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le bon usage de ce ministère qui attire aux princes l'amour et la vénération de leurs sujets qui aiment la paix et la tranquillité, et qui les fait craindre à ceux qui la troublent; c'est cet usage qui fait que les princes, quelque bons et sages qu'ils puissent étre, reconnaissant qu'ils ne peuvent rendre la justice à leurs sujets dans tout le détail, les applique à l'étude de tous les moyens possibles pour remplir les charges de personnes qui usent de l'autorité qu'ils sont obligés de leur confier, de la manière et à proportion qu'ils doivent eux-mêmes user de la leur, et qui, pour en faire un tel usage, aient tout ensemble la capacité et la probité que leurs fonctions peuvent demander. (Charte, 57.)

C'est aussi par cet amour de la justice que les princes doivent reconnaître que leur puissance ne doit être absolue sur leurs sujets, que pour attirer une obéissance universelle qui les contienne dans l'ordre et la paix, et elle ne doit avoir son usage que pour cette fin. Ainsi, ceux que Dieu élève à ce rang ont le pouvoir de faire les lois et les règlemens nécessaires pour le bien public, d'établir des officiers nécessaires pour l'administration de la justice et pour tous les autres usages que demande le bien public. (Charte, art. 13, 14, 15, 57.)

La domination des souverains que Dieu élève à ce rang étant donc fondée sur la sienne même qu'il leur commet pour les fonctions du gouvernement qu'il met en leurs mains; c'est par lui qu'ils règnent, et c'est, par conséquent, selon sa loi qu'ils doivent régner.

On voit assez par cette origine de la puissance de ceux qui ont le gouvernement souverain, et par les caractères essentiels de cette puissance, quel est l'usage qu'ils doivent en faire, quels sont leurs droits, et quels sont leurs devoirs. Car c'est sur ces fondemens et sur ces principes qu'il faut en juger; ce qui fera la matière de trois sections. La première de l'usage de cette puissance, la seconde des droits qui en sont les suites, et la troisième des devoirs de ceux qui l'exercent.

SECTION PREMIÈRE.

De la puissance du souverain, et quel doit en étre l'usage.

1. La puissance du souverain renferme l'autorité d'exercer les fonctions du gouvernement, et de pouvoir user des forces nécessaires pour ce ministère (1). (Charte, 57.) Car l'autorité sans les forces serait méprisée, et presque inutile; et les forces sans l'autorité légitime ne seraient qu'une tyrannie, comme il arrive lorsqu'un usurpateur occupe le trône (2), ou qu'un prince légitime entreprend des conquêtes sur ses voisins, hors les cas (1) Rom. 13. 14. (2) Eccli. 11. 5.

d'une juste guerre. Mais, lorsque les forces accompagnent le bon usage de l'autorité, le règne du prince est le règne de la justice, et il fait disparaître les injustices par sa seule vue (1).

de

mer,

[Le Roi est chef suprème de l'état, commande les forces de terre et déclare la guerre, fait des traités de paix, d'alliance et de commerce, nomine à tous les emplois d'administration publique, et fait les réglemens et ordonnances nécessaires pour l'exécution des lois et la sûreté de l'état. (Charte, art. 14. V. les Ord. et Proclamations des 6, 11, 12, 19 et 23 mars 1815.]

2. L'autorité seule, sans autres forces, suffirait pour régner sur les personnes qui connaîtraient leur devoir, et voudraient s'en bien acquitter. Car, encore qu'elle se trouve séparée de ses forces, les sujets ne laissent pas d'y être soumis, de lui devoir le respect et l'obéissance, et de mériter la peine de la rebellion s'ils désobéissent (2). Ainsi, l'insolence rebelle de Semei contre David dépouillé de ses forces, fut un crime de lèse majesté, que la clémence de ce prince lui fit pardonner du fond de son cœur, en ce qui regardait son injure propre, quoiqu'en cet état il pût le punir; mais cette clémence céda dans la suite à la juste sévérité que méritait un si grand crime. Et David, qui voulut mourir sans s'être vengé, mais non sans faire justice en son temps, ordonna à son successeur qu'il eût le soin de ne pas laisser ce crime impuni (3). (P. 86, s.)

3. Comme il y a deux usages de la puissance souveraine, nécessaires pour la tranquillité publique; l'un qui consiste à contenir les sujets dans l'obéissance, et à réprimer les violences et les injustices; et l'autre, à défendre l'état contre les entreprises des ennemis; cette puissance doit être accompagnée des forces nécessaires pour ces deux usages (4). (Charte, 14.)

4. Le premier de ces deux usages des forces pour maintenir la tranquillité publique au-dedans de l'état, comprend celles qui sont nécessaires pour la sûreté du souverain même contre les rebellions qui seraient fréquentes, si les forces n'étaient jointes à l'autorité, et celles qui doivent contenir les sujets entre eux, réprimer les entreprises des uns sur les autres et aussi sur le public, et faire exécuter les ordres du souverain, et le détail de ce que peut demander l'administration de la justice. Ainsi, ce premier usage des forces étant perpétuel comme le sont les besoins qui peuvent le demander; il est de l'ordre du gouvernement que le souverain ait toujours les forces nécessaires pour faire régner la justice; ce qui consiste en officiers et autres ministres préposés à ces fonctions, avec l'usage des armes, selon le besoin. (Charte, 13, 57, 14; p. 209, s.)

5. L'usage des forces pour maintenir l'état contre les entre

(1) Prov. 20. 8. (2) Rom. 13. 5. (3) V. 2. Reg. c. 16. v. 5. c. 19. v. 18. 3. Reg. c. 2. v. 8. 40. et seq. (4) 1. Timoth. 2. 2.

prises des ennemis, est aussi perpétuel, parce que le danger de ces entreprises est toujours à craindre, et que le défaut de forces pourrait l'attirer. Et ces forces consistent en places fortes sur les frontières, en garnisons pour les défendre, et en troupes ou déja mises, ou prêtes à mettre sur pied dans l'occasion.

[La conscription est abolie. Le mode de recrutement de l'armée de terre et de mer est déterminé par une loi. (Charte, 12.)

mer,

La loi du 10 mars 1818, sur le recrutement de l'armée, a été modifiée par la loi du 9 juin 1824 qui porte: article 1. Les appels faits, chaque année, conformément à la loi du 10 mars 1818, pour le recrutement des troupes de terre et de seront de soixante mille homCette loi abroge les art. 3, 20 et 23 de la loi du 10 mars 1818, en fixant la durée du service militaire, dans quelque corps que ce soit, à huit années tant pour les jeunes gens qui seront appelés, que pour ceux qui s'engareront volontairement (1).

mes.

Art. 5. Les places de guerre et postes militaires sont considérés sous trois rapports savoir, dans l'état de paix, dans l'état de guerre et dans l'état de siége.

Art. 6.

En état de paix, la police intérieure et tous autres actes du pouvoir civil n'émaneront que des magistrats et autres officiers civils préposés par la constitution pour veiller au maintien des lois; l'antorité des agens militaires ne pouvant s'étendre que sur les troupes, et sur les autres objets dépendant de leur service.

Art. 7. En état de guerre, les officiers civils ne cesseront pas d'être chargés de l'ordre et de la police intérieure; mais ils pourront être requis par le commandant militaire, de se prêter aux mesures d'ordre et de police qui intéresseront la sûreté de la place: en conséquence, pour assurer la responsabilité respective des officiers civils et des agens militaires, les délibérations du conseil de guerre, en vertu desquelles les requisitions du comniandant militaire auront été faites seront remises et resteront à la municipalité.

Art. 10. En état de siége, toute l'autorité dont les officiers civils sont revêtus par la constitution, pour le maintien de l'ordre et de la police intérieure passera au commandant militaire, qui l'exercera exclusivement sous sa responsabilité personnelle (2).

Art. 12. L'état de siége ne cessera que lorsque l'investissement sera rompu; et, dans le cas où les attaques auraient été commencées, qu'après que les travaux des assiégeans auront été détruits, et que les brêches auront été réparées ou mises en état de défense. ( Loi du 19 juillet 1791.)]

6. Il s'ensuit de ces différens usages des forces nécessaires à la puissance du souverain, qu'elles doivent être proportionnées à tous les besoins, et selon que les états peuvent y fournir. Ainsi,

(1) Quant aux places de guerre, la loi du 10 juillet 1791 contient un système complet de législation, combiné avec les décrets des 9 et 24 décembre 1811; les lois des 8 mars 1810, du 24 décembre 1817, 17 juillet 1819, et l'ord. du 1 août 1821. (2) L'état de siége n'autorise nullement l'autorité militaire à juger un prévenu déja renvoyé à d'autres tribunaux que ceux du lieu en état de siége. Cassation 21 septembre 1815.

ces forces doivent être plus grandes en guerre qu'en paix, et moindres pour maintenir l'ordre d'un état tranquille, que pour le calmer dans les orages des séditions (1). (Charte, 14.)

7. On peut mettre au rang des forces nécessaires dans un état la prudence du prince qui en règle l'usage par un bon conseil (2), et qui fasse dépendre le succès de cet usage du secours du ciel, par la justice de ses entreprises. Car les plus grandes forces, sans la main de Dieu, ne sont que faiblesse, et les moindres suffisent avec ce secours (3).

SECTION II.

Des droits de ceux qui ont le gouvernement souverain.

Comme les droits des souverains leur sont acquis par une suite de la puissance qu'ils tiennent de Dieu, ainsi qu'on l'a expliqué dans le préambule de ce titre, ils ne peuvent avoir de droits que ceux qui n'ont rien de contraire à l'usage que Dieu leur commande de cette puissance, et c'est par cette raison qu'il leur ordonne l'étude de sa loi, pour y apprendre et leur pouvoir et leurs devoirs, dont l'esprit de cette loi doit être la règle (4). Ce qui fait voir en quel sens on doit prendre cette parole de l'Écriture, où Samuel parlant au peuple qui avait demandé un roi, comme ceux des autres nations, et leur faisant entendre, par l'ordre de Dieu, quels seraient les droits de ce roi, leur fit un dénombrement des injustices tyranniques que le roi qu'ils demandaient pourrait exercer sur eux, y donnant le nom de droits du roi, comme si ces injustices étaient, en effet, un droit (5). Il est évident que cette expression venant du même esprit de Dieu, qui avait ordonné que les rois étudieraient sa loi pour en faire la règle de toute leur conduite, et qui l'avait ordonné pour les rois même qu'il avait prédit que ce peuple demanderait dans la suite (6). Il ne leur donnait pas des droits directement opposés à sa loi, dont il avait ordonné qu'ils feraient leur règle. Mais ces injustices tyranniques furent appelées les droits du roi par cette raison, que comme les droits légitimes des souverains s'exercent avec leur puissance, les injustices que les rois pourraient exercer, abusant de cette puissance, auraient le caractère d'un droit par la nécessité où seraient les sujets d'en porter le joug, ainsi qu'il a été dit dans le dernier article de la section 2 du titre premier, ce qui aurait, à leur égard, l'effet d'un droit légitime, puisqu'ils ne pourraient secouer ce joug, quoique de la part du prince ce mauvais usage de sa puissance ne fût qu'une tyrannie. 1. Le premier droit, et d'où dépendent tous ceux des per

(1) 1. Machab. 8. 25. (2) Prov. 24.6. (3) Sap. 6. 1. Eccl. 9. 18. 1. Machab. 3. 19. (4) Deuter. 17. 18. (5) 1 Reg. 8. (6) Deuter. 17. 14.

sonnes que Dieu élève au gouvernement souverain, est le pouvoir d'exercer le gouvernement avec l'usage de l'autorité et des forces qui font leur puissance, et d'employer cette puissance à faire régner la justice, et maintenir la tranquillité publique dans l'état qui leur est soumis (1). (Charte, 14, 57.)

2. Ce premier droit en renferme deux en général, l'un de ce qui regarde au-dehors tout ce qui peut se rapporter au bien de l'état, et l'autre qui regarde ce bien au-dedans. Ainsi, au-dehors le souverain a le droit de faire la guerre contre ceux qui se portent à quelque entreprise ou à quelque autre injustice, soit contre l'état, ou contre lui qui en est le chef, si la réparation de cette injustice demande l'usage des armes. Et ce même droit consiste aussi au pouvoir de faire des traités de paix ou autres, selon le besoin, avec d'autres princes et d'autres états, soit pour entretenir avec eux des alliances pour une défense réciproque, ou des correspondances pour le commerce, ou d'autres liaisons pour d'autres usages; ce qui renferme le droit d'envoyer aux princes étrangers des ambassadeurs ou des résidans. Ainsi, au-dedans le souverain a le droit d'exercer la puissance pour les divers usages expliqués dans les articles qui suivent. (Charte, 14, 57.) C'est une suite de l'art. 1 et du motif de l'usage des armes pour maintenir l'état dans la sûreté contre les entreprises qui en troubleront l'ordre. (V. ce qui a été dit dans la Préface sur l'usage de la guerre.) Personne n'ignore la multitude de preuves qu'on a dans l'Ecriture du pouvoir qu'ont les princes de faire la guerre, et les exemples des princes les plus saints qui ont soutenu et entrepris des guerres.

3. Parmi ces droits du souverain, le premier est celui de l'administration de la justice qui doit être le fondement de l'ordre public, soit qu'il la rende lui-même, dans les occasions qui peuvent l'y engager, ou qu'il la fasse rendre par ceux à qui il donne ce droit. (Charte, 57, 67.) Et cette administration renferme le droit de faire les lois et les réglemens nécessaires pour le bien public (2) (Charte, 15; s.), et de les faire observer et exécuter comme les autres lois précédentes qu'il n'abroge point: de donner à toutes leur vigueur et leur juste effet, et de régler les difficultés qui peuvent survenir dans l'interprétation des lois et des réglemens, lorsque ces difficultés, passant les bornes du pouvoir des juges, obligent à recourir à l'autorité du législateur (3).

Par l'ordonnance de Moulins, art. 1, et celle de 1667, Tit. 1, art. 3, il est ordonné que les parlemens et les autres cours fassent leurs remontrances au Roi, sur ce qui pourrait se trouver dans les ordonnances de contraire à l'utilité ou commodité publique, ou sujet à interprétation, déclaration, ou modération.

Si dans les jugemens des procès qui seront pendans en nos cours de

(1) Rom. 13. 4. V. l'art. 3 de la sect. 3. (2) Prov. 8. 15, 16. (3) L. 11, ff. de leg. L. ult. C. eod. Nov. 143. L. 1 C. eod. L. 9 C. de leg. et const. pr.

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