LA GOUVERNANTE, COMÉDIE. ACTE PREMIER. SCENE PREMIERE. ANGÉLIQUE, JULIETTE. JULIETTE, suivant Angélique qui réve. Vous ne répondez rien! Quel est donc votre but On n'a que trop de quoi parler quand on soupire. Vous ne pouviez finir. Lorsque je me rappelle... Je ne te parlois pas alors d'un infidele. JULIETTE. Doit-on, lorsque l'on perd le cœur d'un inconstant, Perdre aussi la parole? Allons, il faut d'autant Soulager son dépit; rien n'est plus salutaire. ANGÉLIQUE. Où parle la raison le dépit doit se taire. JULIETTE. Et la raison vous parle, à vous, Angélique? Ah! le bel entretien! Ma foi, garre l'ennui; Mais il est tout venu. ANGÉLIQUE. Non, ce guide propice A porté la lumiere au fond du précipice Où j'aurois essuyé le plus grand des malheurs. JULIETTE. Bon! bon! L'amour bientôt le comblera de fleurs. Non, je n'ai plus en lui la moindre confiance. Hélas! pour l'ordinaire elle est sacrifiée. Quel est le sort du sexe! Ah! Juliette, il s'ensuit Qu'on croit qu'il ne vaut pas la peine d'être instruit. JULIETTE. Ah, diantre! vous voilà tout-à-fait surprenante! Je voudrois l'avoir eue en sortant du couvent: JULIETTE. Oui, votre tante a fait une fort belle emplette!... Cette femme n'entend qu'à donner des vapeurs. Tu nommes négligence un total abandon! JULIETTE. Si Sainville a quitté sa retraite profonde ANGÉLIQUE. Ils l'auront fait changer. JULIETTE. Non: il est trop bien né; c'est sur quoi je me fonde. Qu'il y reste, et s'y fasse un nom bien éclatant. JULIETTE. Vous voulez tout-à-fait renoncer à Sainville? ANGÉLIQUE. Je voudrois être encor dans mon premier asyle. JULIETTE. Eh! pour quoi faire? Au lieu de bénir chaque jour Dès vos plus jeunes ans vous ont abandonnée, Le monde n'a plus rien qui me plaise. JULIETTE. Aujourd'hui ; Mais demain il pourra vous plaire davantage. (elle entraine Angélique.) |