85 La licence à rimer alors n'eut plus de frein. Apollon travesti devint un Tabarin 4. Cette contagion infecta les provinces, Du Clerc & du Bourgeois passa jusques aux Princes. Le plus mauvais plaisant eut ses approbateurs, 90 Et jusqu'à Dassouci, tout trouva des lecteurs. Mais de ce style enfin la Cour désabusée, Dédaigna de ces vers l'extravagance aisée, Distingua le naïf, du plat & du bouffon, Et laissa la province admirer le Typhon 6. 95 Que ce style jamais ne souille votre ouvrage. Imitons de Marot l'élegant badinage, Et laissons le burlesque aux plaisans du Pont-neuf. MAIS n'allez point aussi, sur les pas de Brebeuf, Même en une Pharsale, entasser sur les rives, 100 De morts & de mourans cent montagnes plaintives 7. 4 Allusion au Virgile tra- que de Scarron, 7 Vers de Brebeuf Prenez mieux votre ton. Soyez simple avec art, N'OFFREZ rien au lecteur que ce qui peut lui plaire. 105 Que toujours dans vos vers, le sens coupant les mots DURANT les premiers ans du Parnasse françois, 115 La rime au bout des mots assemblés sans mesure, Tenoit lieu d'ornement, de nombre & de césure. 8 Poëte Francois du xve, siecle. Marot bientôt après fit fleurir les Balades, 120 Tourna des Triolets, rima des Mascarades, A des refrains reglés asservit les Rondeaux, Reglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode 9: 25 Et toutefois long-temps eut un heureux destin. Mais sa Muse en françois parlant grec & latin, 130 Rendit plus retenus Desportes & Bertaut 10. 9 Et ne faut se soucier, disoit Ronsard,si les Vocables sont Gascons, Poitevins, Normands, Manceaux, Lyonnois ou d'autres pays, Abregé de l'Art Poëtique. 10 Desportes & Berthault, Poëtes du siecle de Henri III & de Henri IV. Par 135 Par ce sage ecrivain la langue réparée N'offrit plus rien de rude à l'oreille epurée. Tout reconnut ses lois, & ce guide fidele f40 Aux Auteurs de ce temps sert encore de modele. Marchez donc sur ses pas: aimez sa pureté, Et de son tour heureux imitez la clarté. Si le sens de vos vers tarde à se faire entendre, Selon que notre idée est plus ou moins obscure, Partie IV. B 155 SUR TOUT, qu'en vos ecrits la langue reveréc Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée. En vain vous me frappez d'un son melodieux, Si le terme est impropre, ou le tour vicieux. Mon esprit n'admet point un pompeux barbarisme, 160 Ni d'un vers empoulé l'orgueilleux solecisme. Sans la langue, en un mot, l'Auteur le plus divin Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant ecrivain. Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse, Et ne vous piquez point d'une folle vîtesse. 165 Un style si rapide, & qui court en rimant, Marque moins trop d'esprit, que peu de jugement. Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. Ajoutez quelquefois, & souvent effacez. |