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ACTE SOUS SEING PRIVÉ. On appelle ainsi l'acte qui n'est attesté que par la signature de personnes privées qui y ont été parties; mais, dans un sens moins restreint, on entend encore par là toute écriture privée opérant obligation ou décharge. (Duranton, t. 13, no 109.)

Aussi distingue-t-on plusieurs espèces d'actes sous seing privé: 1° l'acte sous seing privé proprement dit; 2° les registres des marchands; 3° les registres et papiers domestiques des personnes non marchandes; 4° l'écriture mise au dos, la marge ou à la suite d'un titre ou d'une quittance; 5° les quittances; 6° la correspondance. (Duranton, Ib.)

Nous allons voir à quelles formalités sont soumises ces différentes espèces d'actes sous seing privé, puis nous expliquerons quels en sont les effets.

SECTION Ir. Formalités des actes sous seing privé.

I. Les actes sous seing privé, sauf dans quelques cas que nous signalerons plus bas en nous arrêtant sur les deux plus remarquables, ne sont assujétis à aucune forme de rigueur. On ne saurait, par conséquent, leur faire l'application des dispositions de la loi du 25 ventôse an 11, ni même de celles concernant les ratures. (Cour de cass., 11 juin 1810; Toullier, t. 8, no 257 et 258; Duranton, t. 13, no 127.)

II. Il n'est pas indispensable, pour la validité des actes sous seing privé, qu'ils aient une date écrite, à l'exception toutefois des testaments olographes (Code cin., art. 970); des lettres de change (Code de Comm., art. 110); des billets à ordre (Ibid., art. 188); des endossements de ces deux sortes d'effets (Ib., art. 137 et 187); des polices d'assurances (Ibid., art. 332); et de quelques autres actes. Il suffit que, rédigés d'une manière claire, ils soient signés des parties; encore y a-t-il des écrits privés qui ont de la force sans signature; ce sont ceux dont parlent les art. 1329, 1330, 1331 et 1532 du Code civil. (Toullier, t. 8, n° 259 et 260; Duranton, t. 13, n° 127.)

III. Il n'est pas nécessaire non plus, si ce n'est pour les testaments olographes (Code civ., art. 970), que les actes sous seing privé qui sont signés, soient écrits de la main qui les signe. Ils pourraient l'être par des tiers, ou par des notaires et autres officiers publics; car aujourd'hui les déclarations des 19 mars 1696 et 14 juillet 1699, qui défendaient aux notaires, greffiers, procureurs, huissiers, sergents ou autres, d'écrire ou de signer, comme témoins, aucun acte sous seing privé, sont virtuellement abrogées par les lois des 19 septembre 1790, 22 frimaire an 7 et 25 ventôse an 11.

cas,

(Cour de cass., 30 novembre 1807; avis du Conseil d'État, 26 mars et 1 avril 1808). Conséquemment un juge de paix, hors de l'exercice de ses fonctions, pourrait lui-même rédiger et signer, comme témoin, un acte sous seing privé. Dans ce et dans tous ceux où les actes sont écrits par des tiers, les parties, avant de signer, n'ont pas besoin, sauf le cas exceptionnel de l'article 1326 du Code civil, d'approuver l'écriture ou le contenu de l'acte. Celui, en effet, qui signe les actes, comme partie, s'approprie, par cela même, l'écriture et tout ce qu'elle constate. (Toullier, t. 8, no 261; Duranton, t. 13, n° 128.)

Ainsi, comme on le voit, absence de toute formalité autre que la signature, liberté la plus entière à cet égard, secret le plus profond sur ses dispositions, tel est, en général, l'apanage de l'acte sous seing privé. Cependant, ainsi que nous l'avons déjà annoncé, il est à ce principe deux notables excep

tions.

IV. D'abord, lorsque l'acte sous seing privé contient des conventions synallagmatiques, il n'est valable qu'autant qu'il a été fait en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct. Il suffit d'un original pour toutes les personnes ayant le même intérêt. Chaque original doit contenir la mention du nombre des originaux qui en ont été fails. Néanmoins le défaut de mention que les originaux ont été faits doubles, triples, etc., ne peut être opposé par celui qui a exécuté la convention portée dans l'acte. (Art. 1325 Code civ.)

V. Mais si l'exécution couvre le vice et valide l'acte, il en résulte que la convention qu'il contenait n'était pas nulle avant cette exécution; car autrement l'exécution faite par une seule des parties ne pourrait pas lui donner une existence qu'elle n'aurait pas, deux volontés étant nécessaires pour créer une obligation synallagmatique. Aussi on n'a jamais regardé comme nulle l'obligation de ce genre, qui, contenue dans un acte privé, n'était pas constatée conformément à l'article 1325 du Code civil, et l'on a jugé, au contraire, qu'elle doit recevoir son effet, si elle peut être légalement prouvée par tout autre moyen que par l'acte qui la contient, et que la loi déclare non valable. (Cour de cass., 14 frimaire an 14; Cour royale de Turin, 6 mai 1806, et de Bruxelles, 9 janvier 1813.)

VI. Nous ne discuterons pas ici la question, fort controversée, de savoir si l'acte sous seing privé, non valable aux termes de l'article 1325, pourrait néanmoins servir de commencement de preuve par écrit et autoriser la preuve testimoniale, parce que les juges de paix ne pouvant connaître des affaires qui, en matière personnelle, s'élèvent au-dessus de 100 fr.,

pour les et la preuve testimoniale étant toujours admissible demandes au-dessous de cette valeur (arg. de l'art. 1341 Code civ.), il en résulte que la solution de cette question serait pour eux sans utilité.

VII. La seconde exception est celle contenue dans l'article 1326 du Code civil, qui est ainsi conçu : « Le billet ou la promesse sous seing privé, par lequel une seule partie s'engage envers l'autre à lui payer une somme d'argent où une chose appréciable, doit être écrit en entier de la main de celui qui le souscrit, ou du moins il faut qu'outre sa signature, il ait écrit de sa main un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres la somme ou la quantité de la chose, excepté dans le cas où l'acte émane de marchands, artisans, laboureurs, vignerons, gens de journée et de service. »

VIII. Il peut arriver que la somme contenue dans l'acte et celle du bon soient différentes. Le Code, pour trancher toute difficulté, décide qu'alors l'obligation est présumée n'être que de la somme moindre, et cela, lors même que l'acte, ainsi que le bon seraient écrits en entier de la main de celui qui s'est obligé, à moins qu'il ne soit prouvé de quel côté est l'erreur. (Art. 1327.)

IX. Quand on veut produire en justice un acte 'sous seing privé, il faut d'abord le soumettre à l'enregistrement (Loi du 22 frimaire an 7, art. 23); sans cela les juges ne pourraient y avoir égard. La cour de cassation a décidé, le 1er pluviôse an 10, que tout jugement motivé sur un acte non enregistré, était nul. Les greffiers des justices de paix seraient même passibles, comme tous les greffiers, d'une amende de 50 francs, s'ils signaient ou expédiaient des jugements qui contiendraient l'énonciation ou la teneur d'un acte sous seing privé non enregistré. (Loi du 22 frimaire an 7, art. 42.)

Il est inutile de rappeler que la formalité de l'enregistrement entraîne celle du timbre ou du visa pour timbre, et que l'acte sous seing privé doit être timbré toutes les fois qu'on en a besoin, pour agir et obtenir un jugement. (Loi du 13 brumaire an 7, art. 24.)

SECT. II. Effets des actes sous seing privé.

Si les formalités sont les mêmes pour tous les actes sous seing privé, à quelques différences près que nous avons eu soin de signaler, il n'en est pas ainsi des effets que peut produire chacun de ces actes. Pour plus de clarté, nous allons les diviser en paragraphes et les examiner successivement.

SIer. Effets de l'acte sous seing privé proprement dit.

I. L'acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l'oppose, ou légalement tenu pour reconnu, a, entre ceux qui l'ont souscrit et entre leurs héritiers ou ayants-cause, la même foi que l'acte authentique. (Code civ., art. 1322.)

Il faudrait néanmoins excepter de cette règle l'acte entaché de dol ou de fraude; cet acte, ainsi que l'a jugé a cour suprême, le 22 mars 1825, cesserait de faire foi, même contre les parties qui l'ont signé.

II. Mais, pour attribuer à l'acte sous seing privé la même force contre les ayants-cause qu'à l'acte authentique, il faut d'abord commencer par prouver contre eux leur qualité d'ayantcause, c'est-à-dire que leur auteur avait contracté, lorsqu'il leur a transféré et ses droits et ses obligations; parce qu'autrement ils ne le représentent plus, et par conséquent ils ne peuvent plus être assujettis à remplir ses obligations, pas plus qu'ils ne seraient admis à jouir des droits qu'il aurait postérieurement acquis.. (Merlin, Questions de Droit, v° Tiers, S 2; Grenier, Hypothèques, no 254, et Favard de Langlade, Répertoire de la Nouvelle Législation, vo Acte sous seing privé, sect. 1o, S4, n° 11; Cour de cass., 20 février 1827. Voyez aussi la Themis, t. 3, p. 49, et t. 5, p. 8, où l'on réfute, l'opinion contraire, qui a été soutenue par M. Toullier, t. 8, no 246, et t. 10, in fine.)

III. Celui auquel on oppose un acte sous seing privé, est obligé d'avouer ou de désavouer formellement son écriture ou sa signature; mais ses héritiers et ayants-cause peuvent se contenter de déclarer qu'ils ne connaissent point l'écriture ou la signature de leur auteur. (Code civ., art. 1323.)

IV. Si la partie désavoue son écriture ou sa signature, ou si ses héritiers ou ayants-cause déclarent ne la point connaître, la vérification pourra en être ordonnée en justice (art. 1324 Code civ., et 195 Code de Proc.); car, comme l'a très-bien jugé la cour suprême, le 11 février 1818, ce n'est point une obligation pour les juges d'ordonner cette vérification; ils peuvent tenir la signature pour vérifiée, si d'ailleurs leur conscience est suffisamment éclairée. L'article 195 da Code de Procédure nous semble dissiper tous les doutes que pourrait faire naître à cet égard l'art. 1324 du Code civil.

V. Mais si c'est devant un juge de paix que l'on dénie l'écriture, et que l'on déclare ne pas la reconnaître, ce juge alors donne acte à la partie de sa dénégation ou de sa déclaration, paraphe la pièce, renvoie l'incident (Carré, Lois de la Procédure, t. 1o, quest, 55) devant les juges qui doivent en con

naître (Code de Proc., art. 14), et là, la vérification d'écriture se fait conformément aux règles tracées au Code de Procédure, tit. 10, liv. 2, i partie.

VI. Ce renvoi n'est pourtant pas toujours une obligation pour le juge de paix. Si, par exemple, la pièce qu'on refuse de reconnaître, était inutile pour la décision de la cause, le juge de paix devrait, sans s'y arrêter, rendre son jugement, sauf aux parties à faire ce qu'elles jugeraient convenable pour faire prononcer sur cette pièce : frustrà probatur, quod probatum non relevat. (Carré, ubi suprà, quest. 56.)

VII. L'acte sous seing privé n'a pas d'effet seulement contre ceux qui l'ont signé, leurs héritiers et ayants-cause: il fait encore foi de son contenu contre les tiers (arg. de l'art. 1328 Code civ.), qu'il n'oblige pourtant point (Duranton, t. 13, no 112; Toullier, t. 8, n° 239). Mais il n'en est pas de même de sa date. Il n'en a une certaine contre les tiers que du jour qu'il a été enregistré, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui l'ont souscrit, ou du jour où sa substance a été constatée dans des actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellés ou d'inventaire (Code civ., art. 1328). On reconnaît encore une date certaine à l'acte sous seing privé qui a été suivi d'exécution (Cour royale de Paris, 12 janvier 1810). La cour royale de Caen a également jugé, le 26 avril 1814, que la déclaration privée par laquelle un débiteur tient pour exécuté un jugement par défaut rendu contre lui, peut être opposée aux tiers, quoiqu'elle n'eût pas acquis de date certaine avant l'expiration des six mois.

SII. Effets des livres des commerçants.

I. Les livres de commerce régulièrement tenus peuvent être admis par le juge, pour faire preuve entre commerçants, des faits de commerce (Code de Comm., art. 12). Les livres que chaque commerçant doit tenir (Code de Comm., art. 8 et 9), formant le contrôle de ceux de sa partie adverse, on a pu admettre, entre eux, ce genre de preuves, sans avoir de grands inconvénients à redouter; mais, lorsque ces livres sont invoqués contre des personnes non commerçantes, le même contrôle ne pouvant plus avoir lieu, on n'a pas da y ajouter la même foi : aussi l'art. 1329 du Code civil décide-t-il que les registres des marchands ne font point, contre les personnes non marchandes, preuve des fournitures qui y sont portées. Cependant, comme ces livres doivent être tenus avec une régularité et des formes capables d'inspirer de la confiance, le

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