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contrarié par les raisonnemens ou les écrits éphémères de ces oififs, de ces politiques ambulans, qui, fi fouvent par leur babil fpécieux, féduisent les plus ignorans, ou les plus crédules, & les entraînent à leurs opinions pour groffir leur parti.

Au feul bruit d'une guerre, les gentilshommes & les militaires, jaloux d'acquérir de la gloire & de l'avancement au lieu de croifer les vues du miniftre réformateur folliciteroient alors fa bienveillance & les grâces du monarque. Les femmes fuivroient leurs époux, leurs amans, dans les combats: leurs fuccès ou leurs revers feroient la base de leurs conversations, toute leur attention', tous leurs vœux enfin feroient tournés de ce côtélà. En un mot, diftraire la nation, c'est s'en rendre maître: mais elle doit ignorer ce motif, & fentir que la guerre eft non moins néceffaire que preffante. La cause exifte, & l'Europe femble hautement preffer la France de mefurer fes forces. Ici c'est une violation des traités, une infulte publique à venger, des alliés opprimés à protéger, là des mépris, des attentats qui bleffent fa dignité, des ingrats qu'il faut punir: par tout c'est la gloire de la nation qu'il faut foutenir.

Depuis que l'empire françois exifte, je ne vois aucune époque où il ait été mis à une épreuve auffi grande, fe foit vu dans une néceffité plus urgente de reprendre fur la fcêne du monde cette prépondérance & cet afcendant qui doit le rendre à jamais l'arbitre & le protecteur de toutes les puif

fances. Oui, fi les françois ont le bonheur de fe régénérer, ce fera le premier peuple du monde.

Aucun royaume n'a plus de moyens pour faire la guerre que la France; fa marine & fes armées font dans l'état le plus refpectable, fes approvifionnemens en tout genre fi abondans, qu'ils peuvent fuffire au moins pour deux années. Les finances, criera-t-on d'abord, exigent une grande économie. Eh bien ! leur fage administrateur y pourvoira fon nom vaut un emprunt. La confiance des nations dans ce miniftre lui mérite un crédit fans bornes; le tréfor fuffira à toutes les dépenses, fes reffources font immenfes en temps de paix : une guerre les rendra plus grandes encore: la Hollande fera tout alors pour cela. Se battre, vaincre, regagner fes alliés & les rétablir; voilà ce qui peut feul rendre la France ce qu'elle doit être avec nous, & par nous, par nous, elle aura tout, & fi la France a befoin d'argent, elle en trouvera & même à quatre pour cent autant qu'elle voudra, je le fais, & j'efpere le démontrer: mais il faut opérer une révolution en faveur du parti patriotique.

La France doit faire les derniers efforts pour s'allier à la Hollande; ear fi celle-ci favoit ce qu'elle peut, réunie à l'Angleterre, fi leurs interêts pouvoient long-temps être les mêmes, ces deux puiffances pourroient empêcher la France de tirer du Nord les bois & les autres

productions dont elle ne peut fe paffer, rendre fa marine prefque inutile, & fes efforts abfolument impuiffans. Les fuites font même effrayantes.

D'un autre côté, fi l'on permet à la Pruffe de continuer fes heureuses imprudences, le systême politique du Nord peut changer à un tel point, qu'il fera difficile enfuite d'arrêter les progrès de fon influence en Pologne où l'on affure qu'elle va faire paffer une armée. La guerre inconcevable de l'Empereur & des Turcs lui laisse le champ libre; & fi les Anglois parviennent à la faire prolonger comme ils l'efperent, la Pruffe acquerra par tout une fupériorité qu'on ne pourra de long-temps lui ôter. 11 eft donc bien effentiel de la prévenir.

Pardon, Monfieur, j'oubliois que j'écris à un des hommes les plus inftruits, à un des miniftres les plus éclairés de notre fiécle à qui toutes ces chofes font parfaitement connues. Je me bornerai à l'avenir aux feules confidérations qui intéreffent la Hollande dont je fuis plus à portée de connoître les befoins.

J'ai l'honneur d'être avec les fentimens les plus diftingués, &c.

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tion..

LETTRE ET MÉMOIRE

A M. Necker, fur les intérêts réciproques de la France & de la Hollande.

ONSIEUR,

A Amfterdam, le 30 Mars 1789.

DANS la confiance que vous n'aurez trouvé dans ma dernière dépêche du 16 février, que l'expreffion d'un citoyen fincèrement attaché à fa patrie, & vivement touché du noble dévouement que vous témoignez pour elle, je continue mes réflexions, & vous prie d'accueillir favorablement celles-ci; vous avez eu la bonté de m'affurer que vous y que vous y donneriez toute l'attention que je pourrois défirer. C'eft prononcer votre éloge; parce que le véritable favant, le véritable homme de bien ne dédaigne jamais les réflexions des autres, il fe plait toujours à les fuppofer utiles, & c'eft la manière la plus noble d'encourager le zele.

Comme François, voici les questions que je me fuis faites, & comme Négociant de cette république j'ai effayé d'y répondre pour appuyer & développer mes principes fur les liens qui peuvent & doivent abfolument unir la France à la Hollande liens qui, s'ils font permanens, porteront un coup fenfible au commerce & au crédit de l'Angleterre.

[re. quef- Quel intérêt politique la France peut-elle avoir à conferver une prépondérance conftante dans la république? Rivalité pour l'Angleterre à part.

La communication libre avec la Baltique pour Réponse. les approvifionnemens de bois de conftruction & autres articles néceffaires à la marine; la facilité de fe les procurer dans tous les temps, & par-là les moyens de gêner & d'empêcher les transports de l'Angleterre par les villes de Brême, de Stade, &c. & fa communication avec le Nord. En cas de guerre, les facilités d'approvifionner une armée vers le Bas-Rhin, & les fecours toujours préfens de la marine militaire de la république.

Quel intérêt la France a-t-elle à faire un traité de commerce avec les Provinces-Unies? Quels en font les avantages, & comment les prouver par rapport au commerce & aux fabriques de France, fi peu favorisées en Hollande, comparativement à la confommation des marchandises angloises? Comment démontrer que la balance eft en faveur de la France, fi la république continue de faire le cabotage avec Ses propres navires.

En faisant un traité de commerce avec la république, la France obtient l'entrée libre de fes vaiffeaux dans les ports de la république tant en Europe que dans les autres parties du monde, fur-tout au Cap de Bonne Espérance, port fi effentiel pour la relâche des vaiffeaux françois deftinés pour l'Inde, procure à fes manufactures des avantages fans nombre, & un encouragement qui, en leur donnant une nouvelle vie, devient une fource féconde pour

II.

Question.

Réponse.

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