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Monsieur, l'envoi que vous m'avez fait. Je suis flatté de cetta preuve de confiance que vous avez bien voulu me donner, et je suis en même temps charmé que cette circonstance m'ait procuré le plaisir de recevoir de vos nouvelles et de celles de Monsieur votre frère. Je le loue de son zèle et des efforts quil fait pour servir la religion. Je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir pour lui être utile, selon vos désirs. Recevez, Morsieur, l'assurance de mes sentiments pour vous.

Le schisme de la Petite-Église dans l'arrondissement de Beaupréau

Mgr de Coucy, évêque de La Rochelle, était à peine installé sur son siège quand la Révolution vint, l'en chasser pour toujours. Au mois de septembre 1791, l'orage l'obligea de rechercher un abri. Il partit pour l'Espagne et se fixa au couvent des Dominicains de Guadalajara, diocèse de Tolède. Pendant toute la tourmente, il ne cessa de soutenir les fidèles de son diocèse par des mandements et des lettres. Le 11 octobre 1801, le prélat reçut, par l'entremise du cardinal Casoni, le Bref Tam Multa lui demandant sa démission, comme à tous les autres évêques de France. Il réfléchit quelques jours et, le 18 octobre, il adressait au Souverain Pontife une lettre de refus. Le Saint-Siège fut obligé de destituer Mgr de Coucy par la Bulle Qui Chris'i Domini, publiée au Moniteur, le 11 avril 1802.

Le 6 juin 1802, eut lieu l'installation de Mgr Montault, premier évêque concordataire d'Angers. Ce jour-là furent annexées au diocèse d'Angers les paroisse's suivantes de l'arrondissement de Beaupréau qui jusque-là avaient fait partie du diocèse de La Rochelle Bégrolles, Cerqueux-de-Maulévrier, Chanteloup, Cholet, Cossé, Longeron. Maulévrier, Le May, Mazières, Montigné-sur-Moine, Nuaillé, La Romagne, Roussay, Saint-André-de-la-Marche, Saint-Christophe-du-Bois, SaintGeorges-du-Puy-de-la-Garde, Saint-Léger-sous-Cholet, La Ség r nière, La Tessoualle, Torfou, La Tourlandry, Trémentines, Vezins et Yzernay.

Mgr de Coucy, évêque non démissionnaire, examina alors la situation que venait de créer pour le clergé et les fidèles l'arrivée de l'évêque nommé par le Pape, en vertu du Concordat. Le

1er juillet 1802, il fit imprimer un Avertissement sur ce sujet : il recommandait une obéissance relative et provisoire à l'égard de Mgr Montault, comme on le ferait à l'égard d'un simpie administrateur apostolique, et sans préjudice de la véritable autorité épiscopale, qui demeurait entre ses mains.

M. Tharreau, vicaire général de La Rochelle, refusa de suivre la ligne de conduite tracée par son ancien évêque, et sitôt la promulgation du Concordat il se mit du côté du Pape et du Gouvernement. Son exemple fut suivi généralement par les prêtres des paroisses ci-dessus, et au mois de décembre 1802 (le 16 et le 22) ils allèrent à la cathédrale d'Angers faire entre les mains du préfet et en présence du nouvel évêque le serment prescrit par le Concordat.

Un seul prêtre de l'arrondissement de Beaupréau fit exception et entra dans le schisme appelé la Petite Eglise l'abbé Jean-Baptiste Cesvet, desservant des Cerqueux-de-Maulévrier. Cet ecclésiastique avait été nommé vicaire à Bouillé-SaintPaul (diocèse de Poitiers) en 1776, et en 1787 il était devenu curé de cette paroisse. Il avait refusé le serment à la constitution civile du clergé et s'était joint aux Vendéens en 1793. Pris par les Bleus au pont de Vrines, près Thouars, il avait été jeté dans le Thouet, d'où il avait eu la bonne fortune de sortir sain et sauf. A la bataille de Cholet, le 8 février 1794, où il se trouvait avec le prieur de Saint-Varent et le prieur d'Ulcot, tandis que ses deux compagnons tombaient sous les sabres des républicains, au lieu dit les Treilles de Cholet, M. Cesvet, plus agile, avait réussi à s'échapper. Le 10 février 1798, le citoyen Grille, commissaire du Directoire près l'administration cantonale d'Argenton-l'Eglise, disait dans un rapport sur les anciens chefs vendéens du pays: « Cesvet, curé de Bouillé-Saint-Paul, avait pris parti dans l'armée vendéenne ; il avait un commandement, suivant les rapports qui ont été faits; il est resté depuis l'amnistie aux Cerqueux-de-Maulévrier ». Dans l'Etat du diocèse de Poitiers, dressé en 1800, on lit : « Cesvet, curé légitime de Bouillé-Saint-Paul, non jureur, exerce dans la Vendée ». Effectivement il desservait la paroisse des Cerqueuxde-Maulévrier depuis le 7 janvier 1795, avec l'autorisation de Mgr de Coucy.

L'abbé Cesvet regardant Mgr Montault comme un évêque intrus, empêcha les habitants des Cerqueux de suivre les offices de M. Avrillon, que le prélat avait, de concert avec le Gouvernement, nommé curé de cette paroisse, lors de la réorganisation générale du culte, le 10 décembre 1802.

M. Avrillon envoya sa démission le 17 janvier 1803. Cinq jours après, Mgr Montault écrivait au citoyen Hugues Nardon préfet de Maine-et-Loire : « Le citoyen Jean Avrillon, nommé à la desservance des Cerqueux-de-Maulévrier et dont la nomination a été agréée par le Gouvernement, n'a pas été reçu dans cette paroisse par les habitants. Il a trouvé l'église absolument dépouillée d'ornements et de vases sacrés. Son prédécesseur, nommé Cesvet, ancien curé de Bouillé-Saint-Paul, dans le diocèse de Poitiers, qui ne veut pas prêter le serment exigé par le Concordat, reste caché dans cette paroisse, dit la messe secrètement, met le trouble dans les consciences, et fait entendre au peuple qu'il ne faut pas se soumettre au Concordat. Je vous prie de donner vos ordres pour que M. Cesvet retourne dans son diocèse, où son évêque fera de lui ce que bon lu semblera, à moins que vous n'aimiez mieux prendre à son égard un autre parti. Le citoyen Avrillon, nommé à cette desservance, est venu me trouver et m'a déclaré que tant que M. Cesvet serait dans cette paroisse, il ne pouvait y rester sans courir des risques. En conséquence, il est retourné à SaintLaurent-de-la-Plaine, où il était vicaire. Veuillez prendre à cet égard le parti que vous croirez convenable ».

Avant d'agir, le préfet demanda conseil au citoyen Mamert Coullion, secrétaire général de la Préfecture, qui lui donna ainsi son avis : « Plus de 600 ecclésiastiques du diocèse ont fait le serment prescrit par le Concordat. On en compte à peine trois ou quatre qui le refusent. Ce petit nombre d'opposants ne peut pas donner d'inquiétude pour la tranquillité générale, et rien ne provoque l'application de mesures sévères et promptes envers les opposants. La commune des Cerqueux est voisine de celle de Maulévrier, desservie par un prêtre des plus respectables de l'arrondissement et qui, comme vicaire général de l'ex-évêque de La Rochelle, y a joui d'une grande considération, y a exercé une grande influence. Avant de se résoudre à aucun parti, il conviendrait de savoir du citoyen Tharrea⚫1, desservant de Maulévrier, quelle est l'opinion de la commune des Cerqueux et quel ascendant le citoyen Cesvet, prêtre, qu'on y suppose caché, a sur l'esprit de ses habitants. Il ne faudrait peut-être pas demander ces informations au desservant de Maulévrier, qui craindrait de passer pour le dénonciateur d'un homme de sa robe. Le maire de Cholet est son neveu, et ce maire a mérité toute la confiance. On pourrait le charger de prendre et de transmettre tous les renseignements don! on a besoin sur l'opinion des habitants, sur les principes, la

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conduite et le lieu de retraite du prêtre Cesvet. La conduite qu'a tenue le citoyen Avrillon, nommé desservant des Cerqueux, n'en est pas moins blâmable. Il devait rester à la place qui lui a été assignée et porter ses plaintes, s'il en avait, soit au maire, soit au sous-préfet. Connaissant plus particulièrement les localités, ces deux fonctionnaires auraient pu faire rechercher si véritablement il y avait des ornements ou d'autres objets servant à l'exercice du culte appartenant à l'église. Il est constant que presque toutes les églises ont été dépouillées pendant la Révolution, et le peu d'effets qui y sont appar tiennent au prêtre qui s'y est établi pendant les troubles. Il y aurait de l'injustice à vouloir dans ce cas qu'il ́les y laisse. Le maire de Cholet pourra facilement instruire le préfet et lui dire si les effets dont on faisait usage aux Cerqueux, appartiennent à l'église ou au prêtre qui la desservait ».

Conformément à cette indication, le préfet écrit, le 1er février, au citoyen Tharreau aîné, maire de Cholet : « Le citoyen Jean Avrillon, prêtre nommé à la desservance des Cerqueux-de-Manlévrier, n'a pas été reçu dans cette commune, ainsi qu'il devait l'attendre et de son, caractère et de la confiance dont l'a honɔrée le gouvernement. Il a trouvé l'église absolument dépouillée d'ornements et de vases sacrés, et son prédécesseur, nommé Cesvet, ancien curé de Saint-Paul, dans le diocèse de Poitiers, qui ne veut pas prêter le serment exigé par le Concordat, reste caché dans la commune, où il dit secrètement la messe et jette le trouble dans les consciences. Je ne puis tolérer qu'un ecclésiastique s'obstine à refuser le serment, quand 620 ecclésiastiques de ce diocèse se sont fait un devoir de s'y soumettre. Les conséquences de ce refus seraient infiniment fâcheuses dans un pays tout chaud encore des dissentions religieuses qui l'ont agité. Il est donc de l'intérêt de l'arrondissement de Beaupréau que le nommé Cesvet n'y reste pas plus longtemps et qu'il soit conduit devant son évêque diocésain, qui en disposera suivant sa sagesse. Voudriez-vous bien, à la réception de cette lettre, prendre et me transmettre des renseignements sur l'opinion des habitants des Cerqueux, sur les priacipes, la conduite et le lieu de retraite du prêtre Cesvet, enfin sur la question de savoir si les ornements et vases sacrés, enlevés de l'église, appartenaient en propre à cet ecclésiastique.

Je voulais d'abord demander ces détails importants à M. votre oncle, desservant de Maulévrier, qui jouit, comme vous, de la confiance méritée de l'administration. Mais j'ai pensé qu'il répugnerait peut-être à desservir un confrère, tout indigne qu'il

paraît être d'aucun égard. Vous pouvez compter, au surplus, sur la plus grande discrétion de ma part en ce qui peut vous concerner, et être assuré qu'il ne s'agit pas d'autre chose que de renvoyer le prêtre Cesvet devant son évêque diocésain ».

Le maire répondit, le 7 février: « Le citoyen Cesvet est un homme entêté et extrêmement brouillon. Il a gâté l'esprit de la plus grande partie de sa paroisse et il répand ses principes dans tous les environs. I reste caché dans sa paroisse, mais on ne sait où. Il y dit la messe, fait les mariages et administre les sacrements. Il est dangereux par ses principes. Les habitants des Cerqueux sont de braves gens, mais trop crédules, comme le peuple l'est ordinairement; un successeur prudent et d'une bonne conduite ferait bien vite disparaître ces préjugés. On présume que les vases sacrés et les ornements appartiennent à la paroisse ».

Le 28 février, le préfet communique la lettre du maire de Cholet à l'évêque, qui répond le 2 mars : « Ces observations sont vraies sous tous les rapports. Le citoyen Avrillon, nommé par moi à cette desservance et agréé par le Gouvernement, s'y est présenté et n'a pas été reçu. Il est même impossible qu'il puisse habiter cette paroisse tant que M. Cesvet y restera. Le seul parti à prendre est d'agir à son égard comme vous avəz fait avec M. Raymond, desservant de Saint-Paul-du-Bois. Si vous voulez avoir la paix dans ce pays, il n'y a pas d'autre parti que de faire arrêter ces prêtres turbulents et ennemis du Gouvernement et de l'ordre ».

Le 4 mars, Nardon saisit de l'affaire le Grand-Juge et Ministre de la Justice: « Le nommé Cesvet paraît desservir depuis quelque temps la paroisse des Cerqueux-de-Maulévrier. Trop docile aux impressions qu'il reçoit de son ancien évêque, non démissionnaire, il se montre opposé à la nouvelle organisation ecclésiastique et ne s'est point réuni à l'évêque d'Angers, dans le diocèse duquel la paroisse des Cerqueux se trouve aujourd'hui comprise. M. l'évêque a promu à cette desservance M. Avrillon, dont la nomination a été agréée par le Gouvernement, mais que les habitants, à l'instigation de Cesvet, n'ont pas voulu recevoir. Il a trouvé l'église dépouillée d'ornements et vases sacrés, qui servent sans doute aux offices que son prédécesseur célèbre dans la retaite où il se tient caché et d'où il jette le trouble dans les consciences. Cet ecclésiastique étant désormais le seul de ce département en opposition au Concordat, je ne crois pas qu'on doive le tolérer davantage, et j'ai l'honneur de vous demander l'autorisation de le

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