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e fuite, combien la maifon d'Orange étoit éloignée d'adopter des principes auffi généreux.

RÉPONSE

De Monfeigneur le Prince Frédéric.

MON

ON AMI,

A Berlin, ce 14 juillet 1787.

Je commence par vous témoigner le regret que j'ai eu en voyant que vos foins pour rétablir la paix & le repos dans votre république ont été infructueux. Je reçus précisément votre lettre le jour que la nouvelle arriva ici, qu'on avoit arrêté la princeffe d'Orange. Je penfois en moimême que toutes ces fcènes tumultueufes n'auroient jamais eu lieu', fi l'on avoit de part & d'autre agréé vos plans pacificateurs, & agi avec plus de fageffe.

à Berlin

Sur ces entrefaites, quelques affaires relatives Caufes de aux intêrêts de ma patrie, m'ayant appellé dans ma miffion le Brabant, je fis à Bruxelles la connoiffance d'un citoyen respectable de la république, revêtu d'un caractère diftingué & doué d'une ame qui le rend cher à fes concitoyens, & précieux à fes amis Je fuis fâché de ne pouvoir le nommer.Inftruit de la correfpondance intime dont m'honoroit le prince.

prufiennes

Frédéric, & du peu de fuccès de mes tentatives, ce miniftre me témoigna combien il avoit de regret qu'on se fût auffi peu empreffé de tirer avantage de mes relations & de mes moyens.

Peu de jours après mon retour à Amfterdam, ce ministre vertueux m'adressa une lettre profondement écrite fur les causes & les effets de nos calamités publiques; il me recommandoit fur-tout de ne pas me décourager & de redoubler de zèle, que peut-être je me trouverois fous peu dans le cas de le manifefter avec plus d'efficacité. Quelque impreffion que me fiffent ces paroles, j'étois loin d'imaginer quel en étoit le véritable lens : mais je ne tardai pas à le connoître.

Marche La cour de Berlin, depuis le funefte voyage des troupes de la princeffe, commençoit à prendre un intérêt vers la ré- plus vif aux troubles de la Hollande: déjà l'on publique. parloit de la marche d'un certain nombre de

troupes destinées à foutenir la caufe Stadhoudćrienne, & à accélérer, disoit-on, non-seulement le retour de la tranquillité publique, mais encore à obtenir une réparation de l'infulte que madame la princeffe prétendoit avoir reçue. Déjà les troupes pruffiennes campées à Wefel & aux environs, venoient de recevoir pour leur commandant en chef Mgr. le duc régnant de Brunswic. Cette nomination fit une impreffion très-vive fur le parti patriotique; & fans la fécurité où il étoit qu'il y avoit réellement une armée françoise à Giver, prête à marcher à fon fecours au premier befoin,

Prince Fré

il auroit pris furement les précautions les plus actives & les plus fages pour empêcher les Pruffiens de pénétrer fur le territoire de la république. Les momens devenoient précieux, & dans la crainte que le canon ne vînt ruiner à jamais mes espérances, j'écrivis de nouveau au prince Frédéric, pour le prier de communiquer à Sa Majesté le danger auquel fes troupes étoient expofées, fi elles entroient en Hollande, & les conféquences d'une démarche auffi hoftile, auffi dangereufe. J'ajoutois que les relations de fang font toujours, parmi les puiffances, fubordonnées Confiderations pour aux intérêts politiques. On a vu le père & le gen- s. M. Le dre, le frère & la four foutenir par la voie des Roi de Pruffe,aarmes des intérêts d'état oppofés. On a vu le roi dreffées au actuel d'Angleterre ne faire aucun mouvement déric, le 26 pour délivrer fa foeur des perfécutions dont elle eft juillet. devenue la victime. Il feroit donc fort étrange que la cour de Berlin fît marcher une armée fe pour venger de ce que fa fœur a trouvé des obstacles dans la pourfuite d'un voyage fecret projeté à la Haye..... La cour de Berlin est fans doute trop inftruite des fcènes déplorables qui ont préludé, accompagné & fuivi ce voyage, & du bouleversement affreux qu'il devoit caufer, pour défaprouver la conduite des états de Hollande dans une affaire fi intéreffante pour tout fouverain. Les fentimens du grand Frédéric à l'égard de la Hollande me font croire qu'il auroit hautement blámé ce voyage imprudent,

(J'ofe même dire qu'il n'auroit point eu lieu). Quoi qu'il en foit, je pense que le roi actuel eft trop fage pour s'écarter des principes de politique de fon augufte prédéceffeur.

La Pruffe n'ayant donc aucune raison plausible d'intervenir dans nos querelles à caufe des empêchemens apportés au voyage de madame la princeffe, en auroit-elle à faire triompher les prétentions opiniâtres du prince? Il me femble que la Pruffe peut retirer de ce pays les mêmes avantages fous un gouvernement purement républicain. Les deux états ont été unis quand les Stadhouders n'avoient aucunes liaisons de fang avec la maifon de Brandebourg; lors même que le Stadhoudérat n'exiftoit pas. Dans cet intervalle ils ont fouvent fait cause commune. Entreprendre de forcer les volontés à cet égard, offriroit un fyftème nouveau ; il coûteroit de grandes dépenfes : s'il réuffiffoit, il infpireroit à la nation un reffentiment implacable contre le Stadhoudérat, & fur-tout contre la maison qui en eft actuellement revêtue. S'il ne réuffiffoit pas, la Pruffe fe feroit aliéné un état qu'il fera toujours de fon intérêt de ménager à caufe des pays qu'elle possède à l'entour. Pour la confervation du territoire pruffien, il ne conviendroit pas que la maifon d'Orange acquît un pouvoir dominant en Hollande, parcequ'il y a toujours plus d'ambition dans un état monarchique, ou ce qui en approche, que dans une

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république. Qui peut prévoir les prétentions que la maifon d'Orange, devenue puiffante, pourroit former dans la fuite fur les territoires pruffiens qui feroient à fa difcrétion?

Il ne faut pas perdre de vue, qu'en prenant parti pour le Stadhouder, on fe déclare contre la nation. Un fait palpable prouve qu'elle eft contre lui; ce fait, c'eft qu'il ne se foutient que par la force militaire; qu'il a dû défarmer les bourgeoifies dans toute la Gueldre; que la force qui s'oppofe à lui font des milices nationales; & qu'enfin, fi l'on faifoit fortir les troupes des provinces de Gueldre, de Frife & d'Utrecht, ces provinces fe joindroient à celles de Hollande, d'Overy ffel & de Groningue ;·le parti patriotique domineroit dans les états généraux.

On peut dire maintenant, en comptant les voix aux états généraux, qu'elles font égales : trois voix & demie contre trois voix & demie. Cet état est donc précaire: il peut changer à chaque inftant. Une demi-voix de plus donne au parti républicain toutes les forces qu'on lui oppose actuellement. La crife eft donc délicate & fufceptible d'un accommodement. La Hollande demande cet accommodement, s'il peut fe faire d'une manière favorable à la maison d'Orange, quoique peu favorable à Guillaume V. Que fait cela au roi de Pruffe? il ne connoît que fa foeur & fes neveux. En concourant à un tel plan, il renverse le parti anglois, qu'il est si

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