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chaque lieu seroit accompagnée de sa carte topographique; de sorte que si l'on parloit devant Vous d'un Village, Vous pourriez à l'instant, SIRE, voir sa position, connoître les chemins ou les autres travaux qu'on proposeroit d'y faire, savoir quels sont les particuliers dont les propriétés y sont comprises, quelle est la forme et quels sont les revenus de leurs héritages.

Les Assemblées et leurs Députations perpétuelles offriroient l'occasion et donneroient l'habitude de la meilleure instruction que puissé recevoir la jeunesse déjà élevée. Elles l'accoutumeroient à s'occuper de choses sérieuses et utiles, en faisant tenir sans cesse devant elle des conversations sages sur les moyens d'observer l'équité entre les familles, et d'administrer avec intelligence et profit le territoire par les travaux les plus propres à l'améliorer. Cet objet général des conversations dans chaque lieu rendroit les hommes sensés, et diminueroit beaucoup les mauvaises mœurs.

L'Education civique que feroit donner le Conseil de l'instruction dans toute l'étendue du Royaume, les livres raisonnables qu'il feroit rédiger et qu'il obligeroit tous les Professeurs d'enseigner, contribueroient encore plus à former un Peuple instruit et vertueux. Ils semeroient Tome VII.

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dans le cœur des enfans des principes d'humanité, de justice, de bienfaisance et d'amour pour l'Etat, qui trouvant leur application à mesure qu'ils avanceroient en âge, s'accroîtroient sans cesse. Ils porteroient le patriotisme à ce haut degré d'enthousiasme dont les Nations anciennes ont seules donné quelques exemples, et cet enthousiasme seroit plus sage et plus solide, parce qu'il porteroit sur un plus grand bonheur

réel.

Enfin au bout de quelques années, VOTRE MAJESTÉ auroit un Peuple neuf, et le premier des Peuples. Au lieu de la corruption, de la lâcheté, de l'intrigue et de l'avidité qu'Elle a trouvé partout, Elle trouveroit partout la vertu, le désintéressement, l'honneur et le zèle. Il seroit commun d'être homme de bien. Votre Royaume lié dans toutes ses parties qui s'étayeroient mutuellement, paroîtroit avoir décuplé ses forces. Et dans le fait, il les auroit beaucoup augmentées. Il s'embelliroit chaque jour comme un fertile jardin. L'Europe vous regarderoit avec admiration et avec respect, et votre Peuple aimant avec une adoration sentie.

M. Turgot voulait avec raison corriger cette esquisse. En appellant les Propriétaires des terres à la participation qu'il leur croyait due, et qu'il jugeait utile au Roi de leur accorder dans l'administration

du pays, il aurait désiré que l'on joignit à cette constitution fondamentale des mesures qui donnassent une claire et complette garantie de la liberté des personnes, de celle du travail, de celle du commerce et de toutes les propriétés mobiliaires aux Natifs et aux Habitans qui ne sont pas Propriétaires de biensfonds; mais dont le bonheur est le seul gage d'une active, d'une efficace concurrence pour l'exploitation du territoire, pour les Fabriques, pour les Manufactures, pour tous les moyens intérieurs et extérieurs de porter ce territoire à sa plus grande valeur. Il voulait procurer ainsi l'abondance, répandre la félicité sur toute la Nation, assurer la paix par la raison, par la puissance, par la justice; donner au Chef de la Société une autorité d'autant plus grande, que n'étant, ne pouvant être que bienfaisante, il n'y aurait jamais ni motif, ni intérêt de la contester. Il voulait conduire un plan si complet, si vaste, si sage, à toute la perfection dont son génie, son talent, ses lumières l'auraient trouvé et rendu susceptible; et ensuite arrêter la rédaction de toutes les Loix nécessaires pour son exécution, avant de le soumettre au Monarque, et de l'exposer à la critique d'un Premier Ministre, sur l'appui duquel il ne comptait déjà plus.

Le tems lui parut trop court pour que ces grandes opérations pussent être entamées au 1er. octobre 1775, comme l'aurait exigé le renouvellement de l'année financière. Il crut devoir les remettre à celui de 1776; se donner une année pour les mieux faire,

et en remplir l'intervalle par des Loix favorables à la classe laborieuse, à l'amélioration des travaux particuliers et publics.

La pureté de ses intentions, l'évidente utilité de ses projets, son zèle, son courage ne lui permettaient pas de croire qu'il serait disgracié dès le mois de mai de cette même année où il comptait fonder sur des bases solides la prospérité générale.

Le bien qu'ont fait les Assemblées Provinciales, qui n'étaient cependant qu'un anneau détaché de la chaîne qu'il avait conçue, montre ce qu'elles auraient pu produire si leurs inférieures et leur supérieure avaient existé.

Que de maux eussent été prévenus!

Ne blamons pas un tel Homme du retardément que sa prudence a jugé raisonnable.

Plaignons la France d'avoir été victime de la légèreté, de la frivolité, de l'indifférence à tout bien qui caractérisaient M. de Maurepas, et de la jalousie qu'il y joignit.

Déplorons la malheureuse modestie du bon Louis XVI, qui l'empêchait de croire à ses propres pensées, à la justesse de sa propre raison, et de tenir à ses propres affections, quand la majorité de ceux qui l'entouraient n'êtait pas de son avis.

Il a long-tems défendu M. Turgot. Il l'a toujours aimé. Il l'a regretté vivement.

Fin du septième Volume.

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