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confier la délibération au conseil général, le contentieux au conseil de préfecture, et l'administration à un agent unique, le préfet, il s'éleva la question de savoir si le classement des chemins vicinaux était un acte contentieux de la compétence du conseil de préfecture ou bien un acte administratif rentrant dans les attributions du préfet. - La loi des 9-19 vent. an 13 ne s'explique pas formellement à cet égard. Elle se borne à dire, art. 6: «L'administration publique fera rechercher et reconnaitre les anciennes limites des chemins vicinaux... >> Dans le principe, l'administration n'étant pas encore bien fixée sur la distinction à faire entre les attributions contentieuses du conseil de préfecture et les pouvoirs administratifs du préfet, une circulaire du ministre de l'intérieur, du 7 prair. an 13, avait déclaré que la reconnaissance des chemins vicinaux appartient aux conseils de préfecture, et le conseil d'Etat s'était prononcé également dans le même sens (cons. d'Et. 7 oct. 1807, aff. Malte C. Malo; 18 oct. 1809, af. Doat; 15 juin 1812, aff. Prestrel; 3 janv. 1813, aff. com. de Nuisement-sur-Coole). - Mais bientôt il fut reconnu que les déclarations de vicinalité sont des actes de pure administration qui, dès lors, ne peuvent appartenir au conseil de préfecture chargé du contentieux seulement. De tels actes rentrent essentiellement dans les attributions du fonctionnaire chargé de l'administration active, c'est-à-dire du préfet. Ce principe, adopté par des décisions extrêmement nombreuses du conseil d'Etat (V. le numéro suivant) fut enfin consacré virtuellement par la loi du 28 juill. 1824, art. 1, et par celle du 21 mai 1836, art. 7, 15. Quoique ces deux lois ne s'attachent pas à poser le principe par une disposition expresse et spéciale, elles le consacrent par voie de conséquence et comme une règle générale qui ne peut soulever le moindre doute, lorsque, parlant des effets de la déclaration de vicinalité, elles portent que c'est aux préfets qu'il appartient de reconnaître et fixer la largeur des chemins vicinaux. - V. aussi dans le même sens MM. Dufour, 2e éd., t. 3, no 280; Cotelle, 2o éd., t. 3, no 231; Isambert, no 402; Dumay sur Proudhon, t. 2, nos 311 et suiv.; Tarbé de Vauxclair, Dict., vo Chem. vic.; Laferrière, Cours de dr. publ., p. 502, Solon, Chem. víc., 1850, p. 16.

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1. 2,

348. Il a été jugé, avant ou depuis les lois de 1824 et 1836, conformément à la règle qu'on vient de poser: 1° que le conseil de préfecture excède ses pouvoirs lorsqu'il classe des chemins au nombre des chemins vicinaux, attendu qu'aux termes de l'art. 6 de la loi du 9 vent. an 13 le droit de désigner les chemins vicinaux n'appartient qu'à l'administration publique, c'est-à-dire aux préfets (cons. d'Et. 16 oct. 1813, aff. Jaucourt C. Gavet, et aff. Bonnet-Dumolard; 15 août 1821, M. Tarbé, rap., aff. Belgrand de Truchy C. com. de Riel); 2o Qu'aux préfets seuls, à l'exclusion des conseils de préfecture, appartient le droit d'ordonner la conservation d'un chemin ancien ou l'ouverture d'un nouveau chemin (cons. d'Et. 23 nov. 1813, aff. Dopsens C. com. de Tournay; 18 janv. 1815, aff. Noël C. com. de Saint-Maurice; 23 avr. 1818, aff. Ranson C. com. de Saint-Augustin; 29 janv. 1814, aff. Reynegons C. com. de Lacken); — 3o De décider si un chemin est ou n'est pas vicinal (cons. d'Et. 29 déc. 1819, M. Jauffret, rap., aff. Rouget C. Tranchant; 17 mars 1825, M. de Cormenín, rap., aff. com. de Précigné); -4° D'approuver ou de réformer les états dressés pour la reconnaissance et la fixation des limites des chemins vicinaux (cons. d'Et. 27 août 1828, M. de Rozière, rap., aff. com. d'Aiffres); · 5° De reconnaître et rétablir les anciens chemins vicinaux et de déclarer à cet égard le fait d'utilité communale (cons. d'Et. 12 juin 1822, M. Villemain, rap., aff. Boutet; C. Limages Conf. cons. d'Et. 15 août 1821, M. Tarbé, rap., afi. Belgrand de Truchy C. com. de Riel);

6° De statuer sur l'établissement et les dimensions des chemins vicinaux, turcies et levées dans leurs rapports avec l'utilité publique (cons. d'Et. 4 mars 1820, M. Crazannes, rap., ass. Rousse la Villeneuve C. com. d'Averton); 7° De fixer la direction d'un chemin vicinal (cons. d'Et. 14 juill. 1819, M. Jauffret, rap., aff. Legoix); -8° De rechercher si les chemins qui traversent une forêt sont compris parmi les chemins vicinaux d'une commune: le conseil de préfecture excède ses pouvoirs s'il charge un commissaire de procéder à cette reconnaissance (cons. d'Et. 20 nov. 1822. M. de Crouseilhes, rap., aff. Ferras C.com. de Hachon).

349. En conséquence et spécialement, il a été décidé : 1° que tant que l'autorité compétente (le préfet) n'a pas prononcé sur la nécessité ou l'utilité des chemins vicinaux, en d'autres termes, tant qu'un chemin n'a pas été classé par le préfet au nombre des chemins vicinaux, un particulier peut demander devant le conseil d'Etat à être maintenu provisoirement dans la jouissance de ce chemin (cons. d'Et. 16 oct. 1813, aff. Jaucourt C. Gavet); -2° Que lorsqu'il existe dans une commune deux chemins, l'un ancien et abandonné, l'autre généralement suivi, et ce dernier revendiqué par un particulier comme étant sa propriété, le conseil de préfecture excède ses pouvoirs en décidant que l'ancien chemin n'ayant été abandonné qu'à raison de son mauvais état, la commune sera tenue de le rendre praticable dans les six mois et qu'après ce délai, le revendiquant pourra disposer à sa volonté de celui ouvert sur son terrain (cons. d'Et. 1er mai 1822, M. Villemain, rap., aff. com. de Balazé C. Chatelais); — 3o Que lorsqu'un chemin n'a pas été classé au nombre des chemins vicinaux par le préfet, le conseil de préfecture excède ses pouvoirs soit en nommant des commissaires pour vérifier l'existence de la raise litigieuse, soit en ordonnant qu'elle soit rendue viable par le possesseur qui s'en prétend propriétaire (cons. d'Et. 12 juin 1822, M. Villemain, rap., aff. Roulet C. Limages).

350. Par la même raison, s'il y a doute, incertitude sur les chemins auxquels s'applique la déclaration de vicinalité, c'est au préfet seul qu'il appartient d'interpréter l'acte qu'il a rendu. · Il a été jugé dans ce sens : 1° que la demande en interprétation d'un arrêté de classement de divers chemins vicinaux doit être portée devant le préfet et non devant le conseil de préfecture (cons. d'Et. 9 mars 1836, M. Montaud, rap., aff. Barré);

2o Que lorsque, devant le conseil de préfecture, un riverain conteste l'identité du chemin dont la vicinalité a été déclarée et que l'arrêté déclaratif de la vicinalité ne s'explique pas suffisamment, il y a lieu de surseoir jusqu'à ce que le préfet ait déterminé l'emplacement de ce chemin (cons. d'Et. 19 août 1832, M. de Jouvencel, rap., aff. Rousseau); 3o Que lorsqu'un propriétaire demande à être maintenu dans la possession d'un terrain que l'administration soutient faire partie d'un chemin classé comme vicinal, le préfet peut, tant que le tribunal saisi de la contestation n'a pas statué, prendre un arrêté par lequel, interprétant l'arrêté de classement précédemment rendu, il décide que le terrain litigieux fait partie du chemin (cons. d'Et. 12 mai 1847, aff. Guillemot, D. P. 47. 3. 171).- V. aussi les numéros suivants, et plus bas nos 1149, 1154et suiv.

351. De là il suit, et à plus forte raison encore, que lorsque, devant un tribunal de l'ordre judiciaire, s'élève la question de savoir si un chemin est ou n'est pas vicinal, le tribunal doit surseoir à statuer, une telle question ne pouvant être résolue que par l'autorité administrative: l'incompétence des juges ordinaires à cet égard a été trop formellement établie par la loi du 9 vent. an 13 pour que le doute puisse s'élever.-Ainsi il a été jugé par le conseil d'Etat sur des conflits élevés par les préfets : 1o qu'un tribunal ne peut statuer sur la possession ou la jouissance d'un chemin vicinal prétendues par un riverain, avant que le préfet ait constaté la direction et les dimensions de ce chemin (cons. d'Et. 22 juin 1825, M. de Rozières, rap., aff. Rouet); - 2o Que le maintien du public en la possession des chemins déclarés vicinaux est de la compétence exclusive de l'autorité administrative, et c'est devant elle que les tribunaux, saisis d'une question de possession, doivent renvoyer à se pourvoir, en présence d'un acte administratif qui rétablit la commune dans la possession d'un chemin vicinal (cons. d'Et. 5 sept. 1836, aff. Lavaud, V. Action possess., no 317); - 3o Que la demande en revendication d'un terrain que le propriétaire prétend avoir été illégalement compris dans le tracé d'élargissement d'un chemin vicinal, est de la compétence exclusive de l'administration, en ce qu'elle implique la nécessité d'interpréter l'arrêté de classement des chemins de la commune et les actes administratifs survenus pour son exécution (cons. d'Et. 9 fév. 1847, aff. Bérard, D. P. 47. 3. 83); — 4o Que l'autorité administrative est exclusivement compétente pour décider si un terrain voisin d'un chemin vicinal classé, est ou non compris dans le tracé de ce chemin; qu'en conséquence, lorsqu'un chemin vicinal a été reconnu comme tel, les tribunaux ordinaires sont in

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compétents, tant que les arrêtés de classement n'ont pas été ré-
formés par l'autorité administrative supérieure, pour connaltre
de l'action possessoire intentée par un particulier contre une
commune, relativement à la possession d'un terrain compris
dans les limites dudit classement, sauf l'indemnité à laquelle ce
particulier pourrait avoir droit en vertu de l'art. 15 de la loi du
21 mai 1836 (cons. d'Et. 12 mai 1847, aff. Guillemot, D. P.
47. 3. 171); 5° Que « l'autorité administrative est seule
compétente pour apprécier la validité, la portée et les effets des
actes qui ont reconnu ou déclaré la vicinalité des chemins pu-
blics, pour reconnaître l'assiette de ces chemins, déterminer les
limites et statuer en cas de litige» (motif textuel de l'arrêt);
qu'en conséquence, si, sur l'action possessoire intentée contre le
maire d'une commune, celui-ci prétend que le terrain objet du
litige fait partie d'un chemin classé et compris au tableau des
chemins vicinaux de la commune, approuvé par le préfet, le juge
de paix doit se déclarer incompétent pour statuer sur la contes-
tation (cons. d'Et. 14 sept. 1852, M. Marchand, rap., aff. Calle
6o Que lorsqu'à l'appui d'une
C. com. de Condé-sur-Risle);
action possessoire formée devant le juge de paix par un particu-
lier contre un autre particulier, le demandeur soutient que le
terrain dont il demande à être maintenu en possession, n'a ja-
mais été à l'état de chemin et que jusqu'à l'époque du trouble
le chemin vicinal dont on prétend que ce terrain fait partie ne
s'étendait pas jusque-là, c'est avec raison que le préfet revendi-
que ces questions pour l'autorité administrative, attendu que de
ce débat naissait la nécessité de faire l'application de l'arrêté de
classement et de reconnaître l'assiette tant actuelle qu'an-
cienne dudit chemin, questions qui ne peuvent être résolues
par l'autorité judiciaire (cons. d'Et. 23 mars 1854, M. Touran-
7° Que si la
gin, rap., aff. Hubert de l'Isle C. d'Andrault);
commune soutient devant les tribunaux civils qu'avant l'arrêté
préfectoral qui a ordonné la réunion de certains terrains au sol
d'un chemin vicinal, les terrains litigieux faisaient déjà partie
de ce chemin que ledit arrêté n'aurait fait que classer comme
chemin vicinal d'intérêt collectif avec l'étendue et les limites
qu'il avait déjà, ce point doit être préjudiciellement résolu par

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-

(1) Espèce : (Com. de Saint-Hippolyte.) - Des particuliers s'étaient ouvert un passage sur une pièce de terre contigue à un chemin public. Traduits devant le tribunal de police, ils répondirent qu'ils n'avaient passé sur cette pièce que parce que le chemin public contigu était impraticable; qu'ainsi ils n'étaient passibles d'aucune condamnation, et que ce dommage, s'il y en avait, devait être supporté par la commune, conformément à l'art. 51 de la loi du 6 oct. 1791, faute par elle La commune, d'avoir entretenu le chemin dans un état praticable. appelée en cause, soutint que le chemin n'était pas vicinal, mais bien une grande route; que par conséquent l'entretien n'en était point à sa charge, mais à celle du trésor public, et la partie publique, considérant que cette question n'était point de la compétence du tribunal de police, conclut à ce que la décision en fût renvoyée à l'autorité administrative. Le tribunal de police reconnut qu'en effet le chemin était impraticable, Mais par une seconde disposition, faisant et acquitta les prévenus. droit sur la responsabilité proposée contre la commune, au lieu de renvoyer à l'autorité administrative la question préjudicielle relative à la Pourvoi nature du chemin, il s'en arrogea la connaissance, et, en conséquence, il prononça contre la commune la responsabilité du dommage.. de la commune. Attendu, en ce LA COUR; Vu l'art. 456 c. dél. et pein.; qui concerne la disposition du jugement relative à la commune de Saint-Hippolyte, que la question élevée dans la cause, si le chemin était dans la classe de ceux qui doivent être entretenus aux frais du trésor, ou bien dans la classe de ceux dont l'entretien est à la charge des communes, était de la compétence de l'autorité administrative, et essentiellement préjudicielle à celle de savoir si la commune de SaintHippolyte était responsable du dommage fait par les voyageurs sur le fonds contigu à ce chemin, en s'y ouvrant un passage à cause de l'impraticabilité de ce même chemin; que néanmoins le tribunal de police s'en est arrogé la connaissance, et a condamné la commune au payement du dommage, sans que la question préjudicielle eût été préalablement résolue par l'autorité administrative; d'où il résulte qu'il a commis un excès de pouvoir qui vicie son jugement relativement à cette commune;

- Casse.

Arrêt.

Du 1% therm. an 13.-C. C., sect, crim.–M. Cassaigne, rap.

Nota. Le même jour deux arrêts semblables ont été rendus sur le pourvoi du même adjoint municipal, contre deux jugements pareils du meme tribunal de police.

l'autorité administrative (cons. d'Et. 10 mai 1855, aff. Paul, D.
P. 55. 3. 83).

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352. Il a été décidé par la cour de cassation et par les cours impériales, d'autre part : 1o que l'autorité administrative est compétente, à l'exclusion du tribunal de police, pour décider si tel passage est un chemin vicinal ou un sentier (Crim. cass. 4 pluv. an 13, M. Liborel, rap., aff. Delahaye C. Saint-Evron); 2o Que la question de savoir si un chemin est vicinal ou une grande route est dans la compétence de l'autorité administrative, et que si cette question s'élève préjudiciellement à une action intentée devant le tribunal de police, le tribunal doit surseoir à faire droit jusqu'à ce qu'elle soit résolue par l'autorité compétente (Crim. cass. 14 therm. an 13) (1);-3° Que les préfets ayant seuls le droit de statuer sur la vicinalité et les tribunaux sur la propriété, un tribunal correctionnel, saisi d'une prévention d'usurpation de chemin, ne peut statuer sur la question de savoir si le chemin était public ou privé (Crim. cass. 26 août 1825, aff. Martin, V. no 1343);-4° Que lorsqu'un chemin vicinal qui traversait une propriété a changé de direction par l'usage, de manière qu'il occupe actuellement une autre portion de la même propriété, s'il arrive que le droit de passer sur le sol de l'ancien chemin soit réclamé par un propriétaire voisin, une telle demande, quand, d'ailleurs, le défendeur, sans invoquer aucun titre privé, se borne à soutenir que le chemin doit conserver la nouvelle direction qui lui est donnée, constitue une véritable action en rétablissement du chemin vicinal, et, comme telle, est hors de la compétence des tribunaux ordinaires (Bordeaux, 5 mai 1828) (2); -3° Que lorsque le préfet, dans son arrêté de classement, n'a pas indiqué, ainsi qu'il en a seul le pouvoir, le point où chaque chemin vicinal commence et celui où il il cesse d'avoir ce caractère, en cas de contestation à cet égard, y a une question préjudicielle à vider par l'autorité administrative à l'exclusion de l'autorité judiciaire.......; qu'ainsi un tribunal de simple police commet un excès de pouvoir en décidant que le lieu où le prévenu a reconstruit, sans autorisation valable, est une rue et non un chemin vicinal (Crim. cass. 25 sept. 1841) (5); 6o Que dans le cas où il apparaît que l'état de classement,

Attendu que, par la cita(2) (Delaître C. Laffitte.) LA COUR; tion au bureau de paix, du 23 oct. 1823, J. Laffitte concluait à ce que le chemin en litige, qu'il qualifiait vicinal. et qu'il prétendait avoir été usurpé par Delaître, fût rétabli dans son etat primitif; que, dans sa requête du 5 août 1826, il conclut à ce que le tribunal de la Réole déclare qu'il a le droit de passer sur la partie de l'ancien chemin de SaintAndré à Saint-Martin de Sescas, possédée en ce moment par Delaitre;

--

Que, sous quelque forme, et en quelques termes que Laffitte fils ait présenté cette demande, elle constitue une véritable action en rétablissement du chemin vicinal; que Delaître soutient que le chemin a été déplacé, qu'il passe sur sa propriété à quelque distance du lieu où il Attendu que le maire de la compassait autrefois, et qu'il a, par conséquent, pu légitimement s'emparer de l'ancien chemin et le labourer; mune de Saint-Martin de Sescas a délivré un certificat qui atteste que le chemin sur lequel Laffitte soutient que Delaître a commis une usurpaQue, rétion, est classé parmi les chemins vicinaux de la commune; duite à ces termes, la question que Laffitte fils a portée devant le tribunal consiste à décider dans quel lieu doit passer cette partie de chemin vicinal de Saint-Martin de Sescas, question qui n'est pas du ressort des tribunaux, puisque Delaître, ou son héritière, n'oppose pas la prescription, n'excipe pas de sa propriété, et ne se défend qu'en soutenant que le chemin vicinal a et doit conserver une direction différente de celle qu'il avait autrefois ;...- Dit que l'autorité judiciaire était incompétente, etc. Du 5 mai 1828.-C. de Bordeaux, 1re ch.-M. de Saget, pr. Vu les art. 13, tit. 2, (3) (Min. pub. C. Richard.) LA COUR; de la loi du 24 août 1790, et l'art. 1 de la loi du 28 juill. 1824; Attendu que, d'après le procès-verbal dressé contre lui, Richard était prévenu d'avoir reconstruit sans autorisation valable une maison qu'il possède dans la commune des Loges, le long du chemin vicinal, no 1, de Fécamp à Etretat;-Qu'il a soutenu, pour sa défense, que la partie de cette voie publique sur laquelle sa maison était située, cessait d'être Qu'ainsi, le point a chemin vicinal pour prendre la qualité de rue; décider était celui de savoir où finit le chemin et où commence la rue; Attendu que, d'après l'art. 1 de la loi du 28 juill. 1824, il appartient au préfet seul, sur une délibération du conseil municipal, de déclarer la vicinalité d'un chemin; que ce pouvoir comprend nécessairement celui de fixer, pour chaque voie de communication déclarée chemin vicinal, 1 point où elle commence et celui où elle finit d'avoir ce caractère; que lorsque l'arrêté de classement n'indique pas ces deux li

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ainsi que l'arrêté préfectoral qui l'a approuvé, ont confondu dans la qualification de chemins vicinaux les chemins vicinaux proprement dits et les chemins ruraux, sans qu'il soit possible de distinguer si le chemin litigieux est rural ou vicinal, il y a lieu de surseoir à statuer et de renvoyer à l'autorité administrative l'interprétation de l'arrêté de classement (Nancy. 13 déc. 1845, aff. Antoine, D. P. 46. 2. 91).

353. Mais le jugement qui, sur la demande formée par un particulier contre une commune, et tendant à être maintenu dans la possession d'un terrain qu'il prétend être sa propriété, admet la commune à prouver que, depuis plus de trente ans, ce terrain a été reconnu et pratiqué comme chemin vicinal, doit être entendu en ce sens qu'il admet la commune à prouver que le terrain est une propriété communale; et, dès lors, il ne peut être taxé d'empiétement sur le pouvoir administratif comme reconnaissant à l'autorité judiciaire le droit de staluer sur la vicinalité d'un chemin (Req. 18 avr. 1838) (1).

354. Lorsqu'un tribunal a renvoyé les parties devant l'autorité administrative pour faire statuer sur la question de savoir si le chemin litigieux est public, le préfet, seul compétent pour statuer à cet égard, ne peut déclarer qu'il n'y a lieu de prononcer (cons. d'Et. 18 juin 1823, M. de Cormenin, rap., aff. Raimbaux C. Mothard et autres).

ART. 2.-Quels chemins peuvent être compris dans la déclaration de vicinalité.

355. L'arrêté du 23 mess. an 5 avait défini les chemins vicinaux ceux qui sont destinés à l'exploitation des terres et à faciliter les communications de commune à commune. Lors de la discussion de la loi de 1836, un amendement avait été proposé qui avait pour but de faire déclarer chemins vicinaux ceux qui conduisaient à des hameaux, villages, sections d'une même commune. L'amendement a été rejeté comme contenant une énumération incomplète et de nature à entraver l'appréciation souveraine de l'autorité administrative qui ne doit avoir d'autre guide que les circonstances et les besoins de chaque localité.

356. Toutefois, et bien que la loi garde le silence sur ce point, une première condition est exigée, c'est que, dans toute hypothèse, et avant de déclarer un chemin vicinal, il faut s'assurer qu'il est nécessaire aux communications municipales. En effet, en présentant aux chambres le projet de la loi de 1824, le ministre de l'intérieur disait dans l'exposé des motifs, et il a répété dans sa circulaire du mois d'octobre 1824, que « l'intention du gouvernement était que les fonds communaux fussent consacrés aux chemins nécessaires pour les communications de la généralité des habitants d'une ou plusieurs communes, et qu'ils ne fussent pas employés, comme cela était souvent arrivé, pour l'intérêt de quelques propriétés particulières. » Donc la considération qui

mites extrêmes, et que les parties sont en contestation à cet égard, il s'élève une question préjudicielle qui sort entièrement des attributions de l'autorité judiciaire; qu'en effet, les tribunaux, en la décidant pourraient être amenés à déclarer d'eux-mêmes la vicinalité, ce qui serait un empiétement manifeste des droits réservés à l'autorité administrative; - Attendu cependant que le tribunal de simple police de Fécamp a décidé que le lieu où la maison de Richard est située est une rue et non un chemin vicinal; en quoi il a commis un excès de pouvoir et formellement violé les règles de sa compétence et l'art. 13, tit. 2, de la loi du 24 août 1790;- Casse.

Du 25 sept. 1841.-C. C., ch. crim.-MM. Crouseilhes, pr.-Vincens, r. (1) Espèce (Poirier C. Villaneau et com. d'Availles.) — Malgré les défenses de Poirier, Villaneau et autres habitants de la commune d'Availles continuaient de passer par sa cour, au lieu de prendre un chemin communal qui, pour les piétons, était impraticable; il les assigna afin qu'il leur fut fait défense d'exercer, à l'avenir, ce passage. La commune d'Availles intervint et prétendit que le terrain litigieux avait été reconnu et constamment pratiqué comme chemin vicinal.-19 avril 1835 jugement du tribunal de Melle, qui, « considérant que de l'ensemble des moyens et plaidoiries il résulte suffisamment que Poirier dénie formellement que le terrain en contestation soit réellement un chemin public, admet la commune à faire preuve que, depuis plus de trente ans, le terrain dont il s'agit a été reconnu et constamment pratiqué comme chemin vicinal paisiblement et publiquement. »— Appel,

TOME XLIV.

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La circu

doit dominer, c'est le fait de l'utilité communale. laire du 24 juin 1836 rappelle également que le préfet ne doit déclarer vicinaux que les chemins utiles aux besoins de la circulation, sous la condition « que le nombre de ces chemins n'excède pas les ressources dont la commune peut disposer pour leur entretien » (sur l'art. 1, no 9, infrà, sous le no 681). — V. aussi Règlem. gén. de 1854, art. 21, et MM. Grandvaux, Man. prat. des chem. vic., t. 1, p. 77 et s.; Hermann, Tr. des chem. vic., no 50; Féraud-Giraud, Servit. de voirie, t. 2, p. 393 et s. 357. Il faut, en second lieu, que la voie de communication qu'il s'agit de classer comme vicinale existe déjà en nature de chemin, et que le public en ait actuellement la jouissance et la commune la propriété. - Pendant longtemps, le conseil d'Etat avait admis, conformément à l'opinion émise par le ministre de l'intérieur dans l'instr. du 24 juin 1836 (V. sur l'art. 1, 10s 15 et 16, infrà, sous le n° 681, et sur l'art. 15, no 3, infra, sous le no 423), que le préfet avait le droit de classer au nombre des chemins vicinaux, en vertu de l'art. 15 de la loi du 21 mai, et sans recourir à la voie de l'expropriation pour cause d'utilité publique, non-seulement les chemins dont la commune avait la propriété, mais encore ceux qui appartenaient à des particuliers, pourvu que le public en eût actuellement l'usage. Mais cette jurisprudence a été récemment abandonnée, le conseil d'Etat a reconnu qu'à cette hypothèse devait s'appliquer l'art. 16 et non l'art. 15 de la loi du 21 mai (V. infrà, no 427). - A plus forte raison, s'il s'agissait d'un chemin, d'une avenue fermée à ses deux extrémités, d'un sentier dont le public n'aurait jamais été admis à se servir, il ne suffirait pas de la simple déclaration du préfet pour les rendre vicinaux (V. inst. min. int. 24 juin 1836, sur l'art. 15, no 11, infrà, sous le no 423).

358. Il a été décidé qu'il n'y a point violation de la chose jugée de la part du préfet qui déclare la vicinalité d'un chemin dont le sol a été reconnu par l'autorité judiciaire appartenir à un particulier, et que lorsque le préfet déclare la vicinalité de ce chemin d'après l'ancienne possession du public, et qu'il n'excipe de l'utilité publique que pour rejeter l'opposition du propriétaire du sol tendant à faire déclasser le chemin, il n'y a pas lieu de suivre les formes prescrites par les lois sur l'expropriation publique ces formes ne sont applicables qu'au cas où il s'agit de créer un nouveau chemin ou changer le tracé d'un ancien chemin (cons. d'Et. 17 août 1836, M. du Martroy, rap., aff. Coudert C. com. de Saint-Michel). - Mais cette décision ne pourrait plus être suivie en présence de la nouvelle jurisprudence du conseil d'Etat que nous avons signalée au numéro précédent.

359. Le ministre de l'intérieur, dans l'instruction du 24 juin 1836 (sur l'art. 1, no 16, infrà, sous le no 681), fait observer que si la commune reconnaissait, d'une part, qu'elle n'est pas propriétaire du sol du chemin, et si, d'une autre part, elle n'avait pas les ressources nécessaires pour en payer la valeur, ce serait un acte de prudence que de surseoir au classement et à la dé

23 mars 1836, arrêt confirmatif de la cour de Poitiers qui adopte les motifs des premiers juges et condamne Poirier en l'amende et aux dépens d'appel.

Pourvoi pour excès de pouvoir; violation de l'art. 13, tit. 2, de la loi des 16-24 août 1790, de la loi du 16 fruct. an 3, de l'art. 6 de la loi du 9 vent. an 13, et fausse application de l'art. 130 c. pr., en ce que le jugement, confirmé par l'arrêt, au lieu de se renfermer dans la question de propriété, a soulevé la question préalable de vicinalité du terrain, et entendu résoudre cette question, qui n'appartenait qu'à l'autorité administrative. - Arrêt.

LA COUR; Attendu que l'arrêt attaqué a confirmé l'interlocutoire admis par le tribunal civil de Melle, interlocutoire qui avait pour objet de savoir si le terrain occupé par la cour du demandeur était sa propriété, ou si, comme le soutenaient la commune d'Availles et les autres défendeurs, le terrain de cette cour était une propriété communale, eu ce sens qu'il dépendait d'un chemin vicinal et public, dont ladite commune aurait joui de temps immémorial; - Attendu que l'objet de cet interlocutoire était évidemment la décision d'une question de propriété de la compétence des tribunaux, et qu'ainsi, soit en admettant la preuve des faits allégués, soit en condamnant aux dépens le demandeur qui résistait à cette admission, l'arrêt attaqué, loin de violer les principes sur la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire, et l'art. 130 c. pr., en a fait, au contraire, une juste application;- Rejette. Du 18 avr. 1838.-C. C., ch. req.-MM. Zangiacomi, pr.-Faure, rap.

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claration de vicinalité. Et M. Hermann, no 70, ajoute que le préfet devrait agir de même dans le cas où la propriété du chemin étant contestée, il pourrait arriver que la commune succombåt dans le litige. Cette réserve, commandée par la nature même des choses dans le système si longtemps suivi par l'administration, n'a plus aujourd'hui de raison d'être, puisque les chemins qui sont la propriété des particuliers ne peuvent être élevés au rang de vicinaux que par la voie de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

360. Du reste, il a été jugé, même avant la loi de 1836, que lorsque n'étant pas établi qu'un chemin fût anciennement vicinal, la propriété de ce chemin est contestée entre la commune et un particulier, et qu'un arrêté préfectoral a déjà déclaré qu'il n'y avait pas lieu de classer le chemin dont il s'agit, c'est à tort que le préfet le reconnaît et le classe parmi les chemins vicinaux de la commune (cons. d'Et. 6 mars 1828) (1).

361. D'après l'instr. du 24 juin 1836 (sur l'art. 1, no 18, infrà, sous le no 681), les rues et places des bourgs et villages ne peuvent être classés au nombre des chemins vicinaux. «Vous devez donc, monsieur le préfet, a dit le ministre, vous abstenir de comprendre les rues des bourgs et villages dans vos arrêtés de déclaration de vicinalité, et par suite, vous devez veiller à ce que la répression des usurpations commises sur le sol de ces rues ne soit pas poursuivie devant le conseil de préfecture. Je reconnais qu'il pourra, dans certains cas, y avoir quelque incertitude sur le point précis où finit le chemin vicinal et où il commence; mais vous sentirez qu'il ne peut être question ici d'une interprétation judaïque de la loi, et que c'est surtout son esprit qu'il faut consulter. Il est bien évident que trois ou quatre habitations éparses dans les champs, le long d'un chemin, ne peuvent donner à ce chemin le caractère d'une rue; mais aussi toutes les fois qu'il y aura ensemble un certain nombre d'habitations agglomérées, les voies de communication qui servent à leurs habitants sont des rues et non des chemins vicinaux. » — Cette solution a été consacrée de nouveau par une décision ministérielle du 31 janv. 1839 (2).

· Enfin, un arrêté préfectoral ayant, contrairement à l'instruction de 1836, classé comme chemin vicinal une voie publique située dans l'intérieur d'une commune, a été annulé par le ministre, par le motif « que les maisons qui bordent cette voie publique ne sont pas éparses ni en rase campagne; qu'elles font partie de l'agglomération de maisons qui compose la commune; que le quai qui existe est rattaché par plusieurs rues à l'intérieur

(1) Espèce (Chausson-Lassalle C. com. de Gisnay.) - ChaussonLasalle attaquait une décision ministérielle du 11 sept. 1818, confirmative de deux arrétés du préfet de l'Orne, qui avaient classé parmi les chemins communaux de la commune de Gisnay un chemin traversant un herbage lui appartenant, et qu'il soutenait n'être qu'un chemin de desserte pour l'exploitation de son domaine. Le ministre de l'intérieur, dans les observations qu'il a présentées, disait : « Non-seulement il n'existe aucun acte qui classe régulièrement le chemin en litige parmi les chemins communaux, mais, de plus, un arrêté du préfet, du 3 mars 1815, rendu sur la demande de plusieurs habitants, porte qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette demande, c'est-à-dire à prononcer que le chemin dont il s'agit est communal. Enfin un jugement du 12 fév. 1817, rendu par le tribunal d'Alençon, statuant sur l'appel du sieur Chausson-Lassalle contre le jugement du tribunal de police correctionnelle d'Argentan, a annulé ce dernier, et autorisé le requérant à replacer la barrière qu'il avait été condamné à enlever. Les choses étant en cet état, il est évident que, d'après la jurisprudence constamment suivie dans cette matiere, le chemin ne pouvait être régulièrement classé qu'après que les tribunaux auraient statué sur la question de propriété élevée par le réclamant; c'est donc à tort que le préfet a prononcé ce classement par son arrêté du 3 sept. 1817, rendu postérieurement à la contestation. Cet arrêté présentait, en outre, l'irrégularité d'annuler celui qui avait été rendu, le 3 mars 1815, par le prédécesseur du préfet. >> CHARLES, etc. ; · Considérant qu'il résulte de l'instruction administrative et des observations du préfet et du ministre de l'intérieur, qu'il n'est pas établi que le chemin dont il s'agit fût anciennement vicinal, et que c'est mal à propos que ledit chemin a été reconnu et classé comme tel, parmi les chemins vicinaux de la commune de Gisnay; Art. 1. La décision du ministre de l'intérieur, du 11 sept. 1818, confirmative des arrêtés du préfet du département de l'Orne, des 3 sept. 1857 et 30 juin 1818, est annulée.

Du 6 mars 1828.-Ord. cons. d'Et.-M. de Cormenin, rap.

(2) Cette décision est ainsi rapportée dans le recueil officiel du ministère de l'intérieur :

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de la commune; qu'enfin, lorsque celle-ci présentera son plan d'alignement, très-certainement la voie publique en question sera comprise dans ce plan » (décis. min. int. 2 maí 1839). - De là il résulte que les rues et places des bourgs et villages qui sont la prolongation d'un chemin vicinal ne font pas partie de ce chemin, et ne sont pas soumises au régime de la vicinalité (Conf. MM. Merlin, vo Voirie; Garnier, Suppl., p. 7; Dumay sur Proudhon, t. 2, p. 19; Dufour, t. 3, nos 279, 399; Solon, Ch. vicin., 1850, p. 14 et 15; Féraud-Giraud, no 598, p. 386; Hermann, nos 54 et s.; Grandvaux, Code prat. des ch. vic., p. 82 et s.).

362. Il a été décidé, en ce sens, par la cour de cassation, que le principe que l'arrêté du préfet fixant la largeur d'un chemin vicinal réunit de plein droit au sol de ce chemin les terrains compris dans le nouveau tracé, n'est pas applicable dans la traverse des communes; que, par suite, l'habitant poursuivi pour avoir, dans une rue formant prolongement d'un chemin vicinal, déposé des matériaux sur un terrain compris dans la nouvelle largeur que détermine un arrêté du préfet, est recevable à exciper de la propriété de ce terrain, dont l'arrêté n'a pu le dessaisir (Crim. cass. 28 juill. 1859, aff. Rolland, D. P. 59. 1. 333; V. aussi Crim. rej. 19 mars 1858. aff. Dussault, D. P. 58. 5. 379).-Du reste, c'est à l'autorité administrative, à l'exclusion de l'autorité judiciaire, qu'il appartient de fixer le point où le chemin vicinal commence et celui où il cesse d'avoir ce caractère (V. suprà, no 331-5o). 363. MM. Isambert, t. 1, p. 153; Serrigny, Compét. admin.,

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t. 2, no 713, pensent, au contraire, que le préfet peut comprendre dans le chemin qu'il élève au rang de vicinal, les rues que ce chemin traverse. Une solution en ce sens semblerait aussi devoir s'induire d'une décision du conseil d'Etat rendue au contentieux. Toutefois, comme le remarquent les annotateurs du recueil des arrêts du conseil d'Etat, MM. Lebon et Hallays Dabot, la question paraft avoir été jugée en fait bien plus qu'en droit. Dans l'espèce, un particulier, se prétendant propriétaire du sol d'un chemin déclaré vicinal par le préfet, avait réclamé contre le classement de ce chemin, sous prétexte qu'il n'avait pas été précédé de la publicité convenable. Devant le conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur souleva un moyen auquel le réclamant n'avait pas songé et tiré de ce que la partie du chemin qui donnait lieu à la récla mation n'était pas autre chose qu'une rue bordée de maisons de chaque côté, et qu'il ne pouvait appartenir au préfet d'ôter ä une rue le caractère qu'elle tient de sa situation et de la déclarer chemin vicinal; mais le conseil d'Etat, sans s'expliquer d'une

Le ministre a été récemment entretenu de l'insuffisance de l'action que peut exercer l'administration supérieure sur l'entretien en bon état de viabilité des rues des bourgs et villages qui sont la prolongation des chemins vicinaux. On rappelait, à cette occasion, que l'instruction du 24 juin 1836 sur la matière a dit que ces rues ne pouvaient être regar dées comme faisant partie des chemins vicinaux, et que, en conséquence, elles n'étaient soumises aux mêmes règles ni en ce qui concerne l'entretien ni en ce qui concerne la répression des contraventions, notamment des usurpations. En faisant ressortir les inconvénients qui résultent de cet état de choses, on demandait s'il ne serait pas opportun de modifier ce qu'a dit, à cet égard, l'instruction précitée. La distinction faite, dans l'instruction du 24 juin 1856, entre les rues des villages et les chemins vicinaux dont elles sont la suite, est basée sur des ordonnances royales rendues en matière contentieuse, et qui forment jurisprudence (V. chap. 5, de l'alignement). Sans doute, il eût été à désirer de trouver, dans la loi du 21 mai 1856, le droit d'attribuer à l'autorité administra tive supérieure une plus forte part de surveillance et d'action, même sur des voies de communication qui sont souvent dans un plus mauvais état que les chemins vicinaux en rase campagne. Le conseil d'Etat a été consulté sur ce point, et par l'avis qu'a émis cette assemblée dans sa séance du 25 janv. 1837 (V. n° 365), on voit que la loi du 21 mai 1836 ne peut être considérée comme ayant apporté de modifications à la législation antérieure qu'en ce qui concerne les chemins vicinaux de grande communication. - En présence de cet avis, en présence des ordonnances royales citées plus haut, il n'appartenait pas au ministre de déclarer que des rues de villages sont des chemins vicinaux et qu'on doit les soumettre à la législation spéciale à ces derniers. Ce serait intervertir l'ordre des juridictions, et c'est ce que nulle autorité ne peut faire. Le ministre n'a donc pu qu'engager les prefets qui l'avaient consulté à user de tous les moyens que leur donne la législation générale en matière de voirie urbaine et de police municipale, pour assurer la répression des usurpations et des contraventions contraires à la viabilité, qui se commettent dans les rues des bourgs et villages.

Du 51 janv. 1859.-Décis. du min. de l'int.

manière catégorique sur ce moyen, s'est borné à déclarer qu'il résultait de l'instruction que le chemin en litige était un chemin vicinal (cons, d'Et. 6 fév. 1837) (1).

364. Il en serait autrement toutefois à l'égard des chemins vicinaux de grande communication. Un avis du conseil d'Etat, rendu en assemblée générale, décide expressément que les rues et places des bourgs et villages qui sont la prolongation de ces chemins en font partie intégrante (avis cons, d'Et. 18 janv. 1837) (2). Cet avis, adopté par le ministre de l'intérieur et qui a été porté à la connaissance des préfets par une circulaire du 19 août 1837, fait la règle de l'administration sur ce point (V, décis. 31 janv. 1839, citée au numéro précédent; cons. d'Et. 25 mars 1852, aff. Pontavice, no 1234, et M. Herman, no 59 ; V. aussi Crim. cass. 28 juill. 1859, aff. Rolland, D. P. 59. 1. 133). 365. M. Chauveau, Journ. de dr. adm., 1860, p. 521, pense que cette question n'était pas de nature à être résolue par un simple avis du conseil d'Etat, La distinction, la séparation entre la voirie vicinale et la voirie urbaine établies par les lois antérieures, dit-il, ont été maintenues par la loi du 21 mai 1836; or il n'appartient pas au conseil d'Etat de déroger, sous prétexte d'interprétation aux principes que la loi elle-même a consacrés. Si la mesure était utile, c'est par voie de proposition de loi qu'on eût dû procéder pour combler la lacune de la loi de 1836. -La cour de cassation semble, au contraire, dans les motifs de l'un de ses arrêts, admettre la légalité de l'avis du conseil d'Etat de 1837; après avoir reconnu que la loi du 21 mai 1836 n'a pas modifié la séparation résultant des lois antérieures entre la voirie urbaine et la voirie vicinale, et que l'art. 15 de la loi du 21 mai n'est relatif qu'au sol des chemins qui ne font pas partie

(1) Espèce: (Duval C. com. de Bourneville.) Le 14 mai 1853, le sieur Duval réclama contre le classement d'un chemin dont la largeur avait été fixée à 7 mètres par le préfet. Il soutenait qu'il en était propriétaire; qu'à ce titre, il y percevait un droit de place les jours de marché, et qu'enfin il n'avait pu en être dépossédé sans indemnité et sans que les formalités exigées par la déclaration de vicinalité lui eussent été signifiées, puisqu'il babitait une autre commune. Sur le refus du préfet de faire droit à la demande, recours au conseil d'Etat.

M. le ministre a répondu que le classement des chemins vicinaux de la commune ne portait pas atteinte à la question de propriété; que Duval pouvait établir sa propriété devant l'autorité judiciaire et obliger la commune à l'indemniser; que le préfet avait le droit de fixer la largeur d'un chemin déclaré vicinal, pourvu qu'il ne dépassât pas celle de 7 mėtres; enfin, soulevant la question de droit qui n'a pas été résolue par l'arrêt du conseil, puisqu'il a reconnu en fait que le chemin était vicinal, il a ajouté Il résulte du plan produit par M. Duval, et non contesté, que le chemin, déclaré vicinal par l'arrêté du préfet de l'Eure au 14 mai 1833, n'est pas autre chose qu'une rue, et probablement la principale rue du bourg de Bourneville, dont la population est d'environ 860 âmes. Cette voie de communication est bordée des deux côtés de maisons contigues; elle sert de place pour les marchés hebdomadaires qui se tiennent dans le bourg; elle a enfin tous les caractères d'une rue intérieure de village. Il se trouve bien ici la circonstance bizarre que M. Duval paraît être propriétaire du sol de cette rue; mais c'est une circonstance qui n'en change pas le caractère, et à part une rétribution qu'il perçoit sur les places occupées par les marchands les jours de marché, les habitants de Bourneville jouissent de cette voie de communication en toute liberté; enfin c'est une rue, avec cette seule différence qu'elle est la propriété d'un particulier et non du public,

>> Un préfet peut-il ôter à une rue de village le caractère qu'elle tient de sa situation et la déclarer chemin vicinal? Je ne le pense pas; il résulterait de cette déclaration un changement dans l'ordre des compétences, que peut-être il n'appartient pas à l'administration de faire. Ainsi, par exemple, les anticipations ou dégradations dans les rues sont de la compétence des tribunaux ordinaires. Sur les chemins vicinaux, ces délits sont de la compétence des conseils de préfecture. Au cas dont il s'agit, il se présenterait une singularité de plus : dans l'espace de 7 mètres attribué par le préfet au chemin vicinal, les anticipations seraient justiciables du conseil de préfecture; dans l'espace entre le chemin vicinal et les maisons du bourg, les anticipations continueraient à être de la compétence des tribunaux ordinaires. Quelle confusion ne résulterait pas d'un tel état de choses! >>

LOUIS-PHILIPPE, etc.; Vu la loi du 9 vent. an 13;-Considérant qu'il résulte de l'instruction que la communication dont il s'agit est un chemin vicinal ; que l'arrêté attaqué n'a été pris qu'après l'accomplissement des formalites prescrites par les lois et règlements de la matière, et qu'en maintenant ledit chemin dans sa largeur primitive, que le préfet déclare avoir toujours été de 7 mètres, ledit arrêté ne fait poin

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de la voirie urbaine, elle ajoute qu'il a été dérogé à ces principes par l'avis du conseil d'Etat du 18 janv. 1837, à l'égard des rues qui sont la prolongation des chemins vicinaux dans la traverse des communes (Crim. cass. 28 juill. 1859, aff. Rolland, D. P. 59. 1.333). Le conseil d'Etat peut-il donc dans ses avis déroger aux principes que la loi elle-même a posés? Cela est au moins douteux, En tout cas, et en admettant la légalité de l'avis de 1837, on doit l'entendre en ce sens seulement que les chemins vicinaux de grande communication peuvent comprendre les rues des bourgs et villages qu'ils traversent, mais non celles des villes (V. plus bas, chap. 5), et en outre que la partie urbaine de ces chemins est placée sous l'autorité du préfet pour la surveillance et l'entretien de la voie et pour la délivrance des alignements; mais que cette partie, quant aux constructions qui la couvrent, échappe aux pouvoirs exceptionnels que donne à cet administrateur l'art. 15 de la loi de 1836, sur l'élargissement des chemins vicinaux (V. n° 438; Conf. M, Aucoc, Ecole des communes, année 1859, p. 286 et suiv.)

366. L'avis du conseil d'Etat ne peut s'appliquer non plus, même dans ce sens restreint, qu'aux chemins de grande communication; il ne saurait s'étendre aux chemins dits d'intérêt commun ou de moyenne communication (Conf. arrêt précité du 28 juill. 1859). -La section de l'intérieur du conseil d'Etat, consultée sur cette question par le ministre de l'intérieur primé l'avis que la règle contenue dans l'avis de 19 pas être étendue (V. Ecole des comm., 1857

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367. Une route impériale abandonnée peut être classée parmi les chemins vicinaux. Dans cette hypothèse, le préfet est incompétent pour statuer sur le projet de classement; ce pou

obstacle à ce que le sieur Duval se retire devant les tribunaux ordinaires, pour établir ses droits de propriété et réclamer une indemnité, s'il s'y croit fondé; Art. 1. La requête du sieur Duval est rejetée. Du 6 fév. 1837.-Ord. cons. d'Et.-M. Montaud, rap. (2) Cet avis du conseil d'Etat est conçu en ces termes :

«Le conseil d'Etat, qui a entendu le rapport du comité de l'intérieur sur la question de savoir s'il y a lieu de considérer les rues des villages comme faisant partie des chemins vicinaux dont ils sont la prolongation; Vu les lois des 16 et 24 août 1790, sur les attributions conférées aux corps municipaux; les art. 6, 7 et 8 de la loi du 9 venlôse an 13; les lois du 28 juill. 1824 et 21 mai 1856 sur les chemins vicinaux;

>> Considérant que, par la loi de 1836, il n'a pas été apporté de changement aux anciens règlements de voirie, concernant les chemins vicinaux, mais qu'il n'en est pas de méme à l'égard des nouvelles lignes vicinales, classées sous le nom de chemins vicinaux de grande communication, lesquelles, aux termes de la section 2 de la loi du 21 mai 1836, sont régies par des dispositions qui leur sont propres ; qu'à la différence des chemins vicinaux, les lignes de grande communication offrent un intérêt à la fois départemental et communal; Qu'en effet, d'après l'art. 7 de ladite loi, ces sortes de lignes vicinales ne peuvent être déclarées chemins vicinaux de grande communication que par le conseil général du département, qui en détermine la direction et les communes qui doivent contribuer à leur construction et à leur entretien; que le préfet en fixe la largeur et les limites, et détermine annuellement la proportion dans laquelle chaque commune doit concourir à l'exécution de la ligne vicinale dont elle dépend; - Qu'aux termes de l'art. 8, ces chemins reçoivent des subventions sur les fonds départementaux; Qu'aux termes de l'art. 9, les chemins vicinaux de grande communication sont placés sous l'autorité du préfet; - Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, par la loi de 1836, l'action départementale et préfectorale a été substituée à l'action purement municipale, en ce qui concerne les chemins vicinaux de grande communication, sans exception des rues qui en font partie; Que, s'il en était autrement, il pourrait se trouver, sur ces grandes lignes vicinales, autant de lacunes qu'il s'y trouverait de communes intermédiaires, puisque les intérêts particuliers de chacune d'elles ne tendent pas toujours au but commun, que souvent même ces intérêts sont opposés entre eux ou contraires à l'intérêt départemental;

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Que, pour ce motif, l'esprit et le texte de la loi de 1836 ont eu pour but de placer l'action dans les mains du préfet pour neutraliser la ré¬, sistance d'un intérêt municipal mal entendu; Considérant que les anciennes dispositions des lois et règlements antérieurs ne sont pas applicables à des lignes vicinales, qui n'avaient pas encore l'importance et le caractère codépartemental que la loi de 1836 s'est proposé de leur donner; >> Est d'avis que les rues qui sont la prolongation des chemins vicinaux de grande communication, dans la traverse des communes, doivent être considérées comme partie intégrante desdits chemins, et être soumises aux règles qui leur sont applicables. »

Du 18 janv. 1837.-Avis du cons. d'Etat.

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