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siste, et fixons sa portée; nous dirons ensuite les motifs. - La suppression de la dégradation civique dans ce paragraphe n'est pas absolue à vrai dire, elle porte plutôt sur la qualication, qui ne sera plus infamante, que sur la peine même. La pénalité nouvelle conserve, au moyen de l'art. 42, la presque totalité des effets de la dégradation civique, avec cette différence, qui est à notre avis une amélioration, que le juge aura la faculté de l'appliquer et de la mesurer selon les cas et selon les personnes. La privation des droits, peine sérieuse pour quelques-uns, est purement nominale pour d'autres. C'est par ce motif que, dans le code revisé de 1832, on a voulu que le juge puisse ajouter l'emprisonnement à la dégradation civique (art. 35). L'emprisonnement accessoire (disait le rapporteur) frappera ceux que la peine principale de la dégradation civique n'aurait pas frappés. » II aurait pu ajouter que, dans ce concours des deux peines, l'emprisonnement sera trop souvent la peine principale. Dans la nouvelle rédaction du deuxième paragraphe de l'art. 228, l'emprisonnement de deux à cinq ans n'est pas seulement maintenu; le maximum est déclaré obligatoire, pour tenir lieu de la dégradation civique comme aggravation de peine. La qualification est diminuée peut-on dire que la peine le soit? N'oublions pas qu'à cet emprisonnement viendront se joindre les incapacités et le renvoi sous la surveillance de la haute police. Quant aux motifs de ce changement, quelques-uns ressortent de la comparaison même que nous venons de faire des deux peines. Celle de la dégradation civique manque ici d'analogie, de proportion et d'efficacité : la peine des cinq aunées d'emprisonnement sera mieux appropriée à des uatures violentes et grossières, son effet préventif plus certain. Mais, indépendamment de ces motifs, il en est d'un autre ordre et d'un caractère plus général, que ce changement satisfait en donnant juridiction immédiate au tribunal dont un membre vient d'être frappé à l'audience. Le principe de cette juridiction n'a pas besoin d'être défendu; on le retrouve partout, il est dans la nature des choses: c'est la répression immédiate d'un flagrant délit : c'est le tribunal défendant la liberté, la dignité, la sécurité de son audience. -Cet intérêt si pressant, ces considérations si graves, doivent fléchir sous les lois supérieures de la compétence et de la distribution des peines, quand il s'agit de faits qualifiés crimes. Un tribunal correctionnel ne peut avoir juridiction que sur des délits; les peines afflictives ou infamantes ne sont pas de son domaine (art. 181, 505, 506, C. inst. crim.). Si un crime est commis à son audience, il doit renvoyer les pièces et le prévenu, à l'état d'arrestation, devant les juges compétents. Cet ajournement de la répression ne la met pas en péril dans les cas de violences graves qui ont été la cause d'effusion de sang, de blessures ou de maladie. Mais quand les violences n'ont pas ce caractère de gravité physique, comme l'art. 228, on peut craindre, et l'expérience a justifié cette crainte, que le jury ne le réprime pas toujours avec la sévérité qui convient à leur gravité sociale. Quand le coupable, en effet, comparaît devant la cour d'assises, après une instruction et une détention préventive plus ou moins longues, les faits semblent avoir perdu de leur importance, l'impression première s'est effacée, et le jury incline à une indulgence qu'il n'aurait pas eue si le jugement avait suivi l'offense de plus près. - Mais la considération dominante, c'est qu'un tribunal est le juge naturel et obligé du flagrant délit commis à son audience. Il y a là un principe et un intérêt de premier ordre, qu'il faut affirmer en l'appliquant, toutes les fois que la gravité exceptionnelle des faits n'impose pas le devoir de recourir à la plus haute juridiction criminelle.

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L'art. 229, qui se rattache au précédent, serait supprimé. On avait pensé d'abord à le modifier en substituant la prison au bannissement dans le troisième paragraphe. Mais on a reconnu qu'aiusi modifié il faisait double emploi et devenait complétement inutile. L'interdiction locale et temporaire qu'il permet de prononcer, avec la peine éventuelle de l'emprisonnement en cas d'infraction, sont les conditions essentielles du régime de la surveillance, auquel le condamné peut être soumis en exécution de l'art. 228. On supprime du même coup des difficultés bizarres, auxquelles cet art. 229 pourrait donner lieu, dans le cas, par exemple, de la mort du magistrat ou de son changement de résidence dans les dix ans de la peine.

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La pénalité de l'art. 222 est maintenue pour les cas d'outrage qu'il prévoit ; mais une disposition additionnelle punit de quinze jours à un an de prison « l'outrage commis par écrit ou dessin non rendu public ». Le fait n'est pas rare malheureusement, et il a bien sa gravité. Si des peines de simple police pouvaient lui être appliquées, comme on l'a prétendu quelquefois, en exécution de l'art. 376, elles seraient manifestement insuffisantes.

L'art. 224 serait modifié de deux manières : dans la désignation des agents que cet article est destiné à protéger, et dans la disposition pénale. Les tribunaux hésitent à comprendre sous la dénomination

d'agent dépositaire de la force publique les surveillants des halles et marchés, les gardiens des maisons centrales, les agents des contributions indirectes et d'autres encore. Il en résulte que les outrages commis envers ces agents restent impunis. Pour prévenir toute hésitation sur ce point, on emprunte à l'art. 230 une désignation dont les termes génériques paraissent devoir assurer la répression dans tous les cas; c'est celle-ci Tout citoyen chargé d'un service public. » Quant à la disposition pénale, qui est tout entière dans une amende de 16 à 200 fr., on y ajoute un emprisonnemeut de six jours à un mois, inais avec la faculté d'appliquer l'une de ces peines seulement.

L'art. 225 punit de six jours à un mois de prison l'outrage dirigé contre un commandant de la force publique dans l'exercice de ses fonctions.-Cette peine a paru insuffisante; on propose un emprisonnement de quinze jours à trois mois et une amende facultative de 16 fr. à 500 fr. Cette aggravation, juste en soi, maintient aussi la progression de pénalité entre cet article et le précédent.

L'art. 230 punit d'un emprisonnement d'un mois à a six mois les violences de l'espèce exprimée en l'article 228 dirigées contre un officier ministériel, un agent de la force publique, ou un citoyen chargé « d'un ministère de service public, si elles ont eu lieu pendant qu'ils exerçaient leur ministère ou à cette « occasion.» Outre que cette peine n'est pas suffisante, elle constitue une disparité choquante entre cet article et l'art. 311. Là aussi il s'agit de violences, de coups simples; l'individu frappé n'est pas un dépositaire de l'autorité ou de la force publique dans l'exercice de ses fonctions, c'est un simple particulier, et néanmoins la peine peut être d'un emprisonnement de six jours à deux ans, et d'une amende de 16 fr. à 200 fr. Il faut nécessairement élever la peine dans le premier cas: l'art. 230 modifié porterait un emprisonnement d'un mois au moins et de trois ans au plus, et une amende de seize francs à cinq cents francs.

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ces circonstances aggravantes, le fait ne constitue, par rapport à lui, ni crime ni délit (art. 245). L'indulgence de la loi pour un acte aussi naturel s'explique d'ellemême il ne peut y avoir de répréhensibles ou de coupables que les tiers qui ont favorisé l'évasion. Encore faut-il reconnaître que, même en ce qui les regarde, le fait ne suppose pas une perversité bien dangereuse, lorsqu'il n'y a pas corruption ou violence. Le jury, quand il est appelé à les juger, leur accorde systématiquement le bénéfice des circonstances atténuantes. Il s'est plaint maintes fois d'avoir à connaître de cette espèce d'infractions, qui seraient plus promptement et plus sûrement réprimées par les tribunaux correctionnels. Par ces considérations, la peine de la reclusion dans les art. 239 et 241 serait remplacée par celle de l'emprisonnement, avec les accessoires ordinaires, et par une amende de 50 fr. à 2,000 fr. On a élevé le maximum de l'amende, parce que ces complicités d'évasion sont presque toujours des délits de cupidité. En lisant les art. 240 et 245, le corps législatif reconnaîtra que les cas les plus graves restent sous le régime des peines afflictives et infamantes. Seulement, dans l'art. 240, le projet substitue la peine de la reclusion à celle des travaux forcés, parce qu'elle a paru plus juste, mieux graduée et plus conforme à ce qui venait d'être fait dans l'art. 239, où la reclusion est remplacée par l'emprisonnement, c'est-àdire la peine la plus forte abaissée d'un degré.

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Il s'agit de scellés apposés sur les papiers et effets d'un individu prévenu ou accusé d'un crime emportant la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité ou de la déportation. Les peines du bris de scellés sont celles de la reclusion contre toutes personnes autres que le gardien, et des travaux forcés contre celui-ci. Le fait prévu par cet article est excessivement rare; il fut érigé en crime, pour la première fois, par une loi du 20 niv. an II, en haine des menées contre-révolutionnaires. Quoique le code ait grandement adouci les peines portées par cette loi, on peut trouver que celles de l'art. 251 gardent encore quelques traces de leur origine; le projet les abaisse d'un degré, en mettant l'emprisonnement au lieu de la reclusion dans le premier paragraphe, et la reclusion au lieu des travaux forcés dans le second.

(Art. 279. Vagabonds et mendiants.)

Tout mendiant ou vagabond qui aura exercé <quelque acte de violence que ce soit envers les personnes sera puni de la reclusion, sans préjudice de a peines plus fortes, s'il y a lieu, à raison du genre et « des circonstances de la violence. » Quelque acte de violence que ce soit... la reclusion... Nous n'hésitons pas à le dire, cette peine semble excessive, même en se pénétrant de cet esprit particulier de la loi qui lui fait ériger en délit, contre les vagabonds et les mendiants, des circonstances suspectes ou des actes présumés préparatoires. Le mendiant surpris dans une habitation, celui qui a usé de menaces, sera puni d'un emprisonnement de six mois à deux ans (art. 276). — Tout mendiant ou vagabond travesti d'une manière quelconque, ou porteur d'armes, ou muni de limes, crochets ou autres instruments propres soit à commettre des vols ou d'autres délits, soit à lui procurer les moyens de pénétrer dans les maisons, sera puni de deux à cinq ans d'emprisonnement (art. 277). Assurément, le mendiant ou vagabond saisi dans ces conditions est aussi dangereux, sinon plus, que celui de l'art. 279. Le projet de loi propose d'appliquer au second, comme au premier, la peine d'un emprisonnement de deux à cinq ans; l'art. 279 serait modifié

dans ce sens, mais avec une disposition additionnelle, ainsi conçue : « Si le mendiant ou vagabond qui a « exercé ou tenté d'exercer des violences se trouvait << en outre, dans une des circonstances exprimées par l'art. 277, il sera puni de la reclusion.

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(Art. 305, 306, 508. Menaces.)

Il semble qu'une menace ne devrait être passible d'aucune peine; considérée en soi, elle n'est ni crime, ni délit, ni tentative. Elle devient cependant un sujet d'incrimination légitime lorsqu'elle est de nature à causer de sérieuses alarmes par son extrême gravité, et que les circonstances révèlent une intention sérieuse de passer de la menace à l'exécution. — C'est la théorie des articles inscrits en tête de ce paragraphe. Le premier (art. 305) punit de la peine des travaux forcés à temps quiconque aura menacé, par écrit anonyme ou signé, d'assassinat, d'empoisonnement, ou de tout autre attentat contre les personnes qui serait punissable de la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité, ou de la déporta<tion..., dans le cas où la menace aurait été faite «avec ordre de déposer une somme d'argent dans un lieu indiqué, ou de remplir toute autre condition. C'est l'ordre qui, en révélant le motif criminel et l'intérêt de la menace, fait présumer, plus que toute autre circonstance, la résolution de l'exécuter en cas de refus. Si la menace n'a été accompagnée d'aucun ordre ou condition, elle n'est plus qu'un délit passible d'un emprisonnement de deux à cinq ans (art. 306). Enfin, si la menace faite avec ordre ou sous condition a été verbale, le coupable sera puni d'un « emprisonnement de six mois à deux ans (art. 307). › - En comparant les art. 305 et 307, on remarquera que, dans l'un et l'autre, c'est la menace accompagnée d'ordre ou de condition, verbale dans celui-ci, écrite dans celui-là, c'est toute la différence quelle distance entre les deux peines! Celle des travaux forcés à temps, infligée à la menace écrite, fut toujours considérée comme extrêmement sévère. Quand on réfléchit que c'est la peine du viol, du vol avec violence et d'autres grands crimes, on s'étonne de la voir appliquer à ce qui n'est, après tout, que la menace d'un crime. Les circonstances du temps où la loi fut faite peuvent expliquer en partie cette sévérite. Les mœurs gardaient encore des habitudes de violence dont la trace est visible dans quelques incriminations du code; les menaces d'attentat inspiraient de justes alarmes; l'ordre était obéi ou la menace exécutée. Il faut bien reconnaître qu'elles n'ont plus la même importance aujourd'hui; elles restent en genéral à l'état de menaces, sans danger pour la securité publique, et n'aboutissent le plus souvent qu'à livrer leurs auteurs aux mains de la justice. Le résultat des poursuites montre mieux encore que cette infraction a singulièrement perdu de sa gravité: les acquittements sont nombreux, les condamnations presque toujours modifiées par les circonstances atténuantes; et les cours, en abaissant la peine de deux degrés, s'associent manifestement aux appréciations du jury. du jury. Le projet remplace la peine des travaux forcés dans l'art. 305 par un emprisonnement de deux à cinq ans et une amende de 150 fr. à 1,000 fr., avec les incapacités et la surveillance. La peine de l'art. 506 est réduite proportionnellement. Rien n'est change dans l'art. 307. L'art. 508 est modifié, pour appliquer la surveillance obligée au cas prévu dans l'art. 505, tandis qu'elle reste facultative dans les autres cas. (Art. 309, 310, 312. Blessures et coups volontaires non qualifiés meurtre.)

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Quand celui qui a frappé l'a fait avec la volonté de

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Dans tous

donner la mort, l'incrimination de cet acte par la loi peine correctionnelle, conservant ainsi une gradation ne présente pas de difficulté : c'est un assassinat ou un suffisante entre cette disposition et celle de l'art. 311, meurtre, selon qu'il a été commis avec ou sans pré- qui punit les blessures et coups simples. méditation. Des circonstances atténuantes peuvent Mais, à n'y faire que ce changement, le système dans quelques espèces modifier la criminalité et la d'incrimination de l'art. 309 resterait défectueux enpeine, quand le jury a déclaré que ces circonstances core par un autre côté, et d'une manière plus grave existent. Mais nous ne parlons ici que de l'incrimina- peut-être. Cette condition de la maladie ou de tion générique, celle qui est faite par la loi : elle est l'incapacité de travail pendant plus de vingt jours peut simple, facile et certaine. Les difficultés et les in- manquer dans des circonstances où les coups et blescertitudes commencent quand l'intention de donner la sures ont eu des suites déplorables qui dureront aumort n'est pas établie. Où est la règle alors pour qua- tant que la vie : les cas de mutilation, par exemple, lifier l'offense et mesurer la peine? A quel signe recon- d'amputation ou privation de l'usage d'un membre, perte naître la perversité de l'agent et l'intensité de sa d'un œil et autres infirmités permanentes. volonté criminelle? Elle ne sera que très-imparfaite- ces divers cas, la lésion est plus grave que celle incriment révélée par le résultat matériel, des blessures minée par le § 1, et son existence certaine : il n'y a ou des coups ce résultat, en effet, sa gravité ou son pas de fraude ou d'erreur possible, et l'agent a voulu peu d'importance, dépendent de bien des causes qui presque toujours le mal qu'il a fait. La mutilation ne peuvent être imputées à l'agent. Est-ce à dire pour surtout, malheureusement trop fréquente dans une cela qu'on n'en doit tenir aucun compte dans la pé- certaine classe, révèle des sentiments de dépravation nalité; que les violences, les excès qui eurent des et de férocité contre lesquels il faut énergiquement suites déplorables, ne doivent pas être réprimés plus réagir. Eh bien, dans l'état présent de la loi, si la sévèrement que les voies de fait et les violences lé-mutilation ou la privation d'un membre n'a pas occagères? Non certes; c'est un principe écrit dans la sionné une maladie de plus de vingt jours, l'art. 311 conscience humaine, que le délit devient plus grave devra être appliqué, et le coupable ne subira qu'un avec le préjudice: là n'est point la difficulté. Mais ce emprisonnement correctionnel de six jours à deux qui est vraiment difficile, c'est d'établir des catégories ans. Cette lacune du code est d'autant plus repour la distribution des peines, en fixant par avance, marquable que le système du § 1er de l'art. 509 fut d'une manière uniforme, invariable, les conditions emprunté, comme nous l'avons dit, à l'art. 21 de la de durée et de gravité du mal, qui feront que la bles- loi de 1791, et qu'immédiatement à la suite de cet sure sera crime ou délit (art. 309-311). Quelques lé- article se trouve une série de dispositions qui incrigislations étrangères ont fait deux classes de bles- minent séparément les cas de mutilation, de perte ou sures et de peines correspondantes, en abandonnant de privation de l'usage des membres. En proposant aux juges le soin d'apprécier dans chaque espèce de réparer cette omission dans l'art. 309, nous ne quelles blessures sont graves et quelles sont légères. croyons pas qu'il suffise d'assimiler la mutilation et Ce système que nous ne jugeons point, ne pouvait pas les autres infirmités permanentes à la maladie de plus être celui du code. Il a emprunté le sien à une dis- de vingt jours. Elles formeront, si vous adoptez position de la loi de 1791, mais en réduisant à une le projet, une catégorie distincte, réglée par un noudurée de plus de vingt jours la circonstance aggra- veau paragraphe, et punie de la reclusion. vante de l'incapacité de travail, qui était de plus de quarante jours dans cette loi (art. 21 de la sect. 1re du tit. 2). Que cette circonstance puisse motiver justement une répression correctionnelle plus sévère, nous le reconnaissons volontiers, et le projet de loi dispose en conséquence; mais nous ne croyons pas qu'on doive lui attribuer la vertu de changer le caractère de l'infraction et la nature de la peine. Elle n'a pas la certitude et la fixité nécessaires pour servir de limite entre deux juridictions et de base à une distinction aussi fondamentale que celle de crime ou délit. On peut trop facilement en procurer l'apparence et en prolonger la durée. Trop de causes étrangères, qui ne sont pas toutes de bon aloi, peuvent concourir à sa formation: l'erreur, l'inhabileté, l'imprudence, le défaut de soin, la fraude intéressée. Le fait principal même, hors les cas de préméditation, porte rarement avec lui un caractère marqué d'immoralité. Il y a dans ces actes de violence plus d'irréflexion et de colère que de volonté criminelle : ce sont des faits de rixe et d'emportement, où le blâme n'est pas toujours du côté de la peine, et que le jury résiste à punir comme des crimes. Les relevés statistiques de la justice criminelle montrent que les acquittements sont dans la proportion de moitié, et que sur cinquante condamnés plus de quarante le sont correctionnellement. De leur côté, les magistrats, pour obtenir une répression plus certaine et plus égale, écartent fréquemment la circonstance de l'incapacité de travail, et se réduisent à poursuivre devant les tri-portant à l'art. 311, qui punit les blessures et coups

bunaux correctionnels l'application de l'art. 311.
Il n'est pas bon que cette situation se prolonge.
Pour la faire cesser, le projet de loi remplace la reclu-
sion, dans le § 1er de l'art. 309, par la plus forte

L'art. 310 prévoit le cas où la circonstance aggravante de la préméditation se joindrait aux autres circonstances déjà qualifiées dans l'article précédent; les peines alors sont élevées d'un degré. Cette gradation est maintenue dans le projet; mais, par une suite nécessaire des changements proposés sur l'art. 309, la gradation, qui ne comptait que deux degrés, en comptera trois : la reclusion, les travaux forcés à temps, les travaux forcés à perpétuité.

L'art. 312 établit une gradation analogue pour les cas de violence commise sur des ascendants légitimes.

Toutes les peines prononcées dans les art. 309, 310, 311, sont élevées alors d'un degré, excepté celle des travaux forcés à perpétuité, qui reste le dernier terme de cette progression. Le nouvel art. 312 serait conçu dans le même esprit. Les changements qu'on y remarque proviennent de la même cause que ceux de l'art. 310; seulement, comme la gradation compterait ici un degré de plus, pour l'arrêter à la peine des travaux forcés à perpétuité il a fallu établir deux degrés dans la reclusion, qui est le point de départ. C'est un moyen autorisé par des précédents dans le code même.

(Art. 320.

Blessures et coups involontaires.) La peine prononcée dans cet article contre les blessures et coups involontaires se compose d'un « emprisonnement de six jours à deux mois, et d'une amende de 16 franes à 100 francs.» En se re

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volontaires d'un emprisonnement de six jours à « deux ans et d'une amende de 16 à 200 francs, ou de « l'une de ces deux peines seulement, on voit que la peine de l'emprisonnement est facultative dans ce

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Cet article punit de la reclusion tout attentat à la pudeur consommé ou tenté sans violence sur la personne d'un enfant de l'un ou de l'autre sexe âgé de moins de onze ans. Le nombre de ces crimes va croissant, malgré la répression à laquelle le jury ne fait pas défaut. Néanmoins, on ne vous propose pas d'élever la peine, mais de reculer la limite d'âge. C'est le moyen d'atteindre ceux qui, par un odieux calcul, pour s'assurer l'impunité, ajournent leur attentat jusqu'au lendemain de la onzième année révolue. Les exemples n'en sont pas rares; la limite proposée de douze ans est celle qui existe dans beaucoup de pays d'Europe, et notamment en Toscane et dans les Deux-Siciles, où le développement de l'enfance est plus précoce que chez nous. La limite est de quatorze ans en Suisse, en Prusse et en Autriche.

(Art. 345.

Crimes et délits envers l'enfant.)

« Les coupables d'enlèvement, de recélé ou de sup«pression d'un enfant, de substitution d'un enfant à « un autre, ou de supposition d'un enfant à une femme qui ne sera pas accouchée, seront punis de la reclusion. La même peine aura lieu contre « ceux qui, étant chargés d'un enfant, ne le repré«senteront point aux personnes qui ont le droit de le « réclamer. » — C'est le texte actuel; à ces deux paragraphes le projet en ajoute un autre, qui deviendrait le second daus l'ordre de la rédaction; le voici : S'il n'est pas établi que l'enfant supprimé ait vécu, «la peine sera de trois mois à cinq ans d'emprisonnement. S'il est établi que l'enfant n'a pas vécu, la « peine sera de six jours à deux mois d'emprisonne«ment, et d'une amende de seize francs à cinquante ‹ francs. »

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Pour donner la raison de cette disposition additionnelle, il convient de rappeler que la cour de cassation, après avoir jugé dans plusieurs arrêts que la disposition du § 1er, générale et absolue, devait s'appliquer à toute suppression d'enfant, vivant ou mort, paraît être définitivement revenue de cette jurisprudence. Elle juge maintenant, et depuis longtemps, que l'art. 345 ne dispose que pour la suppression d'un enfant vivant; s'il n'est pas établi que l'enfant supprimé ait vécu, l'article cesse d'être applicable. Le sens de la loi ainsi fixé, la femme récemment accouchée qui ne représente pas son enfant, et qui n'en rend aucun compte, n'encourt aucune peine la garantie sociale manque à l'enfant qui vient de naître. Est-il besoin d'insister sur les conséquences? Nous ne savons pas de tentation plus forte à commettre l'infanticide. La mère qu'un sentiment de honte ou tout autre mobile sollicite à ce crime peut s'assurer l'impunité par une suppression complète, car elle met la justice dans l'impossibilité de vérifier si l'enfant a vécu. On s'est ému de cette défaillance de la loi. Même les esprits les plus portés à l'adoucissement systématique des peines reconnaissent qu'il y a là quelque chose à faire, une lacune à remplir. Fallait-il ériger en loi, par une disposition formelle, la première jurisprudence de la cour de cassation, qui appliquait l'art. 345 à toute suppression d'enfant, fût-il mort-né? ou, si cette disposition semblait trop rigoureuse, ne devait-on pas mettre à la charge de la mère coupable la preuve que l'enfant supprimé n'avait pas vécu? Assurément ce dernier parti n'avait rien d'excessif. La mère d'un en

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fant mort-né pourra bien cacher le cadavre, ou l'enterrer secrètement, pour cacher sa honte; mais elle ne le détruira point : elle voudra pouvoir le représenter à la justice si sa faute vient à être découverte. Quand elle l'a détruit ou qu'elle refuse de le representer, elle autorise les plus terribles soupçons. San doute ces soupçons ne vont pas à légitimer une accusation formelle d'infanticide; il ne peut s'agir encore que de suppression. Mais, dans cette limite, serait-ce donc une exigence outrée de la loi de présumer, jus qu'à preuve contraire, que l'enfant supprimé a vecu! Nous ne disons ceci que pour faire ressortir la mo dération de l'incrimination nouvelle, car elle n'est pas dans ce sens. On a considéré que la non-représentation du cadavre ne supposait pas nécessairement sa destruction volontaire; qu'elle pouvait s'expliquer par d'autres circonstances, peu communes sans doute, mais possibles; que même la destruction volontaire n'excluait pas forcément l'hypothèse de l'enfant mortné, car il pourrait arriver que le sentiment de la hontė, aveugle, irrésistible, et ne laissant de place à aucun calcul de prudence, eût poussé à l'anéantissement de tous les témoignages de la faute. On a voulu dès lors laisser à la femme, accusée ou prévenue, le bénéfice de ces doutes et de ces possibilités, et l'on a dit : L'enfant doit être représenté vivant ou mort; il faut à ce principe nécessaire une sanction pénale. Si l'enfant n'est pas représenté, il y aura crime ou délit de sup pression, selon le cas crime, si la suppression est d'un enfant né vivant; délit, s'il n'est pas établi que l'enfant supprimé ait vécu, ou si la preuve contraire est rapportée. Pour le cas de suppression criminelle, la sanction pénale existait déjà dans le § 1o de l'artcle 545; mais elle était à faire pour les deux cas de suppression délictueuse : c'est l'objet de la disposition additionnelle. On a pensé que, malgré l'identité du fait principal, les deux cas du délit étaient de valeur trop inégale pour les confondre sous une seule peine, en laissant au juge le soin de leur faire des parts inégales dans l'application. Le projet de loi les dis tingue et leur assigne à chacun sa peine. C'est aussi une manière de marquer plus nettement dans l'article la progression décroissante de la criminalite.

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De tous ces articles rangés dans la même catégorie. les deux premiers sont les seuls qui soient modifies en vue l'un de l'autre. On croirait difficilement qu'une antinomie puisse exister entre deux articles si rappro chés, qui ont dû être simultanément dans la pensée et sous les yeux du législateur : c'est cependant le cas, L'art. 382, en effet, punit de la peine des travaus forcés à temps tout individu coupable de vol commis à l'aide de violence, et de plus avec deux des quatre pri- ' mières circonstances prévues par l'art. 381. De son côté, l'art. 385 punit de la même peine tout vol commis à l'aide de violence, lorsqu'il n'est accompagné d'aucune autre circonstance aggravante. Cette antinomie n'existait pas dans la rédaction primitive du code, ou l'art. 382 prononçait la peine des travaux forcés à perpétuité. En abaissant cette peine d'un degré en 1832,

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on ne s'aperçut pas de la contradiction, qui est manifeste et qui doit disparaître. Pour arriver à ce résultat, il a paru logique et juste de ramener l'art. 382 au système de l'art. 385, c'est-à-dire de considérer la violence comme une circonstance assez aggravante pour motiver, seule, la peine des travaux forcés à temps. - La rédaction du premier paragraphe de l'art. 382 a été modifiée dans ce sens; et l'on a retranché de l'art. 385, comme faisant double emploi, ce qui était relatif à la violence. Mais ce retranchement n'est pas la seule modification opérée sur l'art. 385. — On a combiné sa rédaction nouvelle de manière à lui faire atteindre une variété de vol devenue malheureusement assez commune, et qui menace gravement la sûreté des personnes : c'est le vol commis pendant la nuit, et dans une maison habitée, par un seul individu, porteur d'armes apparentes ou cachées. L'assimilation de l'édifice consacré au culte à la maison habitée, comme circonstance aggravante, existe déjà dans l'art. 588.

(Art. 587.

Altération de marchandises par les voituriers, etc.)

Quoi que porte la rubrique, le fait prévu dans cet article n'est pas un fait de vol. Le vol commis par les voituriers, bateliers ou leurs préposés, » est incriminé dans le dernier paragraphe de l'art, 386. Il ne s'agit ici que d'altération; c'est le terme employé par l'article. Les substances qui ont servi à l'opérer peuvent être malfaisantes ou inoffensives. Dans le premier cas, c'est la peine de la reclusion; dans le second cas, un emprisonnement d'un mois à un an. 11 semblerait que la peine de la reclusion ait été déterminée surtout par la considération des suites fâcheuses que peut avoir pour les personnes l'emploi de substances malfaisantes. Mais il y a dans le code pénal une disposition spéciale qui prévoit et punit non pas seulement l'éventualité, mais le fait accompli d'avoir occa«sionné à autrui une maladie ou incapacité de travail eu lui administrant volontairement des substances nuisibles à la santé... c'est l'art. 517; le fait n'est puni de la reclusion que lorsque la maladie ou l'incapacité de travail a duré plus de vingt jours. --D'un autre côté, à ne considérer le fait qu'au point de vue de l'altération matérielle, c'est-à-dire de la détérioration de la marchandise, on a encore un terme de comparaison dans l'art. 443, qui n'applique à un délit de cette nature que la peine de l'emprisonnement, même quand le délit a été commis par un ouvrier de la fabrique ou par un commis de la maison de commerce.

A l'un et l'autre point de vue, la peine de la reclusion, dans l'art. 387, paraît exagérée. En essayant de déterminer le véritable caractère de ce délit de voiturier, on voit que ce n'est ni le vol caractérisé, puni par l'art. 386, ni l'atteinte à la santé d'autrui, punie par l'art. 317; c'est plutôt un abus de confiance, et d'une importance si minime, presque toujours, que le jury, qui se plaint d'avoir à le juger, manque quelquefois à la répression. Il sera mieux réprimé et à moins de frais par la police correctionnelle.

Le projet remplace la peine de la reclusion dans le paragraphe 1er par un emprisonnement de deux à cinq ans et une amende de 25 fr. à 500 fr.

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an de prison (456), et le vol des récoltes, de quinze jours à deux ans de prison, quand elles étaient déjà détachées du sol (388, § 3). Si les récoltes n'étaient pas détachées du sol, ce ne serait plus qu'un maraudage, passible de peines de simple police (475, § 15). Que le concours de ces deux faits et l'aggravation réciproque qui en résulte puissent aboutir à une forte peine correctionnelle, cela se conçoit; mais qu'on le grossisse aux proportions d'un crime, passible de la reclusion, cela ne paraît pas juste, ni en rapport avec la distribution ordinaire des peines. On voit en effet, dans l'art. 338, § 4, que ce même vol de récoltes, commis avec les circonstances aggravantes de la nuit et de la pluralité de personnes, n'est puni que d'un emprisonnement correctionnel qui peut s'élever à cinq ans et d'une amende de seize francs à cinq cents francs. Ce que nous venons de dire des dispositions du jury, sur l'art. 387, n'est pas moins vrai que celui-ci. Le projet de loi fait le même changement dans la peine.

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La contrefaçon de clefs punie dans cet article n'est qu'un acte préparatoire du vol, ce n'est pas un commencement d'exécution. Il n'est pas nécessaire même que la contrefaçon se rattache à un projet particulier de vol ce serait un acte de complicité. Cette incrimination d'un acte préparatoire, très-légitime dans certains cas, et celui-ci est du nombre, veut néanmoins de la modération dans la pénalité. La peine de la reclusion, qui est dans le second paragraphe, a paru trop forte. La circonstance que le coupable est un serrurier de profession ne suffit point; elle n'implique pas un abus de fonction, de pouvoir ou de confiance forcée. Non toutefois que la profession soit une circonstance indifférente; elle ajoute au péri par l'habileté du coupable et par les occasions; mais une aggravation de peine, pouvant aller jusqu'à l'extrême limite des peines correctionnelles, fera certainement à cette circonstance toute la part qui convient. (Art. 400.

Détournement d'objets donnés en gage.)

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Il s'agit d'une incrimination nouvelle ce serait la seconde introduite dans cet article depuis 1810. - Le vol étant la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui (art. 379), celui qui soustrait sa propre chose, même frauduleusement, ne commet pas un vol. Un débiteur soustrait la chose qu'il avait donnée en gage, ou détourne les objets saisis sur lui et confiés soit à sa garde, soit à celle d'un tiers: c'est un acte assurément très-répréhensible, une infraction morale trèsgrave, mais qui n'est pas atteinte par la pénalité du vol, et qui resterait impunie, à moins de disposition spéciale. Cette disposition existe depuis 1832 en ce qui concerne les détournements des objets saisis : on en a fait les paragraphes 2 et 3 de l'article qui nous occupe. On ne s'explique pas facilement que la prévision de la loi, éveillée par la jurisprudence, ne se soit pas portée aussi sur la soustraction de la chose donnée en gage. Mais, quoi qu'il en puisse être des motifs ou des causes de cette omission, volontaire ou involontaire, c'est une lacune qui doit être remplie. Le prêt sur mantissement est devenu une manière d'opérer, une pratique heureuse du commerce et de l'industrie. Des lois récentes tendent à l'encourager et à le répandre le plus possible: nous avons des établissements de crédit dont c'est l'objet unique ou principal. Ces prêts se font pour des sommes considérables, sur des marchandises ou des produits de l'industrie dont la nature et la quantité rendent difficile de les placer immédiatement sous la main du créancier il faut les protéger par une sanction pénale.

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