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fort de l'intérêt de la France d'anéantir; il peut même frayer le chemin à une triple alliance entre la république, la France & la Pruffe. Appuyé fur une telle ligue, ainfi que fur la ligue germanique, la Pruffe acquiert une existence immuable: elle ajoute la pierre angulaire à l'édifice élevé par le grand Frédéric ".

Si ces réflexions, Monfeigneur, vous paroiffent de quelque poids, elles vous indiqueront naturellement celles que votre fagacité croira néceffaires à leur développement & à leur utilité.

J'ai l'honneur d'être, &c. .

RÉPONSE

De Monfeigneur le Prince Frédéric.

A Brunfwic, le 15 août 1787.

CE n'eft qu'après une course que j'ai faite à Hambourg, que j'ai trouvé, mon ami, la lettre que vous m'avez adreffée à Berlin le 26 juillet. Ne pouvant communiquer vos idées fages au fouverain, qui eft en voyage, & qui par conféquent n'auroit pu répondre que très-tard à vos empreffemens, j'ai en conféquence envoyé votre lettre au duc régnant mon frère, qui fe trouvera peut-être plutôt en état de les expliquer

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à madame la princeffe d'Orange. Malgré fa commiffion, vous jugerez bien que les principes d'honneur, c'est-à-dire, de l'honneur véritable, de la probité & de la juftice, lui ferviront de guide. Je pars après demain pour la Saxe, & je ferai de retour le 4 septembre à Berlin. Je fuis en attendant, avec l'amitié la plus fincère, votre fidelle ami.

La haute vénération que j'avois conçue pour Mgr. le duc régnant pendant mon féjour à Brunfwic en 1784, entretenoit les efpérances que j'avois toujours de parvenir à une conciliation"; j'étois même bien charmé de favoir fon altele à la tête de l'armée pruffienne: cette nomination paroiffoit me fournir de nouveaux moyens, parcequ'il n'étoit pas raifonnable de croire qu'un prince auffi jufte, auffi éclairé, ne cherchât & ne parvint à connoître nos véritables intérêts & l'utilité de pacifier la république. Je penfai donc qu'il étoit de mon devoir, en me rappelant au fouvenir de ce prince, de lui communiquer mes défirs & mes fentimens.

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LETTRE

A S. A. S. Monfeigneur le duc régnant de

Brunfwic.

TRÈS-SÉRÉNISSIME PRince,

A Wefel.

Le bien public autant que l'humanité ont été les feuls agens qui ont jufqu'à préfent dirigé ma conduite, & jamais aucun motif n'en altérera le principe. Je fais, monfeigneur, combien fous de tels aufpices, il eft facile d'avoir accès près du cœur & de l'efprit de votre Alteffe Séréniffime, & l'épreuve flatteufe que j'en ai faite m'en est un 'gatant irréfragable...

Monfeigneur le prince Frédéric m'informe par fa lettre de Brunfwic du 15 août, avoir envoyé à V. A. S. ma lettre du 26 juillet, dans laquelle je motivois quelques idées relatives aux circonftances malheureufes de la république.

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Permettez-moi, monfeigneur, de demander à V. A. ce qu'elle penfe de mes affertions, & s'il en eft quelques-unes qui puiffent être utiles dans les plans à fuivre pour ramener le calme & la paix.

Mais vous, monfeigneur, qui fixez les regards de toute l'Europe, qui êtes le père & l'ami de vos fujets, le confeiller intime d'un roi qui aime le bien, qui paroiffez être le pro

tecteur de la maison d'Orange, fans ceffer pour cela de refpecter les droits d'un peuple libres vous, monseigneur, qui d'un feul mot pouvez arrêter ou faire marcher cent mille hommes répandre le deuil ou l'alégreffe fur une grande étendue de pays, & dont les talens militaires font trop connus, pour qu'il foit néceffaire de les développer encore; vous enfin, monseigneur, qui pouvez fi aifément éclairer le roi, faire ceffer les malheurs d'une guerre civile; vous ne permettrez furement pas qu'on fe conduife autrement que par les voies de l'honneur & de l'équité. Solliciter votre juftice & votre humanité, feroit bleffer l'une & l'autre. Qui plus que Votre Alteffe faura les refpecter? Ainfi le but de ma lettre n'eft uniquement que pour prier V. A. de confidérer, que fi l'on veut foutenir les intérêts du Stadhouder par la force, il en coûtera beaucoup de fang & la ruine totale du Stadhoudérat. Car, en fuppofant, contre toute apparence, que le prince d'Orange vienne à triompher à main armée, jamais il ne regagnera la confiance de fes compatriotes, & fes defcendans, à force de vertu, ne pourront probable ment jamais faire perdre le fouvenir des maux actuels.

Votre Alteffe ne rejettera furement pas ma prière, elle eft d'un ami de la paix: car je vois dans le parti patriotique tant d'énergie & de réfolution, que je crains, (fi l'on en vient

férieufement aux mains) que ce choc n'entraîne la perte de tout le pays, du pays le plus inté reffant par fon ensemble & par fes rapports.

En attendant que mes voeux patriotiques, & ceux que je fais pour la confervation de Votre Alteffe Séréniffime foient accomplis, j'ai l'honneur d'être, &c.

Amfterdam, ce 31 août 1787.

Voyage à La caufe publique étoit alors devenue pour la Haye. moi prefque une caufe particulière, mon ame étoit dans une agitation proportionnée aux dangers réels de la république. Au dedans comme au dehors on ne refpiroit que la guerre & la vengeance; rout efpoir de réconciliation étoit détruit, j'avois entièrement renoncé à mon projet chéri, lorfqu'un événement inopiné vint réveilier mon courage, & m'offrir de nouveaux moyens.

Deux jours après le départ de má lettre au duc régnant, j'en reçus une de la Haye, d'un de nos régens, par laquelle j'étois prié de m'y rendre pour conférer fur quelques objets effentiels aux circonftances. Je partis le lendemain, & me rendis au lieu indiqué par la lettre ce fur là que, dans une affemblée particulière des principaux membres des états de Hollande, il fut réfolu que je partirois le plutôt poffible pour Clèvesd, où étoit alors monfeigneur le duc régnant, afin d'éviter, s'il étoit poffible, les maux d'une

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