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placerons en première ligne les questions de propriété, de ser vitude ou de possession légitime, qui ne sont point de la compétence des cours de justice criminelle, ni des tribunaux correctionnels et de police. En sorte que, lorsqu'il s'agit de statuer sur un crime, délit ou contravention attentatoire à la propriété d'autrui, si le prévenu allègue qu'il est lui-même propriétaire ou légitime possesseur de l'objet sur lequel aurait été commis l'attentat prétendu, ou qu'il se borne à dire feci sed jure feci, les juges criminels doivent surseoir à la procédure criminelle, et renvoyer devant les juges civils, pour statuer préalablement sur cette exception, soit que le prévenu prétende étayer son droit sur un titre, sur une possession trentenaire, sur une servitude, ou qu'il veuille seulement se faire maintenir en possession, en se prévalant de la possession annale. Toutes les fois que les juges de police et les juges criminels ont retenu cette exception ou qu'ils l'ont cumulée avec l'action publique, leurs jugements ont été cassés pour excès de pouvoir.» (Voy. le Juge de Paix, t. 2, p. 139.)

SECT. VI. Fins de non-recevoir contre l'action civile.

I. La prescription, qui est un moyen de se libérer de toutes les obligations, éteint également l'action publique et l'action civile résultant d'un fait punissable; mais elle n'est acquisé à l'auteur du délit ou à ses héritiers et aux personnes civilement responsables, que sous les conditions déterminées par les articles suivans du Code d'Instruction ciminelle.

II. L'action publique et l'action civile résultant d'un crime de nature à entraîner la peine de mort, ou des peines afflictives perpétuelles, ou de tout autre crime emportant peine afflictive ou infamante, se prescriront après dix années révolues, à compter du jour où le crime aura été commis, si, dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ni de poursuite. S'il a été fait, dans cet intervalle, des actes d'instruction, ou de poursuite non suivis de jugement, l'action publique et l'action civile ne se prescriront qu'après dix années révolues, à compter du dernier acte, à l'égard même des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite. (Art. 637.)

III. Dans les deux cas exprimés en l'article précédent, et suivant les distinctions d'époque qui y sont établies, la durée de la prescription sera réduite à trois années révolues, s'il s'agit d'un délit de nature à être puni correctionnellement. (Art. 638.)

La prescription par trois ans de l'action civile d'un délit

s'applique à l'action en restitution d'objets recélés ou volés. {Cour roy. de Bordeaux, 15 avril 1829.)

Mais cette prescription triennale cesse lorsqu'il y a eu, dans les trois ans, un jugement de condamnation prononcé contre le délinquant. En ce cas, l'action civile n'est soumise qu'à la prescription ordinaire. (Cour roy. de Caen, 8 janvier 1827.)

IV. L'action publique et l'action civile pour une contravention de police seront prescrites après une année révolue, à compter du jour où elle aura été commise, même lorsqu'il y aura eu procès-verbal, saisie,'instruction ou poursuite, si, dans cet intervalle, il n'est point intervenu de condamnation. S'il y a eu un jugement définitif de première instance, de nature à être attaqué par la voie de l'appel, l'action civile et l'action publique se prescriront après une année révolue, à compter de la notification de l'appel qui en aura été interjeté. (Art. 640.)

V. Aux termes de l'art. 643 du même Code, cette dernière prescription n'est point applicable aux actions résultant de certains délits, ou de certaines contraventions prévues par des lois particulières. Ainsi, <«la poursuite des délits ruraux doit être faite, au plus tard, dans le délai d'un mois, soit par les parties lésées, soit par le ministère public, faute de quoi il n'y a plus lieu à la poursuite. » (Loi du 6 octobre 1791, tit. 2, sect. 1 art. 8.) Voy. Délit rural et Douanes.

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VI. Quant aux actes nécessaires pour interrompre la prescription, voyez Prescription, et le Juge de Paix, t. 2, p. 257. VII. L'amnistie accordée pour certains faits, de nature à être poursuivis devant les tribunaux de police, peut-elle être opposée à la demande en réparation?

Non, car si l'amnistie efface le délit en tout ce qui touche `· la pénalité, elle laisse subsister dans leur entier les droits de la partie lésée; et par conséquent, le tribunal de police qui était compétent, avant cet acte de la clémence royale, pour statuer sur l'action civile, ne cesse point de l'être, quoiqu'il n'ait aucune peine à prononcer. (Cour de cass. 14 juillet 1831.)

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VIII. La partie civile ne pouvant, ainsi qu'on l'a vu plus haut, exercer son action que devant une des juridictions qui lui sont ouvertes, un jugement rendu dans une de ces juridictions, et où elle a figuré soit comme partie principale, soit comme partie intervenante, formerait une fin de non recevoir insurmontable contre une seconde instance qu'elle voudrait introduire, à raison du même fait, devant une autre juridiction.

IX. La même fin de non-recevoir existe contre la partie

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qui, après avoir porté devant les tribunaux civils sa demande en réparation de dommages, veut, avant qu'il ait été statué sur cette demande, intervenir dans l'action dirigée par le ministère public à raison du même fait. C'est en vertu de ce principe que fut cassé, le 18 messidor an 12, un jugement du tribunal de police de Beuzeville, rendu dans les circonstances suivantes.

Le sieur Brassy avait fait citer le sieur Destic devant le tribunal de première instance de Pont-Audemer, en réparation d'un dommage que celui-ci lui avait causé. Le tribunal avait admis Brassy à la preuve du fait dont il se plaignait, lorsque Destic fut poursuivi au nom du ministère public, à raison du même fait, devant le tribunal de police du canton de Beuzeville. Brassy se présente à l'audience de ce tribunal; il demande à être reçu intervenant, comme partie civile, et conclut contre Destic à 700 fr. de dommages-intérêts. Le 24 germinal an 12, jugement qui condamne Destic à l'amende et à trois jours d'emprisonnement, et faisant droit à l'intervention de Brassy, lui adjuge les 700 fr. réclamés à titre de dommages-intérêts. Sur le pourvoi de Destic, arrêt de cassation, fondé sur ce que Brassy, ayant pris la voie civile, avait évidemment renoncé à la voie criminelle, et qu'il était dès lors non recevable dans son intervention.

X. Mais si le procès criminel a été jugé avant le procès civil, sans l'intervention de la partie lésée, et qu'il y ait eu acquittement, peut-on opposer au demandeur la sentence des premiers juges? En d'autres termes, le criminel emporte-t-il le civil ?

Cette question a divisé les plus grands jurisconsultes. Sans rapporter ici la longue discussion qui s'est élevée à ce sujet entre MM. Merlin et Toullier, nous nous bornerons à exposer quelques principes généraux qui nous paraissent les plus conformes à la raison.

Et d'abord, s'il résulte du jugement criminel que le fait imputé à l'accusé n'existe pas, ou que l'accusé n'en est pas l'auteur, nul doute que ce jugement ne forme obstacle à une demande civile devant un autre tribunal, car il y a chose jugée sur un de ces deux points, et la non-existence du fait, ou le défaut de participation de l'accusé ne permet point d'intenter contre lui une action en dommages.

Si, au contraire, le jugement énonce que le prévenu a été acquitté parce qu'il n'était pas suffisamment établi qu'il fût coupable, ou bien encore si c'est une simple déclaration des jurés, dont on ne peut induire en général que l'absence d'une preuve complète contre l'accusé et non point la certitude de

son innocence; dans ces deux cas, nous pensons que la demande en dommages-intérêts peut être examinée par les tribunaux civils sans violation de la chose jugée, car la chose jugée n'a point dit que l'accusé fût innocent; elle a dit seulement que la preuve du crime ou du délit n'était point assez évidente pour motiver une condamnation corporelle. Or, les mêmes éléments de conviction sur lesquels un juge prudent n'osera point appuyer une déclaration de culpabilité qui compromettrait la liberté ou la vie d'un homme, pourront lui suffire lorsqu'il s'agira de simples réparations pécuniaires.

A plus forte raison l'action civile est-elle recevable, lorsque le fait a été déclaré constant par les premiers juges, et que l'accusé n'a été absous que parce que ce fait ne constituait ni crime, ni délit, ni contravention.

XI. Nous ajouterons, pour compléter la doctrine à ce sujet, et comme conséquence de notre première proposition sur cette difficulté, que le demandeur au civil n'a besoin de faire aucune preuve, lorsqu'il présente un jugement criminel qui condamne son adversaire comme auteur ou complice da fait qui sert de base à sa réclamation Il y a alors chose jugée sur l'existence et sur l'auteur du fait ; le seul point qui reste à vérifier, c'est la quotité du dommage.

ACTION LITIGIEUSE. C'est le droit d'agir, pour réclamer en justice une chose corporelle ou incorporelle, suscep tible d'être contestée. L'action litigieuse se confond avec les droits litigieux. (Carrė.)

I. D'après l'art. 1597 du Code civil, les juges, leurs suppléants, les magistrats remplissant le ministère public, les greffiers, huissiers, avoués, défenseurs officieux et notaires, ne peuvent devenir cessionnaires des procès, droits et actions. litigieuses qui sont de la compétence du tribunal dans le ressort duquel ils exercent leurs fonctions, à peine de nullité, et des dépens, dommages et intérêts.

ACTION PERSONNELLE ET MOBILIÈRE. On nomme personnelle l'action par laquelle nous agissons en justice con tre celui qui est personnellement obligé envers nous, soit en vertu d'une convention, soit en vertu d'un engagement sans convention, résultant de l'autorité seule de la loi, comme dans le cas du quasi-contrat, du délit ou du quasi-délit (voy. ces mots). Elle a pour objet l'exécution de l'obligation de donner ou de faire quelque chose, la nullité ou la rescision d'un acte illégal où illicite, ou la réparation d'un préjudice causé. Cette action se transmet à l'héritier ou au successeur universel du créancier, contre l'héritier ou le successeur universel du débiteur. (Voy. Successeur universet.)

On nomme mobilière Faction relative à des choses réputées meubles par leur nature ou par la détermination de la loi. (Code civ., art. 527, 528 et 529.)

I. En général, les actions personnelles sont mobilières. Si cependant elles résultent de l'obligation de livrer un immeuble déterminé, elles sont mixtes, parce que le droit immobilier se joint au droit personnel (Cour de cass., 2 février 1809). La même cour a décidé, le 6 novembre 1806, que les actions en rescision pour cause de dol, violence, erreur ou lésion, sont également mixtes quand elles se rapportent à un immeuble.

II. II n'est pas nécessaire qu'une action soit à la fois personnelle et mobilière, pour qu'elle entre dans la juridiction des tribunaux de paix. C'est ce qui résulte de l'art. 2 du Code de Procédure, qui veut que la citation soit donnée devant le juge de paix du domicile du défendeur en matière purement personnelle ou mobilière. Ainsi l'action en revendication d'une chose perdue ou volée (Code civ., art. 2279), quoique essentiellement réelle mobilière, et non pas personnelle, serait régulièrement portée devant le juge de paix, si la valeur en était déterminée au-dessous de 100 fr. (Favard de Langlade, Répertoire, v Justice de Paix, § 2, n° 9.)

III. Nous citerons comme exemples d'actions personnelles et mobilières :

1o. La demande en paiement d'un billet ou d'une reconnaissance écrite.

2o. Celle en restitution de meubles prêtés ou loués, ou en revendication de matériaux provenant de la démolition d'un édifice, ou assemblés pour en construire un nouveau (Code civ., art. 532). La cour de Lyon a même déclaré meubles, par arrêt du 23 décembre 1811, des matériaux qu'on avait démolis pour reconstruire immédiatement le même édifice.

3o. L'action d'un percepteur qui n'est plus en exercice, contre les contribuables auxquels il a fait des avances pendant sa gestion (Ord, roy. du 16 février 1826). Mais si le percepteur était encore en exercice, sa demande ne pourrait être soumise à l'autorité judiciaire. (Carré, arg. de l'ord. cidessus.)

4°. L'action intentée par un maître de poste contre un entrepreneur de voitures, pour le faire condamner au paiement de l'indemnité prononcée contre lui par l'art. 2 de la loi du 19 frimaire an 7. (Cour de cass., 29 juin 1819.)

5. Celle pour fermage d'un banc dans une église. (Cour de cass., 4 février 1824.)

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