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térêt que je prends à tout ce qui vous regarde.
Si mon filence a été un peu long, ne l'attri-
buez qu'aux affaires dont j'ai attendu l'iffue.
Quand vous m'écrivîtes, il étoit déjà décidé
que le général de Kalkreuth garderoit le com-
mandement en cas qn'on laifsât des troupes
fur le territoire hollandois. Vos vœux fe trou-
vent donc remplis de cette manière, & vous
voyez par-là que les beaux efprits se rencontrent.

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A l'égard des autres idées que vous me communiquez, je vous parlerai avec cette même candeur & franchife avec laquelle j'ai toujours fu expliquer mes fentimens vis-à-vis de philofophes praticiens, qui ne se bornent pas à la fpéculation. Convenons 1o. que jamais ces troubles en Hollande n'auroient eu lieu, fi l'intérêt d'une couple de marchands de bois d'Amfterdam, animés par la cabale françoife, dont la politique trouva néceffaire de détacher la république de fes liaisons avec l'Angleterre, n'en avoit fourni l'occafion. Voilà le principe de vos malheurs.

2o. L'Angleterre apprend les menées fourdes de fes antagonistes; elle apprend qu'une couple de marchands veulent faire un traité avec les Américains, avec lefquels elle étoit en guerre

part à votre chère moitié. Adieu mon ami, foyez heu-
reux, & fouvenez-vous que mon cœur est fait pour la véri-
table amitié.

H

Quoi, dit-elle, mes alliés fe portent contre moi ! Elle demande fatisfaction à la république, & prétend qu'on arrête les infracteurs de l'alliance. Qu'étoit-ce donc ? La république ne valoit-elle pas plus qu'une couple de marchands? Ceux-ci, pour fauver leurs biens & leur vie, foutenus par des paroles françoifes, vont mettre le feu aux quatre coins de la république. Etoit-ce patriotique? étoit-ce généreux ?

3°. Que firent-ils pour réuffir? Le prince Louis de Brunfwic, pendant trente ans, avoit fu conferver la république en paix, & particulièrement floriffante, pendant que toute l'Europe, pour ainsi dire, étoit en feu, depuis 1756 jufqu'à 1763. Ce même prince qui, hors cette que relle marchande, auroit confervé ce pays encore en paix, dut être le premier facrifice de la cabale françoise; car le ministère n'ignoroit pas que ce prince connoiffoit trop bien la carte du pays pour jamais faire souscrire au Stadhouder & à la république une alliance avec la France. Ce prince culbuté, ils espéroient venir plus vite à bout du Stadhouder. On force le prince de quitter; voilà le glacis & le chemin couvert de la place pris; tout de fuite l'on emporte la demi-lune; l'on fait le paffage du foffe; l'on bat le rempart en brèche; l'on attache le mineur la mine faute, le rempart s'écroule, l'on ferend maître de la place, & le Stadhouder fe retire dans la citadelle. Après cette expédition, on

s'arrête, on difpute, l'on fait des émeutes de tous côtés; le foi-difant patriote pour emporter la citadelle, le Stadhouder pour la défendre. Dois-je parler vrai? Il y avoit dans ce moment du tort de part & d'autre. Le patriote demandoit trop, & le Stadhouder écoutoit trop peu. Je fuis convaincu, mon ami, que fi les propofitions avoient été plus modérées, l'on auroit pu mieux fe réunir.

4°. Quelle imprudence indécente font les patriotes? Arrêter la fœur d'un roi, qui vient de monter fur le trône, qui déjà avoit fait des propofitions d'accommodement ! Ceci caffa les vitres. On fe laiffe bloufer par les paroles françoifes; le roi de Pruffe demande, avec raifon, fatisfaction de l'offenfe, l'on héfite; il vous annonce qu'il fait marcher des troupes, vous en doutez ; & pourquoi? parce que la France vous dit il n'ofera, nous marchons à Givet ; il s'arrêtera fur les frontières: point du tout; vous attendez encore les François, pendant que les Pruffiens fe trouvent déjà aux portes d'Amfterdam. Le gazetier de Leyde anime encore la ville d'Amfterdam à fe défendre, parce que les François ne fauroient l'abandonner. On envoie, on court à Givet; l'on y trouve, au lieu de camp, quatre officiers françois (comme doit l'avoir dit l'Empereur) qui s'amufoient à jouer aux proverbes, pendant qu'Amfterdam capitule & reçoit garnison pruffienne & holiandoife. Voilà

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en vérité l'histoire complète d'une affaire mal entamée, plus mal foutenue, & plus tristement finie encore. Que voulez-vous, mon ami, qu'on fafle avec des gens qui, loin d'agir par un fentiment de vrai patriotisme, commencent à faire du bruit par intérêt, le foutiennent & l'augment par amour propre, & lâchent prise quand on leur fait bonne contenance? Ceci n'est effectivement ni noble ni patriotique.

Si la république eft dans la détreffe ne font-ce pas les chefs de ces patriotes qui, par leur intérêt, leur imprudence & leur confiance trop aveugle dans les promeffes de la France, en font uniquement la cause? Auriez-vous été plus mal, fi l'on eût interdit tout de fuite le trafic de ces marchands de bois, que vous l'êtes à cette heure? Et ces marchands n'auroientils pas pu quitter alors leurs foyers plus aisément qu'à préfent qu'ils doivent le faire de force?

La machine ainfi ébranlée, croyez que l'unique moyen, & le plus folide pour la république, pour regagner l'état floriffant dont elle s'eft privée elle-même; pour mériter la confidération qu'elle a perdue chez d'autres puiffances; pour couper la tête à l'hydre de la difcorde qui s'est répandue dans l'individu révolté & qui ne peut rentrer d'abord dans les limites prefcrites; c'est de s'allier au roi de Pruffe & à l'Angleterre & de fe ervir de ces de x Fuifances, comme médiatrices, pour tenir

l'équilibre mefuré qui convient à une république, qui a un Stadhouder héréditaire, & à un Stadhouder qui tient ce bien de la république. La tranquillité renaî ra dans votre fein, & la trifte expérience qu'on vient de faire retiendra un chacun dans fes juftes bornes; d'un côté à ne vouloit pas trop prétendre, de l'autre à s'accommoder avec douceur.

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Si vous réfléchiffez impartialement fur cette proposition, je ne doute pas que vous trouverez que le feul défir philantrope de vous revoir heureux & dans votre ancien état floriffant en eft feul la bafe. J'efpère voir mon frère bientôt ici. En attendant de vos nouvelles je fuis, avec une eftime des plus marquées & beaucoup d'amitié votre fidelle ami.

RÉPONSE

A la Lettre précédente.

MONSETO

ONSEIGNEUR,

- Je me croirois indigne de l'eftime & de l'amitié dont Votre Alteffe m'honore, fi je ne. m'empreffois de réfuter les opinions dans lefquelles on voudroit l'affermir à l'égard des troubles de la Hollande.

Je vous fuis, Monfeigneur, trop fincèrement attaché, & je me fais une trop haute idée de

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