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sentez tous, dit-il, dit-il, je ne veux pas la dévelop- IV.• Egå per, mais j'en demande l'ajournement.

Cette réticence était assez entendue. Be aucoup d'intérêts différents se réunirent à un même but, avec des vues et des espérances diverses. Tous les partis songeaient à tourner à leur profit, une circonstance critique; et le premier pas vers un remplacement quelconque, était un déplacement. Une voix s'éleva contre ces insinuations alors dangereuses, et dit : «Nous allons écrire de grandes pages dans l'histoire de la France. Il est beau pour le vainqueur de ne pas vouloir tout ce qu'il peut; ne nous laissons pas prévenir par des rapprochements de ce qui fut fait dans d'autres contrées; la royauté appartient à la nation, et elle doit être respectée; ne devançons point la loi qui ne prononce qu'après la certitude acquise. »

Un membre demanda à propos de suspendre la séance; elle fut reprise, un moment après, au bruit d'une musique militaire qui précédait une députation de la garde nationale. Lafayette porta la parole et fit le serment; ensuite, pendant deux heures, la salle se remplit successivement de citoyens armés de piques, de militaires français et suisses qui défilaient, la main levée, et prononçant je le jure.

Cependant l'arrivée du roi était annoncée ; l'armée des gardes nationales qui l'escortaient

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IV. Ep. dans sa route, se grossissait dans chaque commune; les trois commissaires de l'assemblée l'avaient joint à Châlons, et voyageaient avec lui dans la même voiture. Le roi et la reine occupaient le fond; entre eux était assis Barnave; sur le devant était madame Elisabeth; à côté d'elle, madame de Tourzelle, tenant le dauphin sur ses genoux; et Pétion, ayant sur ses genoux, la fille du roi, âgée de douze ans. Cette marche était un tableau de la révolution; le troisième commissaire, Latour-Maubourg, était dans la voiture de suite. A la première couchée, le roi fit mettre, à souper, trois couverts de plus, et dit aux trois commissaires: Asseyons-nous. Ils refusèrent, sous prétexte d'ordres nécessaires à donner pour son service. Pendant la route, l'entretien fut libre et même gai : « Vous êtes pour une république vous, disait le roi à Pétion; » et Pétion, déja courtisan, répondait : « Sire, je l'étais à la tribune; ici, je sens que mon opinion change. » La reine interrogeait souvent Barnave, et souvent son silence seul répondait; elle dit, un soir, à LatourMaubourg : « Dites donc, je vous prie, à M. Barnave qu'il ne regarde pas tant à la portière, quand je lui fais des questions. » Il arriva que les deux commissaires furent à peu près conquis pendant la route, et ne contribuèrent pas peu aux partis modérés qui furent le ré

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sultat des discussions; l'esprit social et la civi- IV. Ep. lisation donnent à la puissance abattue et résignée sans humeur, un charme irrésistible et un attrait supérieur au pouvoir même. Ce sentiment qui, dans une nation très-civilisée, se mêle aux passions pour les adoucir, était général. Toutes les mesures prises pour assurer l'entrée du roi à Paris, étaient déja presque inutiles; une affiche énergique se trouva mise au faubourg Saint-Antoine Celui qui criera vive le roi, sera battu; celui qui insultera le roi, sera pendu. Le cortége entra à Paris le 26, ayant couché à Meaux; on le fit tourner par 25 juin. les boulevarts extérieurs, et la voiture entra

par

les

:

la porte du jardin des Tuileries, appelée le Pont-Tournant. Un peuple immense bordait passages, en silence et sans aucun témoignage de satisfaction ni de ressentiment. Les stores de la voiture étaient baissés; sur le siége, les trois gardes qui avaient servi de courriers.

On s'arrêta à la porte du château qui donne sur le jardin; l'accueil sombre et calme en avait imposé; la reine, en descendant de voiture, répondit à quelqu'un qui voulait la rassurer: Monsieur, je suis préparée à tout. Le roi dit assez rudement à ceux qui l'entouraient : Eh bien! me voilà, je ne suis pas perdu. Les trois gardes, que l'on eut quelque peine à garantir, furent conduits en prison.

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IV. Ep.

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Le matin même, un décret avait pourvu à l'état des choses, après l'arrivée du roi à Paris.

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« Il dut être donné une garde particulière au roi, à la reine et à l'héritier présomptif. Tous <«< ceux qui les avaient accompagnés furent en <<< arrestation et interrogés; l'expédition des af<«<faires et l'apposition du sceau durent rester « au même état où les avait mises le décret, au départ du roi. » On nomma de plus trois commissaires Dandré, Tronchet, Duport, pour recevoir les déclarations du roi et de la reine. Le pouvoir exécutif se trouva ainsi suspendu entre les mains du roi, et sa personne en détention. Tel était l'état des choses, quoique l'assemblée semblât ne pas en convenir; mais les formes avaient été sauvées, les rédactions mesurées dans leurs expressions, et c'était tout ce que la modération pouvait se permettre dans

les circonstances.

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Le lendemain, le roi et la reine furent entendus dans leurs déclarations. Le roi dit qu'apparemment on ne prétendait pas lui faire subir un 8 juin. interrogatoire; et qu'alors il ne se refusait pas à dire ce qu'il avait vu; il renouvela ses motifs pour sortir de Paris, où il ne croyait en sureté lui ni sa famille ; que son intention n'était point de sortir de France; mais seulement de se rendre à Mont-Médi, comme place de sureté; il justifia ceux qui l'avaient suivi, sur le secret

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qu'il leur avait gardé de ses projets. Les com- IV. Ep. missaires demandèrent ensuite à être introduits chez la reine. Les détails qui peignent, appartiennent à l'histoire des temps: madame Elisabeth était présente; le roi lui dit : Elisabeth va voir là haut, si la reine peut recevoir ces messieurs, et qu'elle ne les fasse pas attendre. La jeune princesse redescendit et annonça que la reine venait de se mettre au bain; le roi lui dit de rétourner vers elle et savoir si cela serait long; les commissaires demandèrent l'heure de la reine, et elle indiqua le lendemain, heures du matin. Elle reçut les commissaires, seule, dans sa chambre à coucher, motiva son départ sur son devoir de suivre le roi, justifia ses domestiques, et dit que la crainte de manquer de chevaux avait seul décidé Monsieur, frère du roi, à prendre une autre route. Il était parti, le même jour avec sa femme, et était arrivé à Mons. Le roi demanda copie des deux déclarations et les signa.

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Cette forme de nommer des commissaires dans la représentation nationale, pour recevoir la déclaration du roi, ne passa pas sans opposition; on y vit une distinction que ne devait point admettre l'égalité politique pardevant le pouvoir judiciaire constitutionnel; on fut redevable particulièrement à Duport, du développement de ces principes constitutifs du gouverne

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