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demander justice de leurs officiers, et ensuite, V.• Ep. des soldats condamnés par des tribunaux militaires, y porter l'appel de leur jugement; des suisses du régiment de Château-Vieux, condam. nés aux galères après l'affaire de Nanci, vinrent demander leur réintégration et l'obtinrent. On y défendit la cause des soldats qui avaient massacré Dillon; mais cependant l'assemblée, effrayée des désastres de Mons et de Lille, prit quelques mesures de répression contre les excès de l'anarchie militaire. On sentit le besoin de la discipline dans les armées; uncloi martiale créa des tribunaux conseils de guerre, pour le jugement des délits de l'insubordination; on mit, par une loi expresse, les prisonniers de guerre sous la sauvé-garde de la nation. « Ce n'est pas l'ennemi, 4 mai, «<(écrivait Lafayette) qui le demande; c'est l'ar«mée française l'indignation que nous avons éprouvée, m'autorise à dire que de braves sol« dats répugneraient à combattre, si le sort de « leur ennemi vaincu devait être livré à de lâches << cannibales. >> On ne prévoyait pas encore que l'on touchait au temps où la loi prescrirait le massacre et défendrait de faire des prisonniers; et les grenadiers répondaient alors à la publication de cette loi : « Eh bien! nous ne connaî<«<trons que des déserteurs. » Ce contraste du caractère national et de sa législation à cette

V. Ep. époque, est une remarque qui appartient au philosophe, au naturaliste et à l'historien.

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Ces désastres, qui auraient pu embarrasser ceux qui avaient provoqué la guerre, loin d'intimider les clubs des jacobins, avaient exaspéré leur audace. On y tonna contre les généraux; Rochambeau y fut déclaré traître; le meurtre de Dillon y fut une juste vengeance des soldats; l'empereur, dans une sorte de manifeste, avait dénoncé les jacobins comme une secte isolée, à laquelle seule il déclarait la guerre ; ils s'honorèrent de l'exception, et relevèrent le gage du combat; en représailles, on dénonça un comité autriPièces j. chien comme un centre secret d'opposition à la liberté.

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Montmorin et Bertrand furent désignés par les journaux des partis; its mirent les écrivains en cause, et les traduisirent, comme calomniateurs, pardevant les tribunaux. Un juge-de-paix, 18 mai. nommé Larivière, vint à la barre réclamer du comité des recherches certaines pièces utiles au jugement: l'assemblée en refusa la communica-. tion; on motiva le refus sur la nécessité du se-, cret dans les affaires de sureté publique. Le juge alors eut l'imprudence, tout au moins illégale, de lancer un mandat d'amener contre trois députés, membres du comité, Bazire, Chabot et Merlin. On ajouta au défaut de formes légales, des formes d'exécution peu mesurées. Les trois

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députés furent arrêtés dans leur demeure, dès V.• Ep: le point du jour, conduits des soldats de police pardevant le juge. On sembla même affecter de les donner en spectacle, soit que l'on voulût essayer, contre l'assemblée, les armes du pouvoir judiciaire, soit que l'on voulût tenter une épreuve du ridicule et de l'inconsidération.

L'effet manqua, et le trait, mal assuré, blessa les amis de ceux qui l'avaient dirigé. En vain la loi permettait de lancer des mandats d'arrêt contre les députés, les orateurs, par une distinction subtile mais spécieuse, établirent la disparité avec le mandat d'amener le premier supposait le flagrant-délit, qui exigeait une prompte mesure; l'autre, qui ne supposait aucune urgence, laissait le laissait le temps de consulter le corps législatif sur la mise en cause d'un de ses membres. Guadet, dans un discours préparé et savant, conclut à la mise en accusation du juge, et après une opposition peu soutenue, le décret fut porté. Le ministre de la justice, Duranthon, était intervenu pendant la discussion, et, malgré une lettre du roi, qui déclarait qu'il allait poursuivre aux tribunaux les dénonciateurs du comité au- ao mai trichien, la délibération ne fut point détournée, et le juge fut conduit aux prisons d'Orléans. Cette attaque, mal calculée dans son objet, mal dirigée dans ses moyens, nuisit beaucoup au parti de la cour, gêna le parti constitutionnel,

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V. Ep. et le parti opposé à l'un et à l'autre se fortifia

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de leur perte.

Cette dénomination de comité autrichien avait été habilement imaginée pour présenter, d'un mot, au peuple, une image odieuse et alarmante. Sans doute, sous cette dénomination, comme légation patente et accréditée, un comité autrichien n'existait pas ; mais il est très-vrai qu'il existait alors une réunion, dont la reine était le chef invisible pour le grand nombre des adeptes. - Après la réintégration du roi dans ses pouvoirs constitutionnels, ceux qui s'étaient dévoués au succès de cette grande affaire, virent leur ancienne popularité déchoir journellement, et se perdre dans l'autorité même qu'ils avaient relevée. Inculpés, poursuivis, rejetés de ces mêmes associations populaires qu'ils avaient fondées, maintenues, et dont ils avaient au loin étendu l'empire; ils purent dire, pendant cet orage politique, avec ce roi fugitif, proscrit par ses fils: «Vents, soufflez; déployez contre moi votre rage; vous n'êtes pas mes enfants; je ne vous ai pas donné un royaume. » Il n'appartient qu'à ceux dont la sagesse a vieilli dans les tempêtes révolutionnaires, de savoir se laisser honorer par l'ingratitude du peuple. Le jeune âge s'irrite contre elle. Aristide s'éloigne et se taît; Alcibiade fuit et se venge. Cette intelligence même, avec la reine, repousse l'idée de trahison et de

connivence

connivence avec l'étranger. La reine craignait le v. Ep. retour des princes, qui eussent, pour prix de 179. leur service, voulu partager un crédit qu'elle voulait seule ; la pensée de favoriser un démem. brement, était trop contraire à ses propres intérêts; mais ceux qui la servaient, ceux qui lui promettaient de restituer au trône, non pas l'antique autorité absolue qui l'eût rendu bientôt indépendant d'eux; mais cette portion de pouvoir, qui n'avait pu trouver place dans la révision; ceux-là, pour prix de leur service, attendaient l'exercice de cette même autorité. Ils ouvraient cette mine féconde, à condition d'avoir le privilége et l'assurance de l'exploiter'; ils promettaient du pouvoir et demandaient du crédit ; ils élevaient la première place, pour rehausser les secondes ; ils étayaient le trône, afin d'en occuper les degrés et s'y assurer un abri.

Ce conseil intime, auquel le roi n'était pas toujours appelé, avait ou croyait avoir des affinités et des intelligences dans tous les partis. On flattait les constitutionnels de maintenir leur ouvrage; et, pour cela, on mettait, en temps utile, la parole du roi en avant; on le produisait, au besoin, dans l'assemblée, pour y rassurer la majorité, et en imposer un moment à l'opposition. On calmait les jacobins en s'assurant de leurs chefs. Danton, et peut-être Brissot, étaient soldés; et lorsqu'à cette attaque contre Tome I.

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