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DE

LA RÉVOLUTION

FRANÇAISE,

PAR M. A. THIERS,

DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE, MINIstre et député.

TOME PREMIER.

Quatrième Edition.

HEQUE

PARIS,

CHEZ LECOINTE, ÉDITEUR,

QUAI DES AUGUSTINS, N° 49.

MDCCC XXXIV.

CANT

DE

LA RÉVOLUTION

FRANCAISE.

JE me propose d'écrire l'histoire d'une révolu tion mémorable, qui a profondément agité les hommes, et qui les divise encore aujourd'hui. Je ne me dissimule pas les difficultés de l'entreprise, car des passions que l'on croyait étouffées sous l'influence du despotisme militaire, viennent de se réveiller. Tout-à-coup des hommes accablés d'ans et de travaux ont senti renaître en eux des ressentiments qui paraissaient apaisés, et nous les ont communiqués, à nous, leurs fils et leurs héritiers. Mais si nous avons à soutenir la même cause, nous n'avons pas à défendre leur conduite, et nous pouvons séparer la liberté de ceux qui l'ont bien ou mal ser

vie, tandis que nous avons l'avantage d'avoir entendu et observé ces vieillards, qui, tout pleins encore de leurs souvenirs, tout agités de leurs impressions, nous révèlent l'esprit et le caractère des partis, et nous apprennent à les comprendre. Peut-être le moment où les acteurs vont expirer est-il le plus propre à écrire l'histoire on peut recueillir leur témoignage sans partager toutes leurs passions.

Quoi qu'il en soit, j'ai tâché d'apaiser en moi tout sentiment de haine; je me suis tour à tour figuré que, né sous le chaume, animé d'une juste ambition, je voulais acquérir ce que l'orgueil des hautes classes m'avait injustement refusé; ou bien qu'élevé dans les palais, héritier d'antiques priviléges, il m'était douloureux de renoncer à une possession que je prenais pour une propriété légitime. Dès lors je n'ai pu m'irriter; j'ai plaint les combattants, et je me suis dédommagé en adorant les ames généreuses.

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