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comédie du Méchant; il ne peut être senti que par des connoisseurs exercés. Cette piece est le dernier chef-d'œuvre comique du dix-huitieme siecle : à l'avantage de présenter tous les développemens dramatiques que le sujet fournissoit, elle joint celui d'offrir une peinture fidele des mœurs brillantes et dépravées qui ont suivi la régence. Cet avantage, qui manque à la Métromanie, supérieure sous d'autres rapports, assure à l'ouvrage de Gresset un succès durable soit à la représentation, soit à la lecture.

En admirant l'excellente logique qui regne dans cette comédie, nous sommes forcés de convenir que l'auteur a fait une faute bien grande, qu'aucun critique jusqu'à présent n'avoit remarquée. Valere, après avoir vu Chloé, doute encore de la méchanceté de Cléon; dans une scene fort longue, et trop longue puisqu'elle devroit être inutile, il le défend contre les accusations d'Ariste. Cela est contre le caractere des amans. Cléon avoit dit à Valere Chloé n'étoit pas belle; il l'avoit assuré qu'elle étoit bête ; il avoit accusé les mœurs de cette jeune personne: aussitôt que Valere l'a revue, qu'en la voyant il s'est livré à l'amour, tout est expliqué pour lui; il doit connoître le caractere de Cléon: telle est la marche naturelle du cœur humain. Il est étonnant que cette observation ait échappé à Gresset; il est certain qu'il a perdu des développemens heureux à ne l'avoir pas faite.

que

FIN DE L'EXAMEN DU MÉCHANT.

LA COQUETTE,

CORRIGÉE,

COMÉDIE EN CINQ ACTES ET EN VERS,

DE LA NOUE,

Représentée pour la premiere fois
le 23 février 1756.

par

Prononcé La Noue avant la premiere représentation.

MESSIEURS,

<< Ma situation présente m'effraie, et, pour peu que vous daigniez y réfléchir, vous conviendrez qu'elle est embarrassante. Il n'a pas tenu tout-àfait à moi de m'y soustraire; des protecteurs respectables me l'ont ordonné, des amis que je crois vrais me l'ont persuadé: ils ont cru qu'ayant eu déja plus d'une fois le bonheur d'obtenir vos suffrages comme auteur, et qu'éprouvant journellement vos bontés comme acteur, le double intérêt que je pourrois exciter sous ces deux titres réunis ne nuiroit sûrement pas au succès de mon ouvrage, et qu'au contraire la chûte, s'il falloit l'essuyer, en seroit peut-être et plus douce et moins pesante.

« Je l'avouerai, messieurs, j'ai pensé comme eux jusqu'à ce moment-ci; moment terrible où toutes mes craintes se renouvellent, où toutes les sortes de frayeurs m'assiégent et m'environ

cupe,

DISC. PRONONCÉ PAR LA NOUE. 343 nent. D'ordinaire, tandis que l'auteur est sur la scene, tandis que son esprit y brille et vous ocl'homme se dérobe, se cache sous une grille impénétrable à vos regards; ses amis seuls sont admis au spectacle des différentes passions qu'il éprouve, pendant que vous balancez le succès de son ouvrage : ici l'homme et l'auteur tout est sous vos yeux. Privé de toutes les ressources de l'amour-propre, j'ose, messieurs, me livrer à vous à découvert et sans réserve; j'ose vous fournir une de ces situations intéressantes, du moins par leur rareté, et plus capable, je l'espere, d'exciter votre générosité que d'armer votre censure.

« Je ne vous parle point de ma piece; vous l'allez voir: puissiez-vous vous souvenir que c'est un genre bien difficile, qu'il nous est impossible d'atteindre à la perfection des anciens modeles, et que je me tiendrai trop heureux si j'ai pu parvenir à cette médiocrité louable qui trouve toujours grace devant vous, non pour avoir mérité la louange, mais du moins pour avoir évité le blâme! »

JULIE, jeune veuve, coquette.
ORPHISE, tante de Julie.

CLITANDRE.

LE VIEUX COMTE LISIMON..
LE MARQUIS, neveu de Lisimon.
ERASTE.

LA PRÉSIDENTE.

ROSETTE, suivante de Julie.

UN LAQUAIS.

La scene est à Paris, dans un salon commun aux appartemens d'Orphise et de Julie.

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