nous adressons à votre autorité, étaient susceptibles d'influence, ce qui n'est pas présumable, n'apercevez-vous pas qu'elles seraient dès lors bien plus dangereuses répandues dans le monde que consignées dans un hôpital? — Si, comme on nous l'assure, les ex-religieuses de Laval, Baugé et la Flèche quoique non sermentées sont restées à leurs fonctions, pourquoi en serait-il autrement dans la commune de Beaufort qui est tout entière à la Révolution ? »

Le 11 novembre 1796, nouvelle lettre de la municipalité beaufortaise à l'administration départementale : « Si les personnes qui étaient chargées du régime intérieur des hospices civils n'y

sont pas réintégrées, il sera impossible d'y rétablir une parfaite harmonie. Comme nous ne pouvons sans le secours des congrégations organiser les hospices et les écoles publiques, nous allons essayer de vous avouer le projet que nous avons, depuis longtemps, de réintégrer dans notre hôpital une partie des anciennes hospitalières et, quoique pareille demande vous ait été faite sans succès en germinal dernier, nous aimons à croire que les circonstances plus favorables pourront déterminer votre assentiment. Nous vous dimes lors, comme aujourd'hui, que leur rentrée pouvait seule remettre l'hospice à son permier état d'utilité publique; que leur économie domestique, leur zèle infatigable pour l'humanité, leur vocation prononcée pour le service répugnant des malades, leur expérience et même leurs mœurs les y appelaient exclusivement; que ces femmes, sans prétentions et sans influences, n'avaient à craindre aucun reproche pour faits et discours contraires à la Révolution, et le seul crime, si c'en est un, qui les fit enlever de cet asile, fut le refus d'un serment que tant d'autres paraissent avoir rétracté. -N'est-il pas temps que, privées de tout secours, elles puissent, par un travail auquel elles sont particulièrement propres, se procurer le moyen d'exister? La justice, l'humanité, les bonnes mœurs et même la politique prescrivent cette mesure à tous ceux qui aiment leur pays. Nous ne craignons donc pas, en avouant nos principes, qui sont heureusement ceux de la presque unanimité de nos concitoyens, de vous demander autorisation suffisante pour replacer en notre hospice celles des anciennes hospitalières que nous croirons les plus propres à ce service public. Votre refus d'agréer notre projet ne pourrait que rendre plus pénibles nos f nctions. » (Archives de la Mairie de Beaufort).

C'est seulement le 16 août 1797 que la Commission administrative de l'Hôtel-Dieu de Beaufort décida de choisir huit religieuses sous le titre d'infirmières et touchant un traitement fixe. Cette délibération fut bien approuvée le 18 septembre par l'administration départementale, mais depuis quelques jours avait eu lieu le coup d'Etat du 18 fructidor (4 septembre) et on voulut exiger des hospitalières le nouveau serment de haine à la royauté et à l'anarchie. Les sœurs refusèrent et ne rentrèrent pas à l'hôpital.

Enfin elles purent rentrer dans leur chère maison le 20 mai 1800. Elles reprirent leur habit le 28 juin 1802. La grille du chœur fut remise le 30 janvier 1803, et le 25 mars 1803 un arrêté préfectoral autorisa le culte dans la chapelle (il ne s'y

exerçait plus depuis dix ans). Un autre arrêté du 15 septembre 1804 approuvait le traitement de l'aumônier, fixé à 400 francs.

Dans un certificat délivré le 28 septembre 1804, le maire de Beaufort disait que les religieuses établies en cette ville depuis 1671 avaient « continué de mériter l'estime et la confiance, s'étant toujours appliquées à ne recevoir parmi elles que des sujets éprouvés relativement à la moralité et à la capacité, » et qu'elles avaient donné « des preuves de leur zèle ardent pour le soulagement de l'humanité souffrante par les maladies qui avaient régné dans le pays. »

Un décret impérial du 26 décembre 1810 a donné aux sœurs de Saint-Joseph de Beaufort la reconnaissance légale du Gouvernement (Anjou historique, VI, 392).

A la date du 16 janvier 1813, le maire de Beaufort mandait au sous-préfet de Baugé « Trente-quatre individus ont été soignés chaque jour dans l'hospice des malades pendant 1812. Il existe 18 sœurs hospitalières et six sœurs domestiques; 8 seulement sont rétribuées, les autres vivent de pensions ou de revenus particuliers à chacune d'elles. Six sœurs hospitalières et trois sœurs domestiques sont absolument hors d'état d'être utiles, à raison de leur âge et de leurs infirmités, mais on ne peut dire qu'elles sont à la charge de l'hospice: elles vivent par leurs propres moyens ou par ceux de la congrégation. Il y a deux postulantes seulement. Quatre sœurs ont été admises depuis 1808, savoir Mmes Marie Béritault, âgée de 20 ans, reçue sœur hospitalière le 19 mars 1811, ayant fait des vœux pour un an, Rose Breton, sœur domestique, âgée de 31 ans, reçue le 20 juillet 1811, vœux de cinq ans, Louise-Pauline Réveillère, âgée de 38 ans, reçue sœur domestique le 27 mars 1812, vœux de cinq ans, Claudine-Françoise-Joseph Huard, âgée de 42 ans, reçue sœur hospitalière le 31 août 1812, vœux de cinq ans. Le maire remplissant les fonctions d'officier public de l'état civil a figuré lors de l'émission des vœux de ces quatre sœurs, et en a rédigé les actes sur un registre double, conformément à l'article 8 de la loi du 18 février 1809. Les sœurs occupent la maison qui leur a été destinée dès la fondation, elle tient aux autres bâtiments. D'après un arrêté de l'administration centrale du département (18 septembre 1797), les huit sœurs qui sont rétribuées reçoivent leur traitement en argent et en denrées pour leur entretien et leur nourriture: 100 francs pour chacune d'elles pour leur entretien, 343 décalitres de froment, 86 décalitres de seigle, 14 hectolitres 1/4 de vin, 39 stères de bois et 600 fagots à deux liens aux conditions de faire cuire le pain et de chauffer

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