On chassa ces docteurs prêchans sans mission. 90 On vit renaître Hector, Andromaque, llion. Seulement, les acteurs laissant le masque antique, BIENTOT l'Amour fertile en tendres sentimens S'empara du théatre, ainsi que des romans, 95 De cette passion la sensible peinture Est pour aller au cœur la route la plus sûre. Peignez-donc, j'y consens, les héros amoureux : Mais ne m'en formez pas des bergers doucereux. Qu'Achille aime autrement que Thyrcis & Philene. 100 N'allez pas d'un Cyrus nous faire un Artamene 20 Et que l'amour souvent de remords combattu Paroisse une foiblesse & non une vertu. DES HÉROS de roman fuyez les petitesses: Toutefois aux grands cœurs donnez quelques foiblesses. 105 Achille déplairoit, moins bouillant & moins prompt. J'aime à lui voir verser des pleurs pour un affront. 20 C'est le nom d'un Roman de Mlle. de Scudéri. A ces petits défauts marqués dans sa peinture; Qu'il soit sur ce modele en vos écrits tracé. Les climats font souvent les diverses humeurs. IIS GARDEZ-DONC de donner, ainsi que dans Clélie, L'air, ni l'esprit François à l'antique Italie, Et sous des noms Romains faisant notre portrait, Peindre Caton galant & Brutus dameret. Dans un roman frivole aisément tout s'excuse; 120 C'est assez qu'en courant la fiction amuse. Trop de rigueur alors seroit hors de saison. Mais la scène demande une exacte raison. L'étroite bienséance y veut être gardée. D'UN nouveau personnage inventez-vous l'idée ? 125 Qu'en tout avec soi-même il se montre d'accord, Et qu'il soit jusqu'au bout tel qu'on l'a vu d'abord, SOUVENT, sans y penser, un ecrivain qui s'aime, Tout a l'humeur gascone, en un auteur Gascon. 130 Calprenede & Juba 21 parlent du même ton. LA NATURE est en nous plus diverse & plus sage. La colere est superbe, & veut des mots altiers. Il faut dans la douleur que vous vous abaissiez. 21 Héros du Roman de Cléopatre, par La Calprenede Gentilhomme du Périgord. 22 Seneque le tragique, Troade, scène I, v. 9. Septena Tanaïm ora pandentem bibit, Ces grands mots dont alors l'acteur emplit sa bou che, Ne partent point d'un coeur que sa misere touche. 145 LE THEATRE fertile en censeurs pointilleux, Chez nous, pour se produire, est un champ perilleux. pas Il trouve à le sifler des bouches toujours prêtes. 150 C'est un droit qu'à la porte on achette en entrant. Il faut qu'en cent façons, pour plaire, il se replie; Que tantôt il s'eleve, & tantôt s'humilie; Qu'en nobles sentimens il soit par tout fecond; 155 Que de traits surprenans sans cesse il nous reveille; Qu'il coure dans ses vers de merveille en merveille, Et que tout ce qu'il dit, facile à retenir, De son ouvrage en nous laisse un long souvenir. 160 D'UN AIR plus grand encor la Poësie Epique, Dans le vaste recit d'une longue action, Se soutient par la fable, & vit de fiction. Là pour nous enchanter tout est mis en usage: Tout prend un corps, une ame, un esprit, un visage. 165 Chaque vertu devient une Divinité, Minerve est la prudence, & Vénus la beauté. Un orage terrible aux yeux des matelots; 170 C'est Neptune en courroux qui gourmande les flots. Le poête s'egaye en mille inventions, 175 Orne, eleve, embellit, agrandit toutes choses; QU'ENÉE & ses vaisseaux par le vent écartés Ce n'est qu'une aventure ordinaire & commune, 180 Qu'un coup peu surprenant des traits de la fortune. |