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général Vander-Meersch (1) comme le premier et l'indispensable moyen de remplir ces vues, qui doivent animer tous les coeurs patriotes.

Je suis avec respect, etc.

AU GÉNÉRAL LAFAYETTE.

9 juillet 1790.

Il est impossible, monsieur le marquis, que nous nous voyions à notre aise avant mon départ. La fédération vous donne trop de travail pour que je vous occupe des affaires du dehors. Cependant on m'attend le 10 au soir à Bruxelles, et je me résous à partir autant pour dégager votre parole que par la nécessité des circonstances.

Je fais toutes les avances de ce voyage, malgré la faiblesse de mes facultés; mais je connais trop la délicatesse de votre ame pour avoir la moindre inquiétude à cet égard. Je vous prie de vous prêter à l'arrangement que je vais faire en arrivant à Bruxelles : je tirerai sur vous une lettre de change de 6,000 liv. que je vous prierai de vouloir bien faire payer à Paris.

J'aime M. de Montmorin de tout mon cœur, mais nous voyons l'affaire des Pays-Bas en sens contraire, et je crains que son opinion ne le compromette s'il ne la modère pas. Il voit la politique en ministre et en ancien ministre. Il a voué à la cause belgique une

(1) Le général Vander-Meersch, élevé, à la fin de janvier 1789, au grade de lieutenant-feld-maréchal des États belgiques, avait été mis en prison, au mois d'avril 1790, comme chef du parti opposé à celui des états.

haine qui lui exagère les torts du congrès; il fait des vœux trop prononcés pour le succès des Autrichiens, et l'influence de M. de Mercy est trop marquée. Sous quinze jours, le système politique changera, et la nation ne peut voir qu'avec soupçon et méfiance l'adhérence trop forte des ministres à l'ancien système.

M. de Montmorin fait son métier, et quoique je sois d'opinion contraire à la sienne, je ne le blâme point; mais votre position est entièrement différente et presque opposée; vous êtes l'homme de la nation; vous devez et pouvez seul veiller à ses dangers extérieurs, et aucune démarche à cet égard ne peut vous compromettre (1). Je vous prouverai par ma conduite dans mon voyage qui sera très court, si je ne vois pas de grands moyens pour faire le bien des deux nations.

«

DUMOURIEZ.

(1) M. Dumouriez dit dans ses Mémoires (t. II, 1. III, chap. iv, p. 90) que le rapport qu'il fit de la révolution de la Belgique où il avait été, en 1790, observer l'état des choses, « fit grand plaisir à M. de Montmorin, et fut très froidement reçu de Lafayette, qui était très occupé « des intrigues qui se tramaient continuellement autour de lui. » Je crois que ce rapport fit peu de plaisir à Montmorin; mais si Lafayette le reçut froidement, cela ne vient pas de ce qu'il était occupé d'intrigues, mais de ce qu'il acheva de se convaincre que la révolution belgique n'était qu'une intrigue de l'aristocratie et du clergé, où les intérêts du peuple étaient oubliés, et où il n'apercevait aucun principe de liberté et des droits des nations. (Note du général Lafayette.)

LE CONGRÈS SOUVERAIN DES ÉTATS BELGIQUES UNIS, AU GÉNÉRAL LAFAYETTE,

MONSIEUR

Fait à Bruxelles, ce 6 août 1790.

Nous avons vu avec la plus grande satisfaction et pas moins de reconnaissance, le décret de l'assemblée nationale qui révoque la permission qu'une politique insidieuse était parvenue à arracher au meilleur des rois en faveur des Autrichiens, pour les mettre en pouvoir de combattre mieux la liberté des Français et la nôtre en séjournant sur leur territoire (1). Nous ne doutons pas que ce ne soit en partie l'effet de vos nobles efforts, et nous vous offrons les sentimens les plus justes de notre gratitude, vous priant, Monsieur, de seconder par votre appui les vœux de la nation que nous représentons, dont M. de Thiennes est porteur et interprète. De tout temps les États

(1) Le 27 juillet, une dénonciation des administrateurs du département des Ardennes était parvenue à l'assemblée nationale, au sujet d'une lettre de M. de Bouillé qui leur annonçait, d'après les ordres du roi, le prochain passage des troupes autrichiennes sur le territoire de France et les frontières du Luxembourg, pour se rendre dans les provinces belgiques. On nomma sur-le-champ six commissaires chargés de demander des explications aux ministres, qui répondirent que cette mesure était l'effet d'une disposition réciproque contenue dans deux conventions passées avec l'impératrice-reine, en 1769 et 1772. Le 28 juillet, l'assemblée déclara que, conformément à son décret du 28 février, le passage d'aucunes troupes étrangères sur le territoire de France ne devait être accordé qu'en vertu d'un décret sanctionné par le roi. Le 29, on lut une lettre justificative de MM. de Montmorin et Latour-Dupin, qui présentait un état des forces considérables placées sur les frontières de Flandre et du Hainaut.

Belgiques ont eu des relations politiques avec les Français, et l'histoire nous offre plusieurs traités qui ont lié les deux nations; puissions-nous parvenir à y en ajouter un, qui, fixant le sort de notre liberté, ruinerait à jamais le despotisme oppresseur de nos vastes et riches contrées! Vous y pouvez contribuer infiniment, Monsieur, tant par vos talens que par le grand mérite que vous vous êtes acquis auprès de la nation française.

Nous sommes en peine, Monsieur, de ne pouvoir pas vous obliger par l'élargissement du général Vander-Meersch. Redevables à la nation, comptables devant elle, il n'est pas en notre pouvoir d'interrompre le cours de la justice qui serait depuis longtemps en activité, si M. Vander-Meersch n'y avait mis des obstacles lui-même, et si les égards que nous avons pour lui ne nous avaient pas empêchés de les franchir.

Nous en avons donné des preuves à M. Dumouriez, et nous ne doutons pas qu'il ne vous les rende avec la conviction qu'il en a sentie, et dont il est convenu avec nous. M. de Thiennes vous communiquera nos sentimens par rapport à cet excellent et habile homme.

Nous sommes, Monsieur, vos très affectionnés, Le congrès souverain des États Belgiques Unis, Signé F. VANDER-MEERSCH, président.

VAN-EUPEN, Secrétaire.

DEPUIS LA FÉDÉRATION JUSQU'AU 21 JUIN 1791. 49

XV.

DEPUIS LA FÉDÉRATION

JUSQU'AU DÉPART ET A L'ARRESTATION DU ROI ! (24 JUIN 179ł ) (1).

La fédération du 14 juillet avait donné trop d'espérances aux amis de la liberté, de l'union et de l'ordre public pour ne pas exciter les ennemis de la révolution à troubler cette heureuse harmonie par tous les moyens possibles. On voit que, dès le 3 août, Lafayette fut obligé de publier l'ordre du jour suivant, qu'on peut regarder comme une sorte de discours à la garde nationale.

« Le commandant-général, persuadé que la révolution qui a rendu au peuple ses droits et préparé son bonheur, ne peut s'affermir que par l'ordre public, regarde comme ennemi de la liberté et de la constitution, quiconque ne hait pas la licence et l'anarchie; il sait que ce n'est pas en vain que la force armée du royaume s'est liée par un serment sacré ; il a partagé l'indignation de ses frères d'armes, en voyant les efforts de quelques hommes pervers ou égarés pour agiter la capitale, qui, après avoir donné au royaume le signal du courage, lui doit l'exemple non moins utile de la soumission à la loi. Depuis quelques jours les poignards de la calomnie se sont multipliés, les conseils les plus incendiaires ont été répandus dans les écrits et les lieux publics; on a prêché l'insurrection contre les décrets de l'assemblée et l'autorité constitutionnelle du roi ; de coupables

(1) Suite du recueil intitulé: Collection de plusieurs Discours, etc.

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