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Mais sa mission touchait à sa fin. Dès le 1er avril, il fut arrêté, en vertu d'un ordre signé de Collot-d'Herbois, Barère et Billaud-Varennes.

Le prisonnier arriva à Paris dans la nuit du 6 au 7 avril. Il fut conduit de suite devant le Comité de Salut public, où Collot-d'Herbois lui reprocha amèrement toute l'indignité de sa conduite. Mogue savait combien différaient d'opinion les membres de ce Comité avec ceux qui composaient le Comité de Sûreté générale. Il demanda à s'expliquer devant ce dernier, qui ordonna sa mise en liberté, mais lui enjoignit de rentrer à Ville-sur-Lumes.

Voici concernant Mogue plusieurs témoignages postérieurs à son départ définitif de la région de l'Ouest.

A la séance de la Société des Jacobins, tenue le 25 avril 1794, Collot-d'Herbois révéla un fait qui n'est pas à l'honneur de Mogue: «S'étant continué le titre de commissaire du Comité de Salut public, titre dont la révocation était publique, Mogue reçut de nous d'abord un avertissement à la fois sévère et fraternel de ne plus se l'arroger. Méprisant cet avis, il partit à l'instant pour se l'attribuer de nouveau et continuer d'exercer des pouvoirs illégitimes. Mis en arrestation en conséquence et amené au Comité, il nous soutint en face, à Billaud-Varennes, Barère et moi, c'est-à-dire précisément à ceux qui lui avaient parlé la première fois, qu'il n'avait jamais reçu de nous aucun avertissement, pendant que sa conscience même l'accusait puisqu'elle l'avait averti de se munir en partant d'une mission secrète du Comité de Sûreté générale; ce dont il n'aurait pas eu besoin s'il eût été commissaire du Comité de Salut public, ainsi qu'il avait continué d'en prendre le titre dans ses proclamations >>.

Au milieu de mai 1794, la Société populaire de Tours fit imprimer un mémoire intitulé: Mogue dénoncé à la Convention et à toutes les Sociétés populaires de la République. Le terroriste y est représenté comme l'auteur de tous les maux qui s'abattirent sur cette région, comme un homme méprisable cherchant constamment à répandre la discorde, à dénoncer à tort des patriotes. « Cet être immoral les a lâchement calomniés; son départ de Tours a été pour tous les amis de la Patrie le motif de la joie la plus vive ».

Le 24 mai 1795, le juge de paix Myionnet, d'Angers, dressa un acte d'accusation contre les terroristes angevins. Il disait en parlant de Mogue : « La Commission Militaire ayant voulu

usurper les droits de la surveillance des prisons, Morin et Vacheron s'y introduisirent nuitamment, sollicitèrent une nommée Rose Quenion de condescendre à leurs brutales passions; son refus lui attira la mort (1er février 1794). Déjà Mogue, qui avait été de passage en ce Comité Révolutionnaire (Angers), avait été livré et conduit d'Angers dans les prisons de Paris pour un fait semblable ». (Anjou historique, IV, 514.)

En juin 1795, fut dressé contre Mogue un acte d'accusation à propos de la mauvaise conduite qu'il venait de tenir dans les Ardennes (1). On y parle de Mogue, « dont le nom crimi nellement célèbre retentit depuis les rives de la Meuse jusqu'aux bords de la Loire, et les départements de l'Ouest, témoins et victimes de ses fureurs, attestent, comme celui des Ardennes, l'immoralité et les crimes du prétendu propagateur des droits de l'homme ». L'acte d'accusation continue : « Barraux, de retour de sa mission sanguinaire, semblait 'se consoler de l'impossibilité où il était réduit de faire le mal par le plaisir de raconter ce qu'il avait fait. C'est de Barraux qu'on tient qu'il a fait périr avec Mogue, dans ces contrées désolées, 32.000 personnes par la fusillade, et 8.000 par la guillotine; ils faisaient saisir dans toutes les communes les révoltés qui avaient posé les armes et auxquels on avait accordé grâce. C'est Barraux qui nous apprend que Mogue traînait avec lui, dans ces départements, une fille de mauvaise vie qui voyageait, comme les commissaires, aux dépens de la République... >>

A la fin de l'année 1795, parut à l'imprimerie Jahyer, à Angers, une plaquette intitulée : Bancelin à ses concitoyens. L'auteur y parlait du rôle joué à Segré par Mogue dans les derniers jours de mars 1794: « Lorsque les fusillades ont eu lieu à Segré, j'étais receveur du district et caporal de la garde nationale. Ces mesures rigoureuses avaient été prescrites à l'agent national du district, et lui seul était revêtu de ce terrible pouvoir par les représentants du peuple. On prétend que j'ai assisté au conseil qui condamna à mort deux brigands (Vendéens) qui furent conduits dans la salle de Chauvin, et que je riais en voyant conduire à la mort dix-sept jeunes gens de la première réquisition du district d'Ancenis, que la garde nationale de Saint-Sauveur-de-Flée avait arrêtés sur son territoire. Quand les chasseurs du 23° régiment amenèrent devant Mogue, envoyé dans le district de Segré par le Comité

(1) Acte d'accusation contre les oppresseurs du departement des Ardennes, in-4 de 91 pages (Mézières, Trécourt).

de Salut public, ces deux brigands, je me trouvai dans la salle où Mogue les interrogea. Mogue seul dicta l'interrogatoire et prononça l'arrêt de mort. On peut consulter les papiers du Comité révolutionnaire d'Angers. Lorsque ces dix-sept déserteurs furent fusillés, j'étais à Angers. Tous les brigands amenés à Segré avant l'arrivée de Mogue, après les déroutes du Mans et de Savenay (décembre 1793), n'ont reçu que des traitements pleins d'humanité de la part des autorités, et ont tous été conduits à Angers >>.

Mogue fut guillotiné à Mézières, le 14 juillet 1795, à cause des excès qu'il avait commis dans les Ardennes.

Situation politique et religieuse du district
de Saint-Florent-le-Vieil (1795)

Le district de Saint-Florent-le-Vieil, qui subsista de 1790 à 1795, comprenait les six cantons de Beaupréau, Champtoceaux, Montrevault, La Pommeraye, Sainte-Christine et SaintFlorent-le-Vieil.

Commencée le 12 mars 1793, la guerre de Vendée se termina par le traité signé, le 2 mai 1795, à Saint-Florent-le-Vieil, entre Stofflet et les représentants du peuple.

Cette pacification fut mal vue en général des autorités administratives locales, et notamment des administrateurs du district de Saint-Florent, qui, réfugiés à Angers, devaient rester en cette ville jusqu'à la cessation de leurs fonctions.

Le représentant du peuple Pierre-Marie Delaunay écrivait, de Paris, le 20 juin 1795,, aux administrateurs du district de Saint-Florent-le-Vieil « Ma mission est finie. Mon collègue Bodin est envoyé près l'Armée de l'Ouest. Vous trouverez en lui la probité, les lumières, l'humanité et l'amour du bien ». Arrivé à Angers le 13 juillet à dix heures du soir, le nouveau représentant du peuple en mission partit pour Nantes dès le lendemain matin à 8 heures. Le même jour, 14 juillet, les administrateurs du district de Saint-Florent lui envoyèrent le rapport suivant à Nantes :

« Les autorités constituées du district de Saint-Florent-le-Vieil ont été organisées par arrêté des représentants du peuple Delaunay et Bezard, du 17 floréal (6 mai 1795). Deux membres

du directoire (Gautreau et Pineau) et deux juges du tribunal n'ont point accepté, malgré que l'arrêté leur fût envoyé officiellement et qu'ils ne puissent s'y refuser, d'après la loi du 21 prairial (9 juin 1795).

« Le district de Saint-Florent est composé de 32 communes et de six cantons. Par l'arrêté du 17 floréal (6 mai), il a été nommé des commissions municipales par chaque canton, dont la majeure partie n'a point accepté ; celle du canton de La Pommeraye est la seule en activité et exerce ses fonctions dans l'île de Montjean.

« Le district de Saint-Florent est entièrement envahi par les rebelles; très peu de réfugiés y sont rentrés, encore professentils les mêmes principes et les mêmes opinions. Toutes les communes sont incendiées, à l'exception de cinq, où il se trouve encore quelques logements qui font l'habitation des chefs des rebelles, des prêtres et des brigands prononcés. Les autorités constituées y sont absolument proscrites. Aucun des traités faits relativement à la guerre de la Vendée (17 février, 20 avril et 2 mai 1795) n'a été exécuté et n'a cessé d'être violé. Les prêtres non sermentés y célèbrent les offices, prêchent le fanatisme et l'insurrection. La communication des brigands et. des chouans n'a cessé d'avoir lieu tous les rapports en attribuent la faute aux barques canonnières. Les réfugiés patriotes n'ont pu rentrer dans leurs foyers, plusieurs ont été égorgés et chaque jour annonce de nouvelles victimes. Les Vendéens du district de Saint-Florent n'ont cessé de porter leurs armes et signes contre-révolutionnaires; les citoyens qui se sont présentés dans ce pays, échappés à la mort, ont été maltraités, leur cocarde arrachée et foulée aux pieds.

« Les prairies qui bordent la Loire étant parvenues au degré de fauchaison, les Vendéens se disposaient à s'en emparer; mais les propriétaires réfugiés ayant présenté des pétitions au département, de concert avec les généraux, ont envoyé des détachements pour protéger les propriétaires de ces prairies à les enlever. Il y a en ce moment quinze cents réfugiés à Angers et mille dans les îles de Montjean, tous du district de Saint-Florent. Jusqu'au 1er prairial (20 mai 1795) ils ont reçu les secours qui leur étaient accordés par la loi, mais l'administration, n'ayant plus de fonds à sa disposition à cette époque, fut contrainte de cesser d'adoucir le sort de ces malheureux qui sont dans la plus affreuse misère. Les représentants Menuau à Saumur et Ruelle à Ancenis ont pris des arrêtés pour ces deux districts, et les réfugiés y ont été payés du mois de

prairial et vont l'être du mois de messidor. Par ses lettres des 9 et 21 prairial (28 mai et 9 juin 1795), l'administration a demandé aux Comités des Finances et des Secours publics 180.000 livres pour les secours à accorder aux réfugiés de son district pendant les mois de prairial et de messidor; elle a fondé sa demande sur la position où se trouvent ces réfugiés de ne pouvoir rentrer dans leurs foyers; mais jusqu'ici les Comités n'ont donné aucun espoir, si ce n'est que par une lettre du représentant Delaunay (20 juin), il annonce que lui et son collègue Bezard s'occupent de cet objet et font espérer d'obtenir les secours réclamés.

«Les autorités constituées du district de Saint-Florent tiennent leurs séances à Angers et n'ont pu se rendre à leur poste, puisqu'il n'existe à Saint-Florent aucun logement et le peu qu'on aurait pu se procurer est aux extrémités du centre des communes et où se retire la masse des brigands prononcés. Le représentant du peuple Delaunay avait fait espérer à l'administration de lui faire toucher une somme provisoire pour pouvoir disposer un local, mais il n'y a rien eu à ce sujet. Malgré que l'administration soit à Angers, elle n'a cessé de corres pondre avec les Comités de la Convention Nationale, les représentants du peuple en mission et le département, et répond à toutes les pétitions qui lui sont adressées. Cependant elle a le plus grand désir de se rendre à son poste; elle sait combien elle y est nécessaire et désire qu'il soit promptement pris des moyens d'exécution à ce sujet, Les administrateurs et le procureur-syndic y font souvent des voyages, et les résultats qu'ils se procurent ne leur donnent que trop lieu de croire qu'il faut nécessairement des mesures promptes pour purger ce malheureux pays d'une horde de scélérats qui ne connaissent d'autre existence que l'assassinat et le pillage, et qui s'opposeront toujours vigoureusement à l'installation des autorités constituées. Ils prévoient bien que si elles étaient en activité dans ce pays, leur conduite criminelle serait bientôt réprimée ».

Bodin répondit, de Nantes, le 19 juillet « Si je fusse resté à l'armée des Côtes de Cherbourg, je me serais rendu auprès de vous. Je n'ai vu personne à Angers, parce qu'il était instant que je me rendisse à Nantes, où ma présence est indispensable. Je ne prévois donc pas me rendre si tôt à mon ancien arrondissement, et cependant vous pouvez correspondre avec moi. Je ferai tout ce qui dépendra de mes pouvoirs pour vous prouver que nous sommes tous frères républicains ».

Le 5 octobre, le district de Saint Florent adresse une nouvelle

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