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citoyen Meilloc n'a point fait de mandement pour ordonner le Te Deum, mais une simple lettre aux citoyens curés, qui ne paraît pas destinée à être lue à leurs prônes. Elle était imprimée et en partie distribuée au moment de son arrestation; je n'ai rien pu y changer. Quoiqu'en tout état de cause elle n'eût jamais dû paraître sous son nom, je regrette de n'avoir pas été dans le cas de la concerter avec vous. Celle du citoyen Meilloc, à laquelle je ne crois pas qu'on n'ait rien à reprocher, ne sera probablement point insérée dans la feuille publique du département; je ne vois personne qui ait qualité pour l'y faire mettre. Je sais sentir et apprécier l'attention que vous avez eue, de me prévenir qu'on y verrait le mandement du diocèse de Luçon, et je vous prie de croire que j'en suis reconnaissant autant que je puis l'être ; je l'ai u avec le plus grand plaisir et désirerais qu'ils fussent partout dans le même sens et à peu près dans les mêmes termes ». Il s'agit du mandement que M. Paillou, vicaire général de Luçon, avait publié, le 9 mars 1801, ordonnant un Te Deum en actions de grâces du traité de Lunéville; il fut effectivement reproduit dans les Affiches d'Angers.

C'est le 15 juillet 1801 que fut signé le Concordat. Six jours après, le Ministre de l'Intérieur adressait aux préfets une lettre confidentielle, leur demandant l'état nominatif des prêtres de leur département qui, ayant occupé des places ou exerçant le culte, pouvaient mériter la confiance du Gouvernement et lui être utiles par l'estime et la confiance dont ils jouissaient. Le citoyen Montault des Isles, préfet de Maineet-Loire, répondit le 11 août au Ministre ; en tête de la liste des ecclésiastiques en question, il mettait M. Le Noir: « Ses talents et sa moralité lui ont mérité et acquis l'estime générale et la confiance de ses confrères. Très influent dans la société par ses alentours. Déporté, rentré ; a fait sa soumission. C'est sans exception celui de tous les ecclésiastiques qui peut rendre le plus de services au Gouvernement ». Cette recommandation du préfet fut transmise plus tard à Portalis, qui, en 1802, proposa M. Le Noir pour l'épiscopat. (Archives Nationales, AF, iv, 1044).

Au mois de mai 1802, nous voyons M. Le Noir faire, entre les mains du préfet de Maine-et-Loire, la promesse de fidélité à la Constitution de l'an VIII, et le 27 octobre suivant, il fut rayé de la liste des émigrés.

M. Le Noir assista, le 6 juin 1802, à l'installation de l'évêque concordataire. Mais on ne tarda pas à l'accuser, ainsi

que M. Meilloc, d'avoir poussé le nouvel évêque à demander une rétractation aux prêtres qui, en 1791, avaient fait le coupable serment à la constitution civile du clergé. Le citoyen Nardon, deuxième préfet de Maine-et-Loire, mandait, le 22 octobre 1802, au Ministre des Cultes : « L'abbé Meilloc, sur lequel des renseigements désavantageux vous avaient été donnés, est depuis quelque temps à Paris. L'abbé Le Noir, qui n'avait pas été mieux traité, part le 24 octobre pour se rendre à la même destination. Vous regarderez peut-être cette absence comme une heureuse circonstance dans la position actuelle du clergé de ce département ». Dans son Rapport au Ministre de l'Intérieur, du 9 novembre, le même préfet disait « On reproche à l'Evêque de n'avoir pas repoussé l'influence des citoyens Meilloc et Le Noir, ses conseils. Ces deux hommes n'habiteront plus le département ».

M. Meilloc revint à Angers. Mais M. Le Noir resta à Paris. En 1803, Mer de Belloy le nomma chanoine honoraire ; à cette occasion on le trouve qualifié de « vicaire général d'Angers et de Londres ». Il mourut à Paris, le 23 septembre 1828.

La comtesse de la Bouëre (1770-1867)

Antoinette-Charlotte Le Duc, fille aînée du maréchal de camp et inspecteur général d'artillerie Le Duc, qui avait épousé Mile de Ronty, reçut, sous la direction de son père, officier général très distingué, une éducation remarquable pour l'époque où elle était née, en 1770. Elle épousa, un peu avant la Révolution, Amand-Modeste de Gazeau, comte de la Bouĕre.

Pendant toute la guerre de Vendée, Mme de la Bouëre ne quitta pas le pays de Jallais (le château de la Bouëre était situé dans cette paroisse) où les environs. C'est là qu'elle vécut, se cacha, souffrit pendant que son mari se battait à la tête des Vendéens, dont il fut un des premiers chefs.

Après la pacification de la Vendée, Mme de la Bouëre écrivit ce qu'elle se souvenait des événements dont elle avait été témoin; elle rassembla avec ses souvenirs ceux de son mari et d'autres chefs leurs amis. Pendant toute son existence elle fit des investigations et se livra à une véritable enquête sur ce qui se rattachait à la guerre vendéenne.

Le 16 juillet 1821, la duchesse de Berry donna sa procuration, au château de Saint-Cloud, pour être marraine d'une petite cloche à Jallais à « Antoinette-Charlotte Le Duc, épouse de M. Amand-Modeste de Gazeau, comte de la Bouëre, ancien officier de cavalerie, lieutenant général de l'armée d'Anjou et haut Poitou, chevalier de saint Louis et de la légion d'honneur ». La cérémonie du baptême de la cloche eut lieu le 3 octobre. (Anjou Historique, XVII, 637).

Le comte de la Bouëre mourut en 1847, à 84 ans, dans a terre de Valette, près Châtellerault. Quant à la comtesse, elle décéda le 9 septembre 1867, au château de la Bouëre, âgée de 97 ans.

Le journal l'Union de l'Ouest lui consacra l'entrefilet suivant, dans son numéro du 16 septembre :

« La dernière des Vendéennes de la grande armée vient de terminer sa longue et honorable carrière. La comtesse de la Bouĕre, veuve de l'officier général du même nom, vient de rendre, dans sa 98° année, sa belle âme à Dieu.

« Mme de la Bouëre avait subi toutes les péripéties de cette guerre longue et acharnée; elle a bivouaqué cent fois dans les gigantesques forêts dont la Vendée était alors couverte, elle a donné le jour à l'un de ses enfants dans un champ de genêts. On la vit, mère depuis 48 heures, aller tantôt à pied, tantôt à cheval, de Jallais à Chemillé, alors que la Vendée était sans routes, pour tâcher de faire élargir son mari, coupable d'avoir donné refuge à un émigré (avril 1796).

«Mmo de la Bouere, douée d'un esprit investigateur, avait charmé 40 années de sa vie en s'occupant à réunir une quantité de documents sur la guerre dont elle avait été témoin. Le résultat de ses recherches a servi à plusieurs des auteurs qui ont écrit les faits de cette guerre.

« Excellente mère de famille, aimée et regrettée de tous, la comtesse de la Bouëre est morte sur le sol de ses premières épreuves, au château de la Bouêre, près Jallais.

« Elle était l'aînée de trois sœurs vivantes, il y a quelques jours, qui présentaient ce phénomène surprenant de n'avoir jamais été que trois et de se trouver encore réunies après un siècle écoulé ».

Le fils de la défunte, M. le comte de la Bouêre, peintre distingué, se maria à Valentine Falquet de Planta, beaucoup plus jeune que lui, qui a publié les Souvenirs de sa belle-mère. (Paris, Plon, 1890).

Les derniers jours de l'abbaye Saint-Nicolas-lès-Angers

Le décret du 13-19 février 1790 abolit en principe les congrégations religieuses: « La loi constitutionnelle du royaume ne reconnaîtra plus de vœux monastiques solennels des personnes de l'un ni de l autre sexe. En conséquence, les ordres et congrégations réguliers dans lesquels on fait de pareils vœux, sont et demeureront supprimés en France, sans qu'l puisse en être établi de semblables à l'avenir. Tous les individus de l'un et de l'autre sexe, existant dans les monastères et maisons religieuses, pourront en sortir en faisant leur déclaration devant la municipalité du lieu, et il sera pourvu incessamment à leur sort par une pension convenable. Il sera pareillement indiqué des maisons où seront tenus de se retirer les religieux qui ne voudront pas profiter du présent décret ».

La pension des religieux fut ainsi fixée par le décret du 20-26 février: « Il sera payé à chaque religieux qui aura fait sa déclaration de vouloir sortir de sa maison, par quartier et d'avance, à compter du jour qui sera incessamment réglé, savoir 900 livres jusqu'à 50 ans, 1.000 livres jusqu'à 70 ans, et 1.200 livres après 70 ans ».

Un autre décret du 20-26 mars concerne l'application des précédentes dispositions législatives « Les officiers municipaux se transporteront dans toutes les maisons de religieux de leur territoire, s'y feront représenter tous les registres et comptes de régie, les arrêteront, et formeront un résultat des revenus et des époques de leurs échéances. Ils dresseront un état de description sommaire de l'argenterie, argent monnayé, des effets de la sacristie, bibliothèques, livres, manuscrits, médailles, et du mobilier le plus précieux de la maison, en présence de tous les religieux, à la charge et garde desquels ils laisseront lesdits objets, et dont ils recevront les déclarations sur l'état actuel de leurs maisons, de leurs dettes mobi lières et immobilères, et des titres qui les constatent. Les officiers municipaux dresseront aussi un état des religieux profès de chaque maison, avec leur nom, leur âge et les places qu'ils occupent. Ils recevront la déclaration de ceux qui voudront s'expliquer sur leur intention de sortir des maisons de leur ordre ou d'y rester, et ils vérifieront le nombre des sujets que chaque maison religieuse pourrait contenir >>. En exécution de ce dernier décret, la municipalité d'Angers se présenta à l'abbaye de Saint-Nicolas le 26 avril 1790.

L'antique abbaye bénédictine fondée en 1020 par Foulques Nerra, comte d'Anjou, ne comptait plus que neuf religieux Dom Emmanuel-Marie Piolaine, prieur, âgé de 47 profès de Saint-Melaine de Rennes en 1760; dom Julien Bonhomme, sous-prieur, né le 12 juin 1757 à Paris, profès de Saint-Melaine en 1777; dom Jean-Pierre Braux, doyen it senieur, né à Rennes le 17 avril 1745 et profès de SaintMelaine le 19 novembre 1763; dom Louis Sevault, cellérier, né à Tours en 1742, profès de Saint-Melaine le 14 mai 1763 ; dom Claude de Boislinard, âgé de 38 ans, profès de SaintNicolas d'Angers en 1782; dom Claude-Ange Le Frotter, âgé de 38 ans, profès de Saint-Nicolas en 1773; dom Pierre Thuault de Vauloger, né à Saint-Fraimbault de Lassay (Mayenne) en 1755, profès de Saint-Serge d'Angers en 1781 ; dom Jean Collet, âgé de 31 ans, profès de Saint-Melaine en 1784; dom Pierre Jagault, né à Thouars le 5 octobre 1765, profès de Saint-Nicolas le 6 octobre 1786.

Les neuf religieux font aux officiers municipaux la déclaration suivante : « Nous ne pourrons dire notre manière de penser jusqu'à ce que les maisons soient désignées, les pensions hypothéquées, la manière de vivre exprimée, quels seront les religieux avec lesquels nous aurons à vivre, et quel sera notre supérieur »>.

Avant de se retirer, les officiers municipaux font l'inventaire du mobilier de l'abbaye. Voici la description de l'église : « L'église de labbaye est ornée d'un autel de marbre, à deux faces, garnies de 12 chandeliers et d'une croix, le tout de cuivre, avec une lampe au-devant de cuivre argenté. L'autel est entouré d'une rampe de fer à hauteur d'appui, bien travaillée, et le chœur des religieux est décoré d'une boisure la plus simple. Dans ce chœur il y a un pupitre, un candélabre de cuivre, et à côté est une armoire renfermant quatre reliquaires et l'exposition du Saint-Sacrement, le tout de bois doré. Dans la chapelle de la Sainte Vierge, il y a 6 chandeliers et une croix, le tout de cuivre. Au bas de l'église, est un très beau buffet d'orgue; au dessus de l'église sont deux ne'ites cloches et une horloge. Dans une tour à côté et séparée, il y a quatre autres grosses cloches ». (Cette tour carrée existe encore).

Dom de Boislinard et dom Bonhomme ne tardèrent pas à sortir de l'abbaye. Ils n'y étaient plus, quand s'y présentèrent, à leur tour, les commissaires du district d'Angers, e 25 août 1790.

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