Page images
PDF
EPUB

-

Quelque temps après la mort de M. de la Paumélière et de Stofflet, on écrivait : « Le vendredi 19 février, M. Louis Mabille de la Paumélière, d'Angers, a été conduit à Angers. Il avait été pris dans la paroisse de Neuvy. Après un jugement du Conseil militaire, il a été condamné à mort comme convainçu d'émigration. La sentence a été exécutée sur le Champ-de-Mars, le lundi 22 février, sur les huit heures du matin. Avant de mourir, il a donné 45 livres en argent qu'il avait, à ceux qui étaient chargés de le fusiller, en disant qu'il leur pardonnait. M. Stofflet a été arrêté le mercredi 24 février dans la ferme de la Saugrenière, paroisse de Jallais, et conduit à Angers le même jour. Il est entré en ville sur les cinq heures du soir. Une foule immense de peuple était sur son passage et criait Vive la République et poussait des hurlements et des cris de mort. Il était accompagné de quatre de ces gens deux étaient Allemands et simples fusiliers. Il y avait un jeune homme de 15 ans. Ils ont tous été jugés dans la nuit et condamnés à mort, à l'exception du jeune homme, qui a été à cause de son bas âge condamné seulement à la prison jusqu'à la paix. On en a mis un autre à sa place, qui a été fusillé avec Stofflet et ses trois gens dans le Champ-de-Mars sur les neuf heures, le jeudi, deuxième jour de leur jugement, en présence de toute la populace de la ville et de la garde nationale. Ils ont montré beaucoup de courage; ils se sont recommandés aux prières des personnes qui les entouraient, en se félicitant de mourir pour leur Dieu et leur Roi. » (Archives du château du Lavoir).

Flavigny, président du Conseil militaire, écrivit à la municipalité d'Angers que M. de la Paumélière avait été condamné à mort comme « convainçu d'émigration et chef de rebelles. >> En conséquence, les officiers municipaux rédigèrent comme suit l'acte de décès : « Le 3 ventose, l'an quatre de la République Française (22 février), Louis Mabille de la Paumélière, âgé de 31 ans, natif d'Angers, est décédé premier arrondissement de cette commune. >>

Furent également condamnés à mort le 25 février et fusillės le même jour: 1) Nicolas Stofflet, « chef des rebelles de la Vendée »; 2) Charles Lichtenheim, natif de Prade, province de Franconie en Prusse, ancien officier au service de l'Empereur, << un des officiers de Stofflet »; 3) Joseph-Philippe Desvarannes, né à Ancenis, ancien commis au district de cette ville, « un des officiers de Stofflet »; 4) Joseph Moreau, né à Chanteloup, « brigand » ; 5) Pierre Pinot, né à Cholet, « brigand ».

Dans ses Souvenirs, la comtesse de la Bouëre (1770-1867)

parle du baron de la Paumélière : « Cinq ou six jours avant son arrestation, il vint à la Bouëre (Jallais). Pendant le peu d'heures qu'il y resta, il ne pouvait rester en place: il s'asseyait, allait et venait d'une fenêtre à l'autre, et avait l'air d'en mesurer la hauteur comme disposé à la franchir à la moindre alarme. C'était comme un présage du sort qui le menaçait. Il est vrai de dire qu'il se trouvait à une demi-lieue d'un cantonnement de républicains, et il pouvait craindre une surprise. - M. de la Paumélière était dans une métairie, paroisse de Neuvy, quand il fut prévenu qu'on venait de voir les bleus. On a dit qu'il aurait eu le temps de s'échapper, s'il n'avait pas eu la vue basse, ce qui l'avait fait s'égarer en chemin. Me de la Paumélière apprit cette arrestation d'une manière bien cruelle: elle était encore couchée, dans une métairie où elle s'était réfugiée. Un étranger, ignorant qu'elle était là cachée par des rideaux, raconta comment son mari avait été fait prisonnier et emmené à Angers! Désespérée, elle voulut aller le rejoindre. On l'en empêcha en lui disant que cela ferait deux victimes au lieu d'une. Elle était grosse et fit une fausse couche. Les sœurs de M. de la Paumélière, qui habitaient Angers, obtinrent de l'aller voir dans sa prison, place des Halles. Elles tentèrent toutes les démarches possibles pour le sauver, et trouvèrent de la pitié dans l'aide-de-camp du général Baillot; mais il y avait malheureusement à la tête du Conseil un officier nommé Flavigny, qui fut impitoyable. Des promesses de récompense au geôlier de la prison, pour faciliter l'évasion du prisonnier, furent vaines. Ses pauvres sœurs ne se sentirent pas la force d'aller partager les derniers instants qui lui restaient à vivre. Il y eut cependant une parente de M. de la Paumélière, Mile Mabille, qui vint lui porter ses dernières consolations. Pour le mener au lieu de l'exécution, on fit passer le prisonnier dans la rue de l'Hôpital (rue David), où demeuraient ses sœurs, chemin qu'on ne prenait jamais pour cette translation. >> (Anjou historique, XXII, 29).

Le 18 août 1797, trois habitants de Neuvy attestèrent aux officiers municipaux du canton de Sainte-Christine que LouisCharles-Alexandre Mabille de la Paumélière avait résidé en leur commune depuis le 24 décembre 1795 jusqu'à son arrestation, et qu'il avait suivi l'armée vendéenne jusqu'à cette époque.

L'une des premières faveurs que l'abbé Bernier réclama de Bonaparte fut d'obtenir, par arrêté du 30 janvier 1800, la restitution à Mme de la Paumélière des biens confisqués de son mari.

Le 28 mars, il écrivit au Ministre de la Police Générale pour avoir, sous quatre jours, la radiation expressément accordée par le Premier Consul (30 janvier) de Louis-Charles-Alexandre de la Paumélière, fusillé à Angers en 1796, comme Vendéen pris les armes à la main, sans déclaration de jury (Archives Nationales, F7 6.229).

--

Disons un mot des quatre enfants du baron de la Paumélière Sa fille Virginie-Modeste mourut le 30 août 1801.Son autre fille, Pauline-Mélanie, épousa, le 20 janvier 1806, Etienne-Ambroise La Forêt d'Armaillé. Louis de la Paumélière, son fils aîné, combattit en Vendée en 1815 et 1832; après un long séjour en Suisse où il s'était réfugié, il rentra en France et mourut au Lavoir, sans alliance, le 13 avril 1844. Paul de la Paumélière prit part lui aussi, aux insurrections de 1815 et 1832; à son retour de Suisse, il épousa Mle de Régnon et décéda au Lavoir le 28 mars 1861.

Voyage en Anjou (1786)

Un religieux de l'abbaye cistercienne d'Hauterive (Suisse), nommé le P. Boniface Thorin, a écrit la relation du voyage qu'il fit à Nantes, du 11 mai au 19 septembre 1786. De ce carnet de notes, publié dans les « Annales Fribourgeoises » en 1917, nous extrayons les passages relatifs à l'Anjou.

Ayant quitté mon frère à la grande route, je m'en allai seul à Fontevrault, après avoir passé la Loire et le bourg de Montsoreau. Fontevrault est un bourg situé dans une belle forêt, à une lieue sud de la rive gauche de la Loire. Il doit son origine à une célèbre abbaye, chef d'ordre de son nom, que Robert d'Arbrissel y fonda vers 1099 pour des religieuses et des religieux, qui dès lors y vivent en deux communautés distinctes, l'une composée pour l'ordinaire de 60 hommes, l'autre de 150 femmes, toutes deux soumises, en vertu d'une règle toute singulière, à l'autorité de l'abbesse, qui est générale de tout l'Ordre. L'église de cette abbaye renferme le tombeau du fondateur, en marbre noir et blanc, et ceux de plusieurs rois et reines d'Angleterre. que les voyageurs voient avec autant de plaisir que de satisfaction. L'abbesse est supérieure et générale de l'Ordre tout entier. hommes et femmes, en France et en Espagne. Le monastère de

ces dames est très beau, le choeur de leur église, superbe; le couvent d'hommes est un peu plus loin de là, assez beau, très beau parterre, charmille, etc. Ils sont habillés de noir avec un petit scapulaire, pendu au capuce, d'environ un pied de long. En rang d'ancienneté, ils passent dans d'autres prieurés ou maisons, où ils sont très bien. Là, ils sont assez nombreux. Les bâtiments destinés pour recevoir les princes sont très beaux et forment une petite rue, mais fort large.

Etant fort fatigué et malade, je pris, en repassant par Montsoreau, un cheval pour me rendre à Saumur. Pendant ce voyage, je fus bien étonné de voir pendant quatre heures de temps des maisons construites dans le rocher et sans interruption. C'est un coteau qui de Montsoreau continue jusqu'à Saumur, qui est roc, où on a pratiqué des maisons des deux côtés taillées dans le roc. Elles sont fort propres et assez vastes; il y a cuisine qui fait chambre, d'autres chambres, caves. Il y a même plusieurs maisons qui sont l'une sur l'autre. Il y en a aussi de bâties en avant, hors du roc. Le tout forme quatre paroisses. La route passe entre cette rangée de grottes et la Loire. Les cheminées sont taillées dans le roc, comme les croisées des fenêtres.

Saumur, sur la Loire, ville ancienne; on passe la Loire sur un pont fort renommé. Ancien château-fort, sur un rocher; trois églises paroissiales; neuf couvents, entre autres celui des Pères de l'Oratoire, enrichi d'une belle bibliothèque et dont l'église, sous le titre de Notre-Dame-des-Ardilliers, est une dévotion célèbre; un collège royal; plusieurs places publiques. Avant la révocation de l'édit de Nantes (1685), les réformés y avaient une célèbre université. La ville était alors plus peuplée; il y a encore environ 5.500 habitants. Il s'y est tenu divers conciles. C'est la patrie de la célèbre Mme Dacier. Près de la ville, est une abbaye de Bénédictins.

Saint-Mathurin, joli bourg, aventure de la demoiselle qui arrêtait notre cheval.

Aux Ponts-de-Cé, sur la Loire, s'est livrée une bataille connue dans l'histoire entre l'armée de la reine-mère et celle de Louis XIII, commandée par le maréchal de Créquy (1620). On y voit un château-fort, un couvent de Cordelières et plusieurs ponts considérables.

Pontron (Louroux-Béconnais), abbaye de notre Ordre, située dans un vallon; beau portail d'entrée à la cour; deux cours. On y descend par un chemin large, bordé d'arbres. La maison est assez belle trois façades, un étage, les cloîtres à peu près faits

comme les nôtres, à colonnes rondes deux et une, pas si hauts que les nôtres. L'église, assez jolie, est bâtie selon la coutume de l'Ordre bel autel à la romaine, tabernacle, couronnes audessus toutes dorées, les stalles derrière l'autel en fer à cheval tout ouvert des deux côtés de l'autel. Vaste et très beau jardin, beaucoup d'orangers dans des caisses et une pièce d'eau au bas. Le jardin tient la largeur de la maison et de la cour, où il y a une grille. La façade, la cour et la collatérale unie, contre le jardin à pavillon. Il y a une forêt au-dessus de la maison, à un coup de balle. Six religieux, jouissant de dix-neuf mille livres de rente. La maison est mère de Meilleray (Loire-Inférieure). On y est très bien nourri, mieux qu'à Meilleray, où on vit avec économie. Ils ont quatre beaux chevaux de monture. On y est fort honnête. On m'aurait donné quelqu'un pour m'accompagner si je n'avais eu M. Barbier, religieux, qui a fait route avec moi jusque chez M. Grasset (à Beauvau). Les bons vins n'y sont pas épargnés. M. le prieur s'appelle Pequignot. M. Lamy connaît beaucoup Hauterive; il peut avoir 50 ans passé. A quelque distance de Pontron, il y a, près d'un étang, une fonderie de fer, que nous avons vue en passant. Il y a de là six lieues jusqu'à Angers; on ne trouve aucun village; beaucoup de terre inculte et sèche; on ne rejoint la grande route qu'à une lieue d'Angers.

Angers, ville ancienne, grande, belle, bien peuplée, capitale de toute la province d'Anjou; située sur les deux rives de la Mayenne, un peu au-dessous de l'endroit où elle reçoit la Sarthe; siège d'un gouvernement particulier qui est le même que le gouverneur général; un lieutenant de roi, un évêché, sénéchaussée, présidial, hôtel des monnaies, prévôté royale, bailliage, etc. On y compte plusieurs faubourgs et un château-fort, une université fondée par saint Louis et composée de quatre facultés, une académie royale des belles-lettres, une académie pour le manège, deux commanderies de Malte, huit églises collégiales, seize paroisses, quatre abbayes d'hommes et une de filles, nombre de couvents des deux sexes, un séminaire, etc.; une raffinerie de sucre, sept blanchisseries de cire, des fabriques d'étamines, de camelot, de serge, etc.; 5.409 feux et environ 36.000 habitants. L'évêque est suffragant de Tours; son diocèse comprend 668 paroisses, divisées en trois archidiaconés, 24 chapitres et 20 abbayes; ses revenus annuels sont de vingt-six mille livres de rente. Angers est la patrie de plusieurs hommes illustres, entre autres Gilles Ménage. Il s'y est tenu divers conciles. Il s'y fait un très bon commerce tant des choses qu'on

« PreviousContinue »